Le chef de travaux du lycée hôtelier de Saint-Quentin-en-Yvelines (78) part à la retraite. L'occasion de faire le point sur l'enseignement et son évolution.
Propos recueillis par Lydie Anastassion
"L'enseignant est plus proche de son élève, plus accessible aussi, ce qui
suppose un échange plus personnel. Mais je crois qu'en gommant la notion de brigade, nous
avons perdu un élément fédérateur."
L'Hôtellerie : Les lycées ont-ils bien suivi les
évolutions techniques des entreprises ?
Jean-Pierre Gauthier : Oui. L'enseignement a été
adapté aux innovations techniques. Un établissement comme celui de
Saint-Quentin-en-Yvelines a été conçu autour d'un immense plateau technique avec
plusieurs entrées. Avec les années, la notion globale de grand atelier de production
accueillant d'un seul coup 30 élèves a été remplacée par des espaces plus petits. Le
groupe idéal est passé à 12 élèves. Et du coup, nous avons morcelé les grandes
unités en petits blocs tout en gardant à l'esprit la possibilité de les inclure, au
besoin, dans un global cohérent. Prenons l'exemple de l'exploitation. C'est très bien de
morceler une salle de restaurant. Encore faut-il pouvoir la retransformer en salle de
banquet pour travailler les grands envois ou encore en brasserie quand cela s'impose.
L'Hôtellerie : Comment cela s'est-il traduit au niveau
de l'enseignement ?
Jean-Pierre Gauthier : L'enseignement tourne autour de
4 questions : où ? quand ? comment ? et pourquoi ? En réduisant le champ, nous avons
supposé avoir gagné en réflexion. L'enseignant est plus proche de son élève, plus
accessible aussi, ce qui suppose un échange plus personnel. Mais je crois qu'en gommant
la notion de brigade, nous avons perdu un élément fédérateur.
L'Hôtellerie : Pourquoi les lycéens ont-ils déserté
les salles de classe, et par conséquent, la profession malgré la modernisation de
l'enseignement ?
Jean-Pierre Gauthier : Premièrement, ils sont moins
nombreux sur le marché du travail du fait même de l'organisation des filières de
formation. Là où nous avions des BEP, nous n'en avons plus. A 17 ans, les jeunes
continuent en passant par des classes passerelles, et parfois même, ils vont ailleurs.
Certains d'entre eux reculent de 5 ans leur entrée dans la vie professionnelle en optant
pour un bac technologique puis pour un BTS. Pour inverser cette tendance, la validation
des acquis professionnels peut être une solution en incitant les jeunes à construire un
plan de carrière dans la restauration ou l'hôtellerie. Ils sont très au courant de ce
qui se passe dans les autres secteurs d'activités qui leur paraissent beaucoup plus
attractifs tant au niveau des rémunérations que des conditions de travail. Les jeunes ne
sont pas plus fainéants qu'avant.
Ils ont le choix, c'est tout. Et pour les attirer et les retenir dans nos métiers, les
équipements, les nouvelles technologies et formes d'organisation peuvent nous aider à
mettre en place une façon rentable de travailler. Les patrons vont-ils enfin accepter
qu'un maître d'hôtel, par exemple, ne vienne qu'à 12 heures pour faire son service et
non à 9 heures pour faire aussi le ménage ? Le challenge consiste à utiliser les
compétences au moment où on en a besoin, et à les optimiser grâce à la technique. Car
la clientèle, qui est de plus en plus informée, parfois plus pro que la brigade, ne
viendra que si on lui propose une valeur ajoutée. Derrière l'alimentaire, il y a dans
notre culture la symbolique du geste que seuls des gens compétents peuvent offrir. n zzz18p zzz68v
ParcoursJean-Pierre Gauthier ne part pas en retraite du monde de l'hôtellerie-restauration. Il a choisi de conseiller les professionnels au travers de son association Approches (conseils, recherches, communication en hôtellerie-restauration). Une seconde casquette construite au fil de son apprentissage personnel et de sa carrière professionnelle. Entré à 16 ans en apprentissage direct chez Prunier, cuisine et restaurant, le jeune Gauthier franchit ensuite la Manche pour 2 ans pour un hôtel-restaurant du Yorkshire et obtient un diplôme d'interprétariat. Puis, c'est l'armée en Afrique du Nord. Retour à Paris où il trouve un emploi dans la Société des Cafés de Paris. Puis en 1967, c'est la bifurcation. Marié avec une agrégée de lettres classiques, Jean-Pierre Gauthier se tourne vers l'enseignement, "un bon compromis" selon lui. Il devient professeur technique adjoint à Jean Drouant. Pendant 12 ans, il tisse un réseau de contacts avec les entreprises, les industriels, mettant à profit ses connaissances techniques acquises en primaire. Parallèlement, parti d'un certificat d'études, il décroche son agrégation de sciences et techniques industrielles, après 15 ans de cours au Cned. Lancé en 1976, le lycée hôtelier de Saint-Quentin-en-Yvelines ouvre en 1980. Jean-Pierre Gauthier, qui a collaboré au projet, y est nommé chef de travaux. Au cours de sa carrière, il a participé à la construction de plusieurs autres établissements : les lycées de Clichy (première version), Eragny, Etiolles, Charleville-Mézières, Nice, Marseille, au Chili et à Pointe-à-Pitre. |
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L'Hôtellerie n° 2785 Magazine 5 Septembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE