C'est l'une des plus petites rues de Nancy, mais c'est l'une des plus fréquentées. La rue des Maréchaux, surnommée 'la rue gourmande' par tous les Nancéiens, abrite 21 restaurants. On y sert 2 000 couverts par jour.
La rue gourmande regroupe des établissements aux cuisines très variées.
Comme une ruche bourdonnante, la vie dans la rue des Maréchaux, dans la vieille ville de Nancy, ne s'éteint jamais tout à fait. Cette petite rue médiévale, de quelques centaines de mètres de long, est unique en Lorraine. Sur 24 commerces, 21 sont des restaurants. Proche de la célèbre place Stanislas, elle reçoit jour après jour un flot ininterrompu de salariés du centre-ville et de touristes. Le rituel d'une journée est immuable. Dès le matin, après évacuation des poubelles enlevées quotidiennement, on assiste au ballet des livreurs. Camions ou camionnettes, ce sont souvent des commerçants du marché central de la ville qui viennent apporter les marchandises fraîches aux établissements. Puis le déjeuner, la course pour les hommes d'affaires et les employés pressés qui n'ont qu'une heure pour manger. De 15 heures à 18 heures, la rue s'arrête. Les salariés des restaurants sont en pause. La vie reprend avec le dîner jusqu'à 1 ou 2 heures du matin. Puis l'activité décline, mais ne s'arrête jamais tout à fait. La rue compte en effet la seule boulangerie-pâtisserie de Nancy ouverte 24 h/24. Et le lendemain, tout recommence... "J'ai ouvert mon premier établissement, le Bouchon Lyonnais, en 1983, explique son propriétaire, Yves Antoine, l'un des pionniers. La rue était bien différente. D'abord parce que la circulation ne s'effectuait que dans un sens et que nous n'étions que quelques établissements. Quel changement aujourd'hui !"
La rue gourmande
C'est dans les années 80 que le destin de la rue des Maréchaux - elle s'appelle toujours
officiellement ainsi - a basculé. A l'époque, cette petite rue un peu sombre cultive le
paradoxe en abritant 3 restaurants plutôt haut de gamme d'un côté, et quelques bouges
'mal famés' de l'autre. La rue est alors aussi célèbre pour sa bonne chère que pour
ses prostituées, logées dans des immeubles minables de la vieille ville. En 1983, alors
qu'André Rossinot - qui est toujours maire - vient d'être élu à l'hôtel de ville, la
municipalité décide de valoriser le centre ancien. Elle fournit terrasses en bois et
bacs à fleurs, et tente la piétonisation de la rue. Il ne reste aujourd'hui plus rien,
ni de la restauration de luxe ni des bistrots 'louches', ni des commerces de quartier de
l'époque. "Il existait alors des commerces comme partout, boucherie, épicerie,
cordonnerie. Peu à peu, ils ont tous fermé et les pas de porte ont été rachetés par
des restaurateurs." La rue compte par ailleurs une pharmacie, une boutique de
cadeaux, un commerce de disques d'occasion et une boulangerie, mais la restauration est
toujours sur le coup pour ouvrir un nouvel établissement.
Pour tous les goûts
Dernier arrivé début mai : le Cuba Feliz, un restaurant cubain qui s'est installé à la
place du bar L'Orange Bleue. La légende raconte qu'un journaliste de passage à Nancy,
après un bon repas, a surnommé la rue des Maréchaux 'la rue gourmande'. Et c'est sous
ce nom qu'elle est désormais connue dans la cité ducale. "21 établissements,
cela peut paraître beaucoup, mais comme dit le proverbe, plus on est de fous, plus on
rit, assure Yves Antoine. Plus sérieusement, je pense que l'évolution a été
très positive. Et cela va continuer si la diversification est toujours de mise."
Cuisine française, lyonnaise, provençale, celte, alsacienne ; établissements
spécialisés en poissons ou en viandes, pizzerias, restaurants chinois, cuisine nouvelle
ou gastronomique, petits plats ou tapas... Il est difficile, voire impossible, de ne pas
trouver ce qui convient à son inspiration du moment. Malgré sa grande diversité, le
paysage de la rue est relativement stable, avec un turn-over des restaurants qui n'a
jamais existé. Au dire des professionnels, la rentabilité des établissements est bonne,
voire excellente. Le secret de cette artère, si particulière, est en fait l'émulation.
Malgré une vive concurrence, la rue gourmande fait le plein. Et si un restaurant est
complet, les clients vont simplement à côté. L'hiver, pourtant, les établissements ne
pourraient pas tourner sans une clientèle d'habitués. En semaine, les personnes qui
travaillent dans le centre-ville forment le gros du contingent. Tous les restaurants
servent un plat du jour ou un menu de midi, de 9,15 e à 13,72 e . Le week-end, la
clientèle est plus mélangée, la rue gourmande devenant un lieu de sortie pour toute
l'agglomération. Le ticket moyen tourne alors en moyenne à 16,77 e allant jusqu'à 38,11
e (pour les établissements les plus chers). L'été, une fois les terrasses sorties, un
vent de folie souffle dans la rue. Tous les professionnels évoquent l'ambiance
extraordinaire qui y règne, à tel point "qu'on se croirait sur la Côte d'Azur.
Il ne manque que la mer !"
2 000 couverts par jour
Dans le passé, deux associations regroupant des restaurateurs ont été créées. Elles
ont disparu toutes les deux car il n'est pas toujours simple de concilier relations
commerciales et amicales. Il existe même une partition dans la rue avec "ceux
d'en haut, d'en bas et du milieu". Chacun se contente d'entretenir des relations
commerciales avec ses voisins. Une nécessité pour que ce lieu, où près de 150
salariés travaillent, et où près de 2 000 couverts par jour sont servis, puisse
fonctionner convenablement. Alors, rien à changer ? Plusieurs professionnels
souhaiteraient que le bitume de la rue soit plus souvent nettoyé, attendent de la
municipalité plus de décorations ou regrettent qu'un projet d'aménagement d'éclairage
n'ait pas été réalisé. Mais ce n'est pas ce qui empêche la rue gourmande de
connaître un succès toujours vérifié. "Nous sommes venus ici parce que c'est
la rue la plus fréquentée de Nancy, surtout le soir, avec les animations de la vieille
ville, explique Anne-Marie Laumond qui a ouvert, en juillet 2001, dans un ancien
sex-shop, dernier souvenir du passé tumultueux de la rue, le Muscovado, un restaurant de
tapas. Mais aussi parce qu'il y est possible d'ouvrir un établissement avec un concept
original. Je ne voulais pas copier d'autres restaurants, au contraire. Cette diversité
est la richesse de la rue." Rançon du succès, le ticket d'entrée n'est pas
donné. Il y a quelques mois, l'établissement l'Os à Moelle a ainsi été vendu 1,07 Me
environ. Mais la rue gourmande de Nancy mérite bien des sacrifices car elle est
incontournable. n
zzz22v
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L'Hôtellerie n° 2772 Magazine 6 Juin 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE