En 1997, Jacques Le Divellec, restaurateur parisien, 2 étoiles au Guide Rouge, rachète l'affaire qui lui mit le pied à l'étrier 40 ans plus tôt. Un hôtel-restaurant à La Rochelle. Sa fille et sa petite-fille en tiennent aujourd'hui les rênes.
Sylvie Soubes
Maud, Jacques, Chantal... Une histoire 100 % rochelaise.
Il n'est sans doute pas facile d'être la progéniture du grand Jacques, comme l'appellent affectivement ses proches. Ce géant d'origine bretonne, mais élevé en Charente-Maritime, s'inscrit parmi les meilleurs chefs spécialisés dans les produits de la mer. Il est aussi connu pour sa forte personnalité. Chantal Halladjian, fille aînée du restaurateur, est entrée depuis peu dans le giron professionnel familial. C'est elle désormais qui veille sur le Yachtman à La Rochelle. Le challenge est d'autant plus grand que l'affaire a été le premier établissement de Jacques Le Divellec, avant d'être vendue, avant d'être rachetée.
Bistrot de pêcheurs
En 1958, Le Chat Noir, petit hôtel de préfecture faisant office de bistrot de pêcheurs,
sur le port de La Rochelle, est acheté par un Parigot. Pour Jacques Le Divellec,
l'acquisition ressemble davantage à un retour aux sources. Enfant, il vivait dans un
village au sud de La Rochelle. Dans l'immédiat, le cuisinier doit surtout faire ses
preuves. Les 3 années qu'il vient de passer au Grand Vefour ont aiguisé son imagination
gourmande. Le Chat Noir change d'allure et de patronyme. Le Yachtman décline 15 chambres,
une salle de restaurant moquettée, et les menus rendent hommage aux produits de la mer.
Mais les Rochelais demeurent perplexes. A cette époque, ils n'aiment pas le poisson. Le
restaurateur déchante, réfléchit, s'interroge et se lance - pourquoi pas ? - dans les
spécialités giboyeuses. Le Yachtman est sur la bonne voie. Six ans après son
installation, Jacques Le Divellec obtient 1 étoile au Michelin (Guide Rouge).
En 1973, porté par le succès et l'ambition, reconnaît-il aujourd'hui, Jacques décide
de casser l'établissement, de tout refaire. Dans le même temps, il ouvre un deuxième
restaurant à La Rochelle dans un tout autre registre : le Bistrot 24. Alors que cette
formule 'rapide' séduit la clientèle locale, les travaux du Yachtman tournent à la
catastrophe. Ils durent 3 ans, contre les quelques mois de prévus. L'étoile est loin
derrière et les procès vont bon train. En 1976, Le Yachtman rouvre enfin. Jacques Le
Divellec s'adonne maintenant à une cuisine enrichie par de nombreux voyages à
l'étranger, axée une nouvelle fois sur le poisson. L'hôtel arbore 35 chambres avec
piscine. Classé 4 étoiles, il est le premier établissement de la région 'tout
électrique'. Le guide Michelin 1977 lui octroie 1 étoile, puis une deuxième
l'année suivante. Le Bistrot 24 est vendu. Jacques consacre toute son énergie au
Yachtman jusqu'en 1983, date à laquelle il le vend "sur un coup de tête"
pour monter à Paris. Il conserve toutefois 10 % des actions.
Seconde époque
A Paris, Jacques Le Divellec tient le haut de la restauration marine. Affilié Mercure, le
Yachtman devient un 'bon hôtel' sans restauration précise. En 1997, nouveau pari pour le
chef étoilé : il rachète les parts du Yachtman. Rebelote. L'établissement est encore
cassé. Les travaux s'élèvent à 457 347 e (ils étaient montés à 10 MF en 1976 !). Le
Yachtman passe à 44 chambres, on aménage des salons modulables et un grill. Chantal
Halladjian connaît bien Le Yachtman pour l'avoir arpenter durant son enfance. Mais elle
n'est pas du métier. Surprise par la proposition de son père, qui souhaite qu'elle
dirige l'établissement, la fibre affective l'emporte sur la crainte. Elle quitte Bordeaux
pour revenir à son tour aux sources. "J'ai eu du mal au début,
témoigne-t-elle, parce qu'on me prenait pour une 'gamine'. Je n'étais pas Madame
Halladjian dans l'esprit des gens, j'étais la fille Le Divellec. Beaucoup m'appelaient
d'ailleurs mademoiselle Le Divellec alors que je suis mariée depuis plus de 20 ans."
Chantal s'est toutefois prise au jeu. "Il a fallu que j'apprenne et j'ai appris."
Durant des heures de présence, d'attention, de compréhension, d'observation, de
labeur... "Elle est sévère mais juste", confie Maud, la jeune femme en
charge du grill. Maud, c'est la fille de Chantal. Un fort caractère, comme son
grand-père. Maud a abandonné le cursus traditionnel pour un BEP
hôtellerie-restauration. Au grand dam de sa famille... "Nous faisons beaucoup
d'heures et la vie de famille en prend toujours un coup", lance Chantal,
confrontée aux problèmes de personnel, de gestion, de rentabilité. Sans parler de la
'chape paternelle'. Quand il traverse le hall, le grand Jacques reprend involontairement
ses droits. Puis, après quelques instants, il se ressaisit. C'est Chantal Halladjian la
patronne. n
zzz22v
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L'Hôtellerie n° 2772 Magazine 6 Juin 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE