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à la une Michel Rochedy

L'école du courage

Quand la montagne vous gagne, on n'y résiste pas ! C'est le cas de Michel Rochedy, devenu chef des cimes à Courchevel 1850. Une 'ascension' menée en famille. Le tout à la seule force du poignet.

Claire Cosson

© Thierry Samuel

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C'était son vœu le plus cher... Niché au cœur de la Tarentaise, Le Chabichou figurerait tôt ou tard parmi les tables d'exception. Acquis au début des années 1960 dans l'une des plus prestigieuses stations des Alpes, Courchevel 1850, ce petit chalet, tout de blanc vêtu, serait aussi une maison de style savoyard, au charme discret et romantique à la fois. Un lieu où les bois chauds recouvriraient les murs du sol au plafond et s'ingénieraient à créer des alcôves intimistes. Un endroit où l'on chausserait les skis au saut du lit. En sachant qu'au retour des pistes, les charentaises seraient fin prêtes. Le personnel s'empresserait de mettre du lait à bouillir pour le chocolat ou le thé, tout en préparant cakes, brownies, madeleines et autres plaisirs gourmands. Sans oublier les effluves du bain des Alpes qui embaumeraient l'espace remise en forme...
"Abracadabra, abracadabra, abracadabra..." Michel Rochedy prononce la fameuse formule magique en agitant les mains avec enthousiasme, son petit-fils aîné sur les genoux. Passionné par Harry Potter et ses adeptes, l'enfant observe son grand-père avec admiration. Il y a de quoi ! Derrière ses faux airs de clown un peu triste, cet Ardéchois au cœur fidèle a tout du magicien. D'ailleurs le 'tour' de sa vie, il l'a réussi. Certes, non sans mal. Mais, alors que Le Chabichou s'apprête à souffler ses 40 bougies, son rêve d'autrefois s'est aujourd'hui réalisé. Relooké récemment de la tête aux pieds par les époux Unterkofler de Grossal en Autriche, le chalet dispose désormais de tous les atouts indispensables à un établissement 4 étoiles de renommée internationale. Dotée de 44 chambres et suites 'chalet' ravissantes, avec poutres apparentes, cheminées ou terrasses privatives exposées plein sud, ainsi que d'une réception, d'une salle à manger et d'un bar flambant neufs, l'entreprise s'affiche aussi comme un 'must' en matière de convivialité. Et ce, été comme hiver.

© Thierry Samuel

Travailler en famille
Ici, on aime effectivement les clients en toute simplicité. Mieux encore ! On les accueille chez soi. Avec d'autant plus de sincérité qu'au Chabichou, on travaille en famille. Les fils, Christophe et Nicolas, qui avaient, l'un et l'autre, la possibilité de réussir leur vie ailleurs en tant qu'ingénieur et guide de haute montagne, ont préféré rejoindre leurs parents voilà quelques années.
Question cuisine, la réputation du Chabichou brille, comme prévu, en haut des cimes. Reconnu par les guides culinaires comme l'une des meilleures tables de France (2 macarons au Guide Rouge), le restaurant vient d'ailleurs de se voir décerner des honneurs supplémentaires grâce à la victoire de Stéphane Buron, sous-chef de la maison depuis 14 ans, au 36e prix culinaire international Pierre Taittinger.
C'est dire que les gourmets, ici, sont choyés. La preuve ! Sucette de foie gras et rillettes de canard en amuse-bouche. Tranche épaisse de poitrine de Salers confite au sel, carpaccio de foie gras à l'arachide torréfiée, chutney de betterave au vieux vinaigre pour suivre. Roulade de cochon du Cantal au lard salé, sauce au vin de Mondeuse, crozets de Tarentaise en gratin, fricassée de noix, châtaignes et pommes en plat principal. Et pour finir, pommes confites au miel de sapin, jus de cuisson, glace au génépi, mirliton aux amandes. Voici une cuisine du cœur, accompagnée de vrais produits, comme le lui avait enseigné autrefois son maître à penser, André Pic. Et elle séduit un grand nombre de fines gueules. Venus des 4 coins du monde (Français évidemment, Brésiliens, Anglais, Scandinaves...), les vacanciers descendent sans se faire prier à cette adresse.  

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Relancer la gastronomie à la montagne
D'une recette avoisinant les 85 000 F en 1963, Le Chabichou a d'ailleurs réalisé un chiffre d'affaires avoisinant les 2,43 Me en 2001. Atteindre un tel seuil n'a évidemment pas été sans remise en cause profonde. "La montagne, c'est une sacrée école du courage ! Surtout quand on vise les sommets", avoue un spécialiste du secteur.
Il faut reconnaître que relancer la gastronomie à la montagne relève du défi en 1963, époque où Courchevel n'était encore qu'une station en devenir. Mais Michel Rochedy et sa femme, Maryse, y croient fermement. Et attaquent la 'montée' sans aucun complexe. Fils d'hôteliers à Saint-Agrève en Ardèche, Michel a reçu une solide formation tant à l'Auberge des Cévennes chez ses parents qu'aux côtés d'André Pic, à Valence. S'agissant de son épouse, ce petit bout de femme haute comme trois pommes, particulièrement dynamique, en connaît aussi un sacré rayon puisque formée sur les bancs de l'école hôtelière de Thonon. Plusieurs saisons passées à Moriond. Et voilà le jeune couple qui se lance dans 'l'ascension'.
D'entrée de jeu, il casse sa tirelire, et dès l'hiver 1963, Michel et Maryse mettent la main sur Le Chabichou à Courchevel 1850, un chalet pittoresque de 9 chambres. "Qui ne disposait alors que d'une seule baignoire", souligne en riant Maryse. Coût de l'opération : 300 000 F. Le premier Noël s'annonce tristounet.
Et pour cause ! "Les réservations n'ayant pas été ouvertes, nous n'avions aucun client. En fait, nous pleurions dans nos huîtres. Depuis, je les trouve un peu fades", ironise Michel Rochedy. Mais le succès ne tarde guère. Le jour de l'an de la même année, Le Chabichou affiche en effet complet.

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Doubler la capacité hôtelière
D'emblée, la gentillesse et la disponibilité de Maryse plaisent beaucoup à la clientèle. Et les subtilités légères du chef, elles, intriguent les foules. A tel point que les Rochedy construisent un nouveau chalet en 1970. Ils y investissent près de 4,70 MF, et totalisent alors 25 chambres. 5 ans plus tard, la maison double encore sa capacité. Le tout moyennant un nouvel investissement de 6 MF.
C'est l'époque où tout sourit aux époux Rochedy. En 1979, arrive en effet la première étoile au Michelin. Puis la seconde, en 1984. En parallèle, le marché du ski explose. Les fous de la glisse se battent pour s'adonner à leur sport favori dans les trois vallées. D'autant plus que l'organisation des Jeux olympiques d'hiver approche à grands pas. Cette occasion commerciale faisant le larron, Michel et Maryse engagent alors une lourde restructuration de leur établissement, soit un nouvel investissement de 26 MF. "Les attentes de la clientèle avaient sensiblement évolué. Les clients voulaient de l'authentique et des chambres plus spacieuses. Nous devions revoir notre prestation", confie sans détour Maryse. Les taux d'intérêt pratiqués à cette époque s'avèrent, hélas, assez élevés. "On a emprunté à 18 % environ", précise Madame Rochedy. Le tout en nom propre.
Parallèlement, les propriétaires du Byblos à Saint-Tropez invitent le chef des cimes à faire valoir ses talents culinaires sur la Côte. Une opportunité qui ne se refuse pas, en dépit des nouvelles dettes qu'elle provoque (aux alentours de 5 MF). Durant 8 ans, Michel Rochedy connaît un franc succès dans le Sud. Mais cette aventure a coûté très cher et Le Chabichou s'est porté caution. Quelques saisons tropéziennes moyennes suffisent. Et de crêtes en pics, les Rochedy dévissent. Leur entreprise est mise en redressement judiciaire en juillet 1990. Pas question cependant de baisser les bras ! La famille Rochedy boucle rapidement un plan de continuation qui est accepté. Une créance importante a, hélas, été omise. Le plan est donc résolu. En d'autres termes, l'affaire risque la liquidation.

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"Pour le meilleur et pour le pire"
Un événement auquel s'opposent fermement certains hôteliers. "Il n'était pas question en effet que les hôtels familiaux disparaissent de la station au profit de grands groupes financiers", explique Raymonde Fenestraz, propriétaire notamment de l'Hôtel Les Airelles. Et d'ajouter : "La gastronomie constitue en outre un formidable atout à Courchevel que nous ne pouvions laisser passer. Et puis par amitié, nous devions nous mobiliser..." A l'initiative de cette femme émérite et de Claude Pinturault, une offre est alors proposée aux Rochedy. Il s'agit d'acquérir Le Chabichou et de leur rétrocéder la maison dès qu'ils en auront les possibilités financières, et ce, sans aucune contrepartie. Le couple Rochedy accepte et s'en va poursuivre sa route, avec brio, puisque le succès du Chabichou jamais n'a failli.
Chaque année en effet, les touristes se font plus nombreux au chalet. Sans cesse à l'écoute de ces derniers, Maryse et Michel multiplient, il est vrai, les attentions particulières à leur égard. "C'est à la demande de nos clients par exemple que nous avons réintroduit la pension complète", explique Maryse. Même fidélité du côté des équipes (55 personnes) dont les patrons prennent grand soin. "C'est la guerre pour loger les saisonniers à la montagne ! Mais, jamais nous n'avons voulu sacrifier quoi que ce soit à leur confort", souligne Michel Rochedy. Chambres dans l'hôtel, location de studios HLM, achat d'appartements, tout y passe.  

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Pour donner du bonheur à leurs convives, les Rochedy ont investi 14 MF tout dernièrement dans les parties communes dont la salle à manger.

Société par actions simplifiées
"On remuerait ciel et terre pour ces gens-là ! Avec eux, on n'a qu'une envie, se battre et aller de l'avant", témoigne leur sous-chef de cuisine Stéphane Buron. Aller de l'avant, les Rochedy l'ont fait et le feront encore. D'autant que l'émotion est la clef de la vie. C'est d'ailleurs cette philosophie qui va leur per-
mettre de racheter leur affaire courant 2002 et d'investir à nouveau dans l'avenir. Mais, ce coup-là, pas d'erreur juridique ! Le fonds de commerce du Chabichou est placé dans une SA. Les murs en SARL. Et la gestion confiée à une société par actions simplifiées (SAS). Société à laquelle les fils et les belles-filles participent. "De quoi nous éviter tout problème de transmission", commente Michel Rochedy, en jetant un œil malicieux vers son petit-fils. Et de poursuivre : "Avant j'étais vieux, maintenant je suis jeune." Résultat : de nouveaux projets se profilent déjà à l'horizon chez les Rochedy. A commencer par une piscine sous les pistes. Ou bien encore la reprise d'un restaurant à deux pas de l'office de tourisme, baptisé Le Comptoir des Epices et des Saveurs.
Incontestablement, l'histoire des Rochedy est à l'image de celle de très nombreux professionnels indépendants qui ont dû, ces 40 dernières années, se remettre en cause perpétuellement, s'adapter à l'évolution de la clientèle, de la concurrence, qui ont pris des risques financiers hors du commun et qui ont su faire face aux groupes internationaux, de par leur personnalité, leur passion pour leur métier et leur intelligence. Des professionnels indépendants qui ont davantage investi dans la qualité de la prestation que dans la structure juridique de leurs affaires, ce qui a pu les mettre en danger à certains moments mais ce qui leur a permis de devenir aujourd'hui des acteurs indispensables de l'offre touristique par la qualité humaine des produits qu'ils proposent. n zzz18p

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