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wpe289.jpg (754 octets)Votre vie

Michel Naudin

Intérimaire et satisfait

La cuisine sans les soucis, c'est possible. A condition de savoir s'adapter et d'être courageux.

Lydie Anastassion

Il avait dit : "Je porterai un blouson Schott rouge." Et de fait, impossible de le manquer dans le hall de la petite gare SNCF de Bécon-les-Bruyères (Hauts-de-Seine). Michel Naudin, 47 ans, plus que la brosse, un diamant à l'oreille, aussi rock-and-roll dans son look que dans son métier. Il y a 2 ans, il a pris l'option intérim, à cause d'un patron qui, en 7 mois, l'a dégoûté de 20 ans de boulot. Depuis, il travaille, gagne de l'argent, voit ses gosses, et a retrouvé le goût du métier. Un cuisinier heureux en somme. "Du travail, il y en a à la pelle, et avec les nouvelles mesures du gouvernement au niveau de la RTT, les extras vont de plus en plus travailler, étant donné que les jeunes vont quitter en masse le métier", résume-t-il.
Michel Naudin a fait un choix : ne refuser aucun boulot. Et quand il se pointe le matin à 7 h 30 tapantes au bureau de placement de la société des cuisiniers de France, rue Saint-Roch à Paris (Ier), il fait partie des 4 premiers à repartir, une feuille de poste en poche. "Je sais où je vais, gastro ou brasserie, et je n'ai aucun complexe à envoyer du foie gras un jour et une omelette le lendemain. Certains refusent des places et ça m'énerve, car ils n'ont pas compris le principe de l'intérim dans notre métier : rendre service. Ils veulent l'argent sans rien faire", poursuit le chef. Sa définition à lui est simple : rester humble, ne pas croire que l'on va révolutionner en 2 jours une maison qui tourne depuis 20 ans, et surtout, savoir s'adapter. "On me demande des assiettes sans salade, je fais des assiettes sans salade. On me demande de la salade, j'en mets. C'est tout."

Dépannage
Ça passe plus que ça ne casse. Michel Naudin est surbooké. Volontairement, il n'a pas de téléphone portable. Car quand il n'est pas chez lui, c'est qu'il bosse. "Je navigue à la semaine, au mois, pas plus. Le travail ne manque pas. Je viens en dépannage pour une journée et je reste une semaine." Ses cuisines de prédilection : celles des brasseries dont les patrons ont bien compris que sans ce type de dépannage, ils n'ont plus qu'à fermer boutique. "La journée est payée en fin de service, alors que certaines maisons huppées mettent 2 mois à nous envoyer notre salaire."
Un service de 8 heures lui rapporte entre 100 et 160 e selon qu'il ait une coupure ou pas. La rémunération de la vacation comprend le salaire amputé des 20 % de charges sociales et augmenté de la nourriture, des congés et du remboursement des transports. Parfois, il double sa journée. "Si je travaille 30 jours, je gagne 30 000 balles, mais je n'ai pas choisi l'intérim pour l'argent." Son truc : prendre volontairement des postes de chef de partie, et non de chef, pour ne pas avoir à gérer les problèmes inhérents à ce poste. "Je gagne autant qu'un chef, les soucis en moins. En plus, je ne fais que mes heures." Michel Naudin est clair avec lui-même : il peut lui arriver de passer la journée à ne faire que des boules de glace. "Une fois, un patron m'a demandé de nettoyer une pièce. Il ne s'est pas rendu compte de ce que cela lui coûtait en termes de taux horaire pour le nettoyage ! J'ai pris mon salaire en fin de service et je ne suis pas revenu, mais je ne lui ai rien dit."
Lors des dernières fêtes de fin d'année, Michel Naudin a travaillé la journée "pour rendre service" et réveillonner le soir. "J'ai fait 10 services à 120 e, au lieu de 100, de 8 heures à 15 h 30, pas loin de chez moi, sans menu spécial réveillon et sans souci", résume-t-il. Son plus grand soulagement ? Ne pas avoir à gérer les problèmes de personnel. "Je vais dans des maisons qui perdent des chefs pour ne pas avoir voulu les augmenter de 150 e. Résultat : un intérimaire leur revient plus cher." Et ce qui pourrait passer pour de la férocité à l'encontre des patrons n'est que de la lucidité teintée de regret. "La plupart des intérimaires ont plus de 40 ans. Que va-t-il se passer d'ici 10 ou 15 ans quand nous aurons quitté les cuisines, puisque les jeunes désertent ?" Et d'appeler de ses vœux un réaménagement, une mise à plat totale de l'organisation du travail. Simplement pour que les jeunes soient heureux dans leur métier. Comme lui. n zzz18p

Parcours

De toute façon, depuis le début de sa carrière, Michel Naudin présente une prédisposition pour le changement : 10 maisons en 20 ans et un album rempli d'articles de presse. Au menu : Les Armes de Bretagne, Charlot, le Jardin d'Edgar, L'Echaudé Saint-Germain, le Louis XIV, Le Terrasse Hôtel, la Maison d'Alsace, Walsheim, Le Tourville, Au Petit Prince... Autant d'adresses que de bons souvenirs pour le cuisinier, intarissable sur les évolutions du métier.

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L'Hôtellerie Restauration n° 2811 Magazine 6 Mars 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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