Concentration, internationalisation, nouveaux concepts, promotion des marques, démarrage des chaînes, le marché italien se met à l'heure de l'Europe.
Georges Garcin
Les phénomènes de modernisation
économique et politique s'inspirent, en Italie, de la morale des fables de La Fontaine.
Ce qui n'est, d'ailleurs, qu'un prêté pour un rendu, compte tenu de la part
prépondérante que tiennent les thèmes d'Ovide et de Boccaccio dans l'inspiration de
notre poète.
Ainsi, dans le monde de la restauration, l'important n'était pas tant de courir que de
partir à point. Et le point de ce départ est celui du nouveau millénaire et de l'Europe
nouvelle. A ce titre, l'an 2001 de la restauration italienne se présente comme une année
de transition qui annonce le changement. Au cours des 12 derniers mois, pour la 'grande
restauration organisée', un certain nombre de signaux se sont mis au vert : implantation
des groupes de restauration européens non encore présents sur le marché. Large
ouverture des perspectives de la restauration concédée sous toutes ses formes.
Développement de concepts et de marques en gestion directe et en franchise avec la
création des premiers maillons des chaînes à venir. Pénétration des nouvelles
technologies, de la liaison froide et des plats surgelés. Conquête des clientèles de
l'administration par les titres-restaurant. Lancement de projets internationaux inspirés
de la stratégie mondiale d'Autogrill. Et, cerise sur le gâteau, l'ouverture par
Cremonini du premier Roadhouse Grill qui annonce la fin des vaches folles et la naissance
de l'Euro-restauration à thème.
Malgré une nouvelle concurrence, Autogrill conservera son leadership dans le
secteur des autoroutes.
Des groupes internationaux bien implantés
Dans le cas de l'Italie, l'inventaire doit commencer par le secteur des collectivités.
C'est dans ce secteur que sont nées et ont grandi la plupart des sociétés qui opèrent
sur le marché. Mais il est difficile de s'y limiter car ces sociétés sont passées
rapidement d'une approche spécialisée à une approche généraliste, en ajoutant à leur
noyau dur social, des activités satellitaires telles que restauration commerciale,
titre-restaurant, production industrielle de repas, banqueting, catering, global service.
Devenues des opérateurs multiservices, elles ont adopté, selon les cas, des solutions de
structures intégrées ou de structures en filiale. Les groupes internationaux ont, eux
aussi, appliqué le modèle national en pratiquant tous les métiers (Gemeaz Accor,
Sodexho), ou une grande partie d'entre eux (Ristochef Elior, Compass Italia). Ce qui leur
a permis d'intégrer le peloton de tête, ou de le prévoir à très court terme quand il
s'agit de Compass ou d'Elior dont l'entrée sur le marché ne date que de quelques mois.
Entre volonté de changement et politique d'économie
La vocation première de ces sociétés demeure d'ordre social car la restauration
collective et titres-restaurant constituent encore la base de leur volume d'affaires et de
leur réseau qui s'accroît sans cesse à travers l'acquisition de petites et moyennes
sociétés régionales. Les grandes tendances de ce marché sont donc essentielles pour
évaluer l'état de santé de la profession. Au niveau quantitatif, la tendance est
positive avec une progression annuelle de l'ordre de 20 %, qui prend en compte l'ouverture
des secteurs Santé, Enseignement et Armée, le recul de l'autogestion et le boom des
titres-restaurant au sein des grandes institutions de l'Etat et des services publics. Au
niveau qualitatif, au contraire, la prestation reste en retrait de l'évolution
européenne. Une résistance au changement qui s'explique par les rapports de force entre
les 3 protagonistes. Le client habitué à consommer un repas complet, traditionnel et bon
marché. L'employeur qui supporte 80 % du coût des repas et demande à ses services
d'achat de limiter les dégâts. Et les restaurateurs, pris entre fourneaux et budgets, en
sont réduits à une concurrence sauvage et à une gestion implacable. Cependant, avec les
années 2000 sont apparus 5 facteurs qui permettent de prévoir un début d'innovation :
la progression des opérateurs internationaux porteurs de propositions nouvelles,
l'évolution des goûts des clients vers une offre plus libre et plus flexible, la perte
d'influence des comités d'entreprise figés sur la défense des droits acquis, la
concurrence du titre-restaurant, et l'apparition des nouvelles technologies du cook and
chill, créant une alternative au poids écrasant des dépenses de main-d'uvre.
Autant d'arguments auxquels il faut ajouter l'arrivée aux commandes des entreprises d'une
nouvelle génération de managers qui n'ont pas connu l'âge de la cantine, qui savent
pratiquer les techniques de la restauration commerciale et qui sont conscients de
l'irrévocabilité du changement.
Margherita & Co, le concurrent de Spizzico développé par la société Vera
(Risto).
Une part de marché encore modeste
La situation du secteur commercial est très différente du secteur collectif. Ici, la
qualité de l'offre est largement au niveau de celle des autres pays. Mais la part de
marché traitée par les grandes structures nationales et internationales reste très
inférieure. On constate cet écart dans toutes les typologies de repas. Fast-food avec
une chaîne de 300 McDonald's représentant un quart de celle implantée sur le marché
français. Restauration à thème à l'état naissant. Self-service et free flow
rarissimes hors des autoroutes et des centres commerciaux mais représentés par des
marques de valeur comme Ciao, Brek, Risto, Flunch ou Trendy. Seules les chaînes à thème
pizza commencent à réaliser une pénétration significative avec les marques Spizzico
(150 points de vente), Margherita & Co, Pizza Chef et Tipico. Cependant, au cours des
derniers mois, les signes de changement se sont multipliés. Outre la croissance continue
du fast-food hamburger, l'accélération des projets concernant les infrastructures
modernes prépare un fort développement de la restauration concédée. La restructuration
des grandes gares par la société Grandi Stazioni (Benetton-FS) et des gares moyennes par
Save, les prochains appels d'offres pour la gestion des aires autoroutières, les
extensions d'aéroports, les grands chantiers nationaux, l'expansion du secteur des
croisières, vont générer une série d'opportunités pour l'implantation de concepts et
de marques. Sans oublier l'explosion du marché du jeu avec les Bingos, une version
électronique du bon vieux 'lotto' de nos campagnes, qui se multiplient (déjà 400,
bientôt 800) sans oublier que l'appétit et la soif viennent en jouant.
Ciao, marque leader de la restauration self-service.
Vers un marché international
Dans la guerre des sites qui se prépare, Autogrill ne sera plus seul. Il retrouvera ses
éternels rivaux Compass, Elior et Sodexho, mais aussi des compétiteurs de fort calibre
comme Gemeaz Cusin, Cremonini, Onama, Pellegrini, et bien entendu, l'incontournable
McDonald's auquel l'opposition du partenaire Burger King ne devrait pas poser problème.
Il faudra aussi compter avec l'efficacité des coopératives, et notamment de Cir et
Camst, toutes deux bien implantées dans la restauration populaire : l'une dotée d'une
gamme de marques propres en cours de lancement, et l'autre soutenant avec succès la
thèse d'une enseigne spécifique pour chaque local.
D'autres marques internationales peuvent vouloir jouer dans la cour des grands. Ikea, qui
gère déjà 8 restaurants, Dunkin'Donuts qui va ouvrir à Milan, Flunch avec son kiosque
Pasta et son kiosque Pizza, La Croissanterie qui lance une campagne de franchising, Punto
Caldo, joint-venture de l'Italien Roncadin et l'Allemand Kamps, les Chinois de Shangai
Quick, et d'autres enseignes déjà présentes - Delifrance, California Bakery, Sabrett,
Hard Rock Café, Planet Hollywood... Sans oublier les pétroliers qui se diversifient dans
le métier de la restauration : Agip avec Fini (Finifast) lance Pans & Compagny, Shell
(Select Store), Esso (Tiger Bar), Api avec Gemeaz Cusin (Festival).
Trendy, une minichaîne free flow bar-pizzeria, présente à Milan et à Gênes.
Des innovations pour préparer l'avenir
Tout au long de l'année, on a pu relever, dans la chronique de ces entreprises, des
événements qui sont autant de signes avant-coureurs du mouvement de modernisation.
Autogrill s'est préparé à affronter les nouvelles données marketing en terminant sa
restructuration. Un nouvel administrateur délégué, Livio Buttignol, venu de la grande
distribution et le renouvellement de la quasi totalité de son management. Les priorités
internationales, et notamment l'entrée en force sur le marché suisse à travers
l'acquisition de Passaggio et de Flughafen Restaurant AG, n'a pas empêché la société
d'élargir son éventail de marques avec l'introduction de PanEsprit, Acafé et Burger
King, et d'expérimenter une formule d'exploitation globale, carburant compris. Ce qui lui
permet d'attendre de pied ferme les appels d'offres que va lancer la filiale du Groupe
Benetton, Autostrade, et les sites des 12 grandes gares dont Grandi Stazioni, autre
filiale de l'empire Benetton, entreprend la restructuration. Même les efforts
d'innovation chez Agip dont la filiale de restauration autoroutière Finifast a conclu des
accords de partenariat avec Pans & Compagny et Sbarro.
De son côté, McDonald's, qui prévoit de doubler son réseau en 2 ans, n'a pas résisté
aux charmes du Bel Paese, allant jusqu'à ajouter à sa carte les oranges pressées de
Sicile, Mac Tost et la pizza Pizza Mia. Et de s'allier avec la société Cosmofood pour
lancer le concept Pizza Sfizzi, dont le thème est l'authentique pizza napolitaine.
De La Nutelleria au Roadhouse Grill
Bien d'autres nouveautés ont marqué l'année 2001. De nombreux concepts ont été mis en
test : La Nutelleria de Camst et Ferrero, les restaurants Globe et les Coin Café de
Ligabue, les snack-bars, food courts, restaurants et Take Away de la ligne Festival
lancée par Gemeaz Cusin, les coffee shops du pilote de formule 1, Alessandro Nannini, les
restaurants à thème Pâtes Rana, le Take Away Pixx conçu par Cibis qui développe les
free flow Brek, Roadhouse Grill de Cremonini... Et, tout dernièrement, le restaurant
italien Rita (CIR) et le fast-food Produits de Four Punto Caldo (Kamps).
De plus, deux jeunes concepts ont atteint une dimension de chaîne : Tipico et Pastarito.
Tipico est la marque d'une société de pizzas livrées à domicile, créée en 1997 par
un spécialiste du fast-food, Alfiero Fucelli. 4 ans après, à la suite d'une fusion avec
Runner Pizza, la chaîne compte 80 points de vente. Pour Pastarito Pizzarito, qui, comme
son enseigne l'indique, est un concept typiquement italien réunissant sur sa carte des
pâtes et pizzas, la formule du développement s'inspire directement du modèle
McDonald's. Un packaging complet de fonds de commerce, lay out, décoration, équipement,
carte, service et procédures, mis à la disposition de gestionnaires privés dans le
cadre d'un contrat de gestion. Un système qui donne de bons résultats puisque la chaîne
compte déjà 74 restaurants. En dernière minute, on apprenait que, pour limiter ses
risques sur autoroutes, Autogrill venait de prendre une position minoritaire dans le
capital du n° 2 du secteur, la société Ristop.
Avec 80 points de vente, Tipico s'impose dans le secteur de la pizza livrée.
Sur les traces de la grande distribution organisée
Le bilan 2001 se place donc sous le signe de l'ouverture. Ouverture aux nouvelles
réalités marketing, aux nouveaux concepts, aux nouvelles marques, aux nouvelles
technologies. Et, Europe oblige, à de nouveaux opérateurs venus d'ailleurs. A ce point
de vue, c'est le monde du transport qui apparaît le plus avancé. Ainsi, le marché de
l'inflight catering, qui représente un volume d'affaires de l'ordre de 300 Me, est d'ores
et déjà à l'heure européenne. LSG De Montis à Rome, Milan et Turin. Ligabue Gate
Gourmet à Milan. Servair Air Chef à Milan, Rome et plusieurs aéroports provinciaux.
Sodexho Sodecaer à Milan, Gemeaz Cusin à Naples, Cremonini à Palerme. Et il en est de
même des aérogares où McDonald's, Autogrill, Cremonini et Compass ont conquis une part
importante du marché. Quant à la restauration et l'hôtellerie ferroviaire, elles sont
gérées par le leader européen Compagnie des Wagons-Lits et le Gruppo Cremonini, qui
opère, lui aussi, au niveau international. L'autoroute et les gares, enfin, connaîtront,
au cours des prochaines années, un notable renforcement de la concurrence internationale.
Le destin de la GDO
Pour ce que l'on pourrait appeler, par analogie avec la Grande distribution organisée,
parce qu'elle traite les grands nombres et parce que son fonctionnement et son
développement sont régis selon des schémas industriels, on peut s'attendre, au cours
des prochaines années, à un scénario comparable. Conquête par les chaînes d'une part
de marché significative, notamment en utilisant le levier de la franchise. Extension des
partenariats internationaux. Rapprochement des concepts collectifs et commerciaux. On peut
cependant prévoir que, dans ce pays où little continue d'être beautiful, les
restaurateurs indépendants sauront préserver, comme l'ont fait les commerçants
indépendants, une grande part de leur patrimoine historique. n zzz99
Chiffres d'affaires 2000 des principaux groupesde restauration italiens (en millions d'euros)
Sociétés | Rest. commerc. | Rest. collect. | Titres-restaurant | Volume total |
---|---|---|---|---|
Autogrill | 990 | - | - | 990 |
Gemeaz Cusin | - | 231 | 550 | 781 |
Sodexho | - | 331 | 144 | 475 |
McDonald's | 418 | - | - | 418 |
Camst | 46 | 232 | 119 | 397 |
Pelledrini | - | 272 | 103 | 375 |
Onama | - | 276 | 98 | 374 |
Ristochef | - | 109 | 83 | 192 |
Ligabue | 177 | - | - | 177 |
Cir | - | 154 | 3 | 157 |
Pedus | - | 147 | - | 147 |
La Cascina | - | 139 | - | 139 |
Cremonini | 124 | - | - | 124 |
Qui Ticket | - | - | 75 | 75 |
Gama | - | 69 | - | 69 |
LSG De Montis | 69 | - | - | 69 |
Serist | - | 57 | - | 57 |
Compass Italia | - | 56 | - | 56 |
Pastarito | 56 | - | - | 56 |
Ristop | 52 | - | - | 52 |
Buon Chef | 48 | - | - | 48 |
Vera Risto | 41 | - | - | 41 |
Repas | - | - | 41 | 41 |
Cibis Brek | 41 | - | - | 41 |
Finifast | 37 | - | - | 37 |
Air Chef Servair | 31 | - | - | 31 |
Tipico | 26 | - | - | 26 |
Agapes Flunch | 17 | - | - | 17 |
Total | 2 173 | 2 073 | 1 216 | 5 462 |
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L'Hôtellerie n° 2772 Magazine 6 Juin 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE