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à la une Rodolphe Ermel

Profil idéal de l'hôtelier européen

Il en a fait du chemin, ce petit-fils d'industriel originaire du Haut-Rhin. A 46 ans, le voici réélu à la majorité absolue pour la troisième fois consécutive à la tête de Best Western Europe. Un choix qui ne doit rien au hasard, mais résulte d'un profil idéal. Portrait.

Claire Cosson

© Thierry Samuel

Rodolphe Ermel, président de Best Western Europe : "Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est de fédérer les membres européens pour parler d'une seule voix auprès des Américains."

Dans la nuit, une grosse averse a arrosé le petit bourg de Sancy-les-Meaux en Seine-et-Marne, mais ce matin, le ciel est quasiment lavé et le vent déjà tout à fait tombé sur la plaine. Encore quelques nappes de brouillard çà et là, et le soleil blanchira bientôt les murs du Château de Sancy. A cette heure matinale, la propriété s'éveille tout juste. Oiseaux, chiens chasseurs et chevaux voisins font déjà entendre leur voix. Ici, c'est le rendez-vous des amoureux de la nature, ambiance grande maison de campagne.


Avec le Château de Sancy, Rodolphe Ermel et son associé se sont offerts un petit coin de paradis.

Silhouette élancée, costume chic signé Guy Laroche et chemise assortie, calé dans un confortable fauteuil, Rodolphe Ermel nous accueille, serein, dans ce petit coin de paradis. Un charmant petit château-hôtel 3 étoiles, acheté il y a 12 mois environ, et aujourd'hui entièrement rénové (1,2 Me de travaux). A ses pieds, un magnifique Dalmatien, Prince, dont le regard vous 'tue' d'emblée.
"J'ai cherché durant plusieurs mois une maison de campagne pour échapper au stress de Paris. L'occasion a fait le larron. Et en plus, le chien est heureux...", explique avec humour Rodolphe Ermel. A cet instant précis, l'homme de 46 ans, à l'allure encore juvénile, incarne à merveille le jeune 'premier' romantique, tendance british. A le voir ainsi tout sourire, on penserait même qu'il va enfin lâcher prise, et laisser entrevoir une facette cachée de sa personnalité. D'habitude très sérieuse et réfléchie. Eh bien non ! Ce perfectionniste ne poussera pas plus loin l'introspection. Le voilà soudain qui déplie ses 1,81 mètres, jette un coup d'œil par la fenêtre, puis lance avec une certaine pudeur : "Au fait, que voulez-vous savoir ?" Et de poursuivre, l'air malgré tout satisfait : "Vous savez, je n'ai rien préparé de spécial..."  

© Thierry Samuel

"Quand je parle de l'Europe, je ne parviens pas à dire à l'étranger"

Un flegme britannique
Dommage. Parce que le parcours de Rodolphe Ermel mérite pourtant qu'on s'y arrête un moment. Il est de fait assez original. La chance de sa vie, c'est d'avoir échoué au concours d'entrée de l'école hôtelière de Strasbourg. Sachant qu'il embrasserait, tôt ou tard, l'habit d'hôtelier. "Je n'ai jamais envisagé de faire autre chose dans la vie que de l'hôtellerie. Enfant, je rêvais d'ailleurs déjà d'avoir une sorte de relais gastronomique. Baptisé, allez savoir pourquoi, Au Rendez-Vous des Chasseurs", raconte l'intéressé, le rouge aux joues.
Quand c'est viscéral à ce point-là, il n'y a évidemment aucun doute à avoir. Il ne s'agit pas d'un simple caprice de gamin un tantinet têtu, mais d'autre chose : d'une véritable passion. Rien n'aurait donc pu inverser la destinée du jeune Rodolphe. D'autant que cet Alsacien, petit-fils d'industriel, est plutôt du genre déterminé et a le sens de l'effort chevillé au corps. "Si le terme bourreau de travail avait besoin d'une incarnation, Rodolphe Ermel ferait un excellent candidat", commente une de ses collaboratrices de longue date.
Alors, l'échec 'cuisant' infligé par l'école hôtelière de la capitale européenne, sous prétexte d'un anglais approximatif, ce sportif émérite l'a très vite transformé en une opportunité, voire assimilé à un réel défi. Parce qu'il a été recalé, Rodolphe Ermel s'en est allé vivre chez nos voisins d'outre-Manche. Parce qu'il a été profondément vexé, il maîtrise désormais l'anglais aussi bien que sa langue maternelle. De là à faire du flegme britannique sa seconde nature, il n'y a qu'un pas que ce fils de bonne famille a franchi.
Ironie du sort ou pas, les langues ont finalement joué un rôle majeur dans la carrière de Rodolphe, notamment lors de sa première élection en 1998 à la présidence de Best Western Europe (BWE, société de droit suisse, à but non lucratif, dont le siège est basé en Angleterre). Fédérer au sein d'une même organisation, fonctionnant tel un GIE, 17 membres représentant 1 350 hôtels répartis dans 22 pays, nécessite bien sûr une bonne communication.

© Thierry Samuel

"Le bonheur chez Warwick International Hotels, c'est que j'apprenais tous les jours quelque chose de nouveau"

Un financier
Or, grâce à l'anglais, Rodolphe Ermel appréhende parfaitement le monde anglo-saxon. C'est tant mieux, en particulier dans le cadre des négociations avec la maison-mère, rappelons-le, américaine. L'Allemand n'a, bien entendu, aucun secret pour ce natif du Haut-Rhin. Ce qui tombe aussi à pic quand on veut communiquer avec un grand nombre de pays d'Europe du Nord. Après plusieurs 'vacances à la romaine', ce méthodique se défend aussi très bien en italien. Autant dire que notre homme avait la tête de l'emploi : l'Européen idéal. "Il est vrai que je me sens bien partout en Europe. Et quand je parle de ce territoire, je ne parviens pas à dire l'étranger", souligne d'ailleurs l'intéressé.
Reste que ce chineur invétéré, amoureux éperdu des vieux meubles et bois rares, bénéficie de bien d'autres cordes à son arc auxquelles ses collègues européens ne sont pas demeurés insensibles. A commencer par son expertise hôtelière. Au bout du compte, Rodolphe Ermel a en effet décroché un diplôme de gestion hôtelière, mais aussi un de droit. Le tout à Paris. Cerise sur le gâteau, il s'est en plus spécialisé dans ce que certains appellent le nerf de la guerre : les finances.
Après avoir exercé différentes fonctions dans les départements financiers de Hilton International à Paris et à Londres, puis à l'hôtel Lancaster (à l'époque, propriété du Groupe Savoy), il prend la direction financière de l'hôtel Le Warwick Paris en 1981. "Il m'a beaucoup aidé lors de cette ouverture. Chose rare chez un financier, Rodolphe Ermel est aussi un grand hôtelier", se souvient Ernst Mühle, patron de Warwick International Hotels.
Quelques mois plus tard, M. Chu, Chinois de Hong-Kong, propriétaire de ladite chaîne, le nomme responsable financier de Warwick International Hotels pour la France, la Suisse et l'Allemagne. A ce moment-là, il est âgé de 25 ans seulement. "Le bonheur chez Warwick, c'est que j'apprenais tous les jours quelque chose de nouveau", se rappelle volontiers le patron de Best Western Europe.

Chef d'entreprise
Et pour cause ! Ce natif du Haut-Rhin fait preuve d'une curiosité d'esprit sans borne. Il n'y a pas que les chiffres qui l'intéressent ! Le voilà promu directeur du marketing et du développement Europe au sein du même groupe dès 1985. Responsabilité qu'il assumera durant 5 ans. Bien que passionné par son job, arrive cependant le jour où son esprit d'entrepreneur se met à le titiller très sérieusement. En compagnie de son associé Jean-Marc Banquet, il crée donc Elysées Hôtel Consultant, un cabinet de conseil en marketing et gestion hôtelière au début des années 90. 12 ans plus tard, cette belle aventure dure toujours. La société gère 12 établissements dont 6 dans lesquels Elysées Hôtel Consultant figure comme actionnaire majoritaire. De quoi permettre à Rodolphe Ermel de déployer pleinement ses talents de financier et de fin stratège. D'ailleurs, sa petite entreprise semble se porter plutôt bien. A la fin du mois de septembre dernier, le chiffre d'affaires des hôtels gérés par Elysées Hôtel Consultant atteignait ainsi les 6,97 Me, en progression d'environ 6 % par rapport à l'exercice précédent. Mais son sens de l'analyse et de la méthode, ce féru de musique classique n'hésite pas non plus à en faire profiter la collectivité. C'est le cas notamment avec Best Western France, dont il devient adhérent en 1989. "Il faut reconnaître que Rodolphe Ermel a mené les choses rondement quand le réseau français éprouvait d'importantes difficultés financières", témoigne Christine Pujol, membre du conseil d'administration de la chaîne en question.

© Thierry Samuel

Homme de devoirs
P.-d.g. de Best Western France de 1993 à 1998, le jeune chef d'entreprise retrousse effectivement ses manches pour finir par sortir la chaîne volontaire du gouffre et lui procurer enfin une structure pérenne. "C'est un homme de devoirs ! Lorsqu'on lui confie une mission, il n'a d'autre objectif que de la remplir au centuple", confesse un professionnel qui préfère garder l'anonymat. "On peut véritablement compter sur lui", ajoute un autre.
En réalité, le sérieux et la dévotion de Rodolphe Ermel au sien du groupe sont reconnus de tous. Et ce, même si certaines personnes lui reprochent parfois ne pas assez souvent taper du poing sur la table. C'est bien mal connaître le caractère de cet homme-là. Les conflits, il les déteste cordialement. Pas formé à l'école asiatique pour rien, il préfère développer un sens de l'écoute qui le conduit en général à des négociations en douceur.


C'est avec l'Hôtel d'Estrées que Rodolphe Ermel acquiert sa première adresse parisienne.

Voilà des qualités qui expliquent sans aucun doute le choix des membres de Best Western Europe. D'autant que ces dernières constituent des armes redoutables quand il s'agit de défendre la vision européenne de la chaîne face aux Etats-Unis. "Le Vieux Continent est une réserve de développement énorme pour les chaînes hôtelières. Il faut qu'elles soient capables de s'adapter à chacun des pays concernés", affirme sans détour le patron de Best Western Europe. A l'évidence, L'Europe, Rodolphe Ermel y croit fermement. Mieux ! A travers la mise en place de programmes commerciaux spécifiques et autres actions marketing, comme la segmentation du parc hôtelier avec Best Western Premier, il participe concrètement à sa construction. Un véritable exploit lorsque l'on connaît le caractère indépendant des hôteliers... n zzz36t

© Dannie Launay

Le Grand Hôtel de Bayonne fait partie des douze établissements gérés par Elysées Hôtel Consultant.

Son parcours
èNaissance à Mulhouse en 1956
èBaccalauréat B
èDiplôme de l'école hôtelière de Paris en 1977
èDiplôme de droit à Paris
èChef comptable au Lancaster (Groupe Savoy) à 21 ans
èDirecteur financier à l'hôtel Le Warwick Paris en 1981
èDirecteur financier de Warwick International Hotels pour la France, la Suisse et l'Allemagne
èDirecteur marketing et développement Europe Warwick International Hotels en 1985
èCréation d'Elysées Hôtel Consultant, cabinet de conseil en marketing et gestion hôtelière, en 1988
èP.-d.g. de Best Western France de 1993 à 1998
èPrésident de Best Western Europe depuis 1998

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L'Hôtellerie n° 2794 Magazine 7 Novembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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