François Berteloot, jeune patron de l'Hôtel Volubilis à Douai (59), a repris en janvier dernier le Relais ex-Best Western, cédé au tribunal de commerce de Roubaix. Une stratégie de reprise propre à un hôtelier indépendant. Une étape dans une carrière de professionnel déjà hors norme.
Alain Simoneau
François Berteloot se définit lui-même comme un Flamand discret et indépendant
venu du milieu agricole.
C'est pour 1,59 Me, dans le cadre d'un plan de cession sous l'égide du tribunal de commerce de Roubaix dans le Nord, que François Berteloot, p.-d.g. de Volubilis SA à Douai, a repris le 8 janvier dernier le Best Western le Relais (94 chambres, avec restaurant, 3 étoiles). L'hôtel était en cessation de paiement depuis le 11 octobre 2001. Huit offres avaient été présentées. Entré le 9 janvier dans les lieux, François Berteloot a rapidement décroché l'enseigne Best Western, "non appropriée à l'établissement", et y a posé, au moins provisoirement, et peut-être pour longtemps, sa propre enseigne, Volubilis. Les frais de franchise (27 500 e environ) étaient équivalents ou peu inférieurs au chiffre d'affaires apporté par l'enseigne. "Je suis vraiment indépendant de caractère, et je n'admets pas de payer sans avoir vu les avantages", commente François Berteloot. Il a repris 17 personnes sur 18, l'ensemble du personnel, excepté le directeur Jean-Pierre Capet. La séparation d'avec ce dernier ne va pas sans difficulté. Après une période d'observation et d'étude du marché, le Relais Volubilis recevra une première vague d'investissements pour l'amener à un niveau 3 étoiles plus affirmé. Les volumes et la distribution des 80 chambres standard et 14 junior suites sont bons, estime le nouveau patron, mais les aménagements et le mobilier doivent évoluer. Contacté en particulier par Kyriad, il jugera en temps utile l'opportunité de prendre une enseigne de chaîne, mais à l'entendre, il n'y a aucune urgence. Les prix affichés ne changent pas (de 65 à 69 e). La restauration devra monter en gamme de 19 à 23 e environ, estime François Berteloot. Jusqu'à présent, les volumes étaient considérables, mais avec une grande quantité de couverts à 13 e le midi "qui ne rapportent rien", constate ce patron sourcilleux qui n'admet pas que la restauration puisse être seulement un mal nécessaire pour l'hôtellerie. Il boucle ainsi dans la trentaine l'achat d'une seconde affaire, assez lourde, mais à un prix avantageux. Il affirme avoir proposé près de 50 % de plus un an auparavant pour l'achat de l'hôtel. Un taux d'occupation moyen seulement maintenu autour de 50 %, sans changement du prix moyen, suffirait largement à assurer un cash-flow confortable. L'échec précédent, estime-t-il, était dû avant tout à la charge d'investissements devenue insupportable depuis la fin du différé d'amortissement d'emprunt. Le Relais avait été construit voici quelque 8 ans par des investisseurs locaux dans le cadre d'une opération de défiscalisation orchestrée avec le concours de Pargest.
Au fil des années, le Volubilis a beaucoup investi en cuisine, en équipement de
banqueting.
D'abord un restaurateur
François Berteloot se définit lui-même comme un Flamand discret et indépendant venu du
milieu agricole. Terminant un BTS agricole, l'avenir de cette profession ne l'enthousiasme
pas, et il vire de bord. Avec une équivalence, il effectue en 2 ans un graduât (le BTS
belge) à l'Itma de Tournai, une école de métiers de bouche renommée qui reçoit un
tiers d'élèves français. "Déjà bien formé à la gestion, j'ai appuyé au
maximum sur les techniques de salle et de cuisine", se souvient-il. Il se classe
3e au trophée franco-belge Michel Servet, et à sa sortie, entre en salle chez Paul
Bocuse pour près de 2 ans. Il vire ensuite vers la cuisine chez Lenôtre, puis au
Flambart de Bardot à Lille. Un grave accident interrompt alors sa carrière de cuisinier.
Le dos en morceaux, il en sort finalement sur ses jambes, la tête plus que jamais aux
affaires. Un passage aux Pêcheurs d'Etaples, et il est temps, pense-t-il, de prendre sa
propre affaire. François Berteloot a 24 ans. Un peu court face à la famille Proye pour
reprendre le Queen Victoria de Lille, il reprend à Douai l'hôtel-restaurants Volubilis
de 44 chambres et un vaste espace de salons et restaurants, le fonds pour 450 000 e et les
murs pour 2,4 Me (avec reprise d'un crédit-bail rééchelonné de 10 à 15 ans).
Entre-temps, il a épousé une infirmière qui devient hôtelière. "L'hôtel
était un 2 étoiles assez mal tenu qui perdait beaucoup d'argent. De mai 1993 à novembre
1995, nous l'exploitions pour en faire un produit digne de ce nom en catégorie 2 étoiles
avec une restauration intéressante." L'affaire est à la fois bien et mal
située. Non loin de la gare, du centre-ville et de Gayant Expo, l'hôtel est par contre
difficilement accessible, et les abords immédiats ne sont guère engageants. Par contre,
il dispose sur place de parkings et d'espace pour une éventuelle extension. Avec 4
salons, dont 3 modulables en une seule salle des fêtes, il offre des possibilités
opérationelles intéressantes. En 3 ans, le chiffre d'affaires passe de 840 000 à 1,2
Me.
Montée en gamme et en volume
Restaurateur d'abord, il monte en gamme rapidement pour passer d'un style buffet à une
restauration traditionnelle, cuisine à base de frais, faite sur place, y compris
pâtisserie et viennoiserie. Il s'est constitué une équipe qui varie très peu. Le
ticket moyen bondit de 15 à 30 e avec une forte dispersion entre le plus faible (13-14 e)
et le plus élevé (60 e). Grâce aux espaces disponibles, les volumes sont rapidement
intéressants. "Tout de suite, l'assiette a été appréciée, se souvient-il,
mais il y avait incohérence avec le décor un peu pauvre." L'affaire est
rentable. Commence donc un cycle d'investissements. Fin 1995, c'est la rénovation du
lobby, de la salle de restauration, du bar mis en valeur avec une redistribution de
l'espace. 300 000 e financés moitié par autofinancement, moitié par emprunt court. En
1996, voyant le manque de chambres, il aménage les combles avec 11 chambres
supplémentaires pour 150 000 e, grâce à un financement par augmentation du
crédit-bail. En 1997, ce sont les salles de séminaire et de banquets (230 000 e) ; en
1998, la façade et l'éclairage ; en 1999, les sanitaires, et la même année, la remise
en état et montée en gamme des 44 chambres anciennes. Le tout pour plus de 450 000 e,
avec 300 000 e de crédit sur 6 ans et de l'autofinancement. Au fil des années, le
Volubilis a beaucoup investi en cuisine, en équipement de banqueting. "On peut
faire de la productivité en pratiquant une cuisine traditionnelle", témoigne
François Berteloot.
L'affaire est alors presque mûre. Depuis 1997, l'hôtel est classé 3 étoiles. La
chambre est affichée à 56 e et le petit-déjeuner à 8 e. Le prix moyen chambre s'est
élevé à 62,80 e en 2001, un bon prix à Douai. Le ticket moyen de restauration a
progressé en 2001 jusqu'à près de 35 e à une centaine de couverts par jour, et le
patron du Volubilis estime que le marché ne permet pas de faire mieux. Le chiffre
d'affaires a encore progressé à 1,68 Me en 2001 pour 22 personnes employées, et dégage
une confortable marge brute d'autofinancement. Le désendettement est bien avancé. On
aura compris que les Berteloot préfèrent investir plutôt que de voir leurs impôts
monter. L'emplacement douaisien permet de construire une trentaine de chambres de plus,
d'une excellente valeur d'exploitation, car le marché est là, mais moins convaincant sur
le plan de la valeur de revente. On est loin des belles pierres du vieux Douai. Ce serait
plutôt un style motel du Midwest. François Berteloot se réserve ce choix pour plus tard
et garde un il sur la concurrence à Douai. En attendant, il a préféré tenter
l'aventure du Relais. C'est le défi du présent. n zzz36v
L'hôtel Le Relais était en cessation de paiement depuis le 11 octobre 2001.
Le marché hôtelier douaisienLe marché hôtelier douaisien peut-il absorber de nouvelles chambres ? La CCI de Douai dénombre en ordre de grandeur 600 chambres classées, dont toutes ne sont peut-être pas vendables dans de bonnes conditions. Il existe un hôtel 4 étoiles, La Terrasse, qui est aussi l'une des bonnes tables de la région. Quatre 2 étoiles se situent autour de 40-45 chambres, et viennent ensuite une série de petits établissements de 10 chambres ou moins. Le Novotel le plus proche se trouve à Hénin-Beaumont à une bonne dizaine de kilomètres dans le bassin minier. Il y a trouvé sa clientèle, à deux pas de l'autoroute A1. Il est clair que la ville manque de chambres en semaine, et que Gayant Expo, qui monte en régime, peut quelques jours par an se trouver en difficulté pour organiser une manifestation. Le Volubilis, comme beaucoup d'hôtels de ce type de marché, peut difficilement augmenter son TO moyen, supérieur à 60 % en raison de la faiblesse des jours fériés ou d'été, mais refuse du monde les jours de forte activité. |
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L'Hôtellerie n° 2767 Magazine 2 Mai 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE