de juin 2003 |
PROSPECTIVE |
L'Hexagone accueille aujourd'hui entre 6 et 9 % de l'ensemble des séjours touristiques des 6 grands pays européens. Pour fidéliser ces visiteurs et augmenter ses parts de marché, la France devra faire preuve d'imagination durant les 10 ans à venir. L'un de ses défis sera de créer 'le dépaysement' et la rupture dans un bref délai.
Claire Cosson
Avec 15 millions de
séjours en l'an 2000 (*source : Sofres, déplacements hors affaires supérieurs à 20
nuits) ou 20 millions si l'on inclut l'ensemble des voyages à l'étranger (*source : IPK,
séjours d'agrément 1 nuit ou plus), la France n'a pas de quoi rougir en matière
d'attractivité touristique. Elle accueille en effet entre 6 % à 9 % de la totalité des
séjours touristiques des 6 grands pays européens. Mais comment va évoluer cette demande
touristique des principales clientèles du Vieux Continent envers l'Hexagone d'ici 2010 ?
C'est l'une des questions que se posent un grand nombre de professionnels du secteur.
C'est aussi l'une des questions qu'ont posée l'Afit, le Commissariat général du plan,
la direction du tourisme et Maison de la France par le biais d'une vaste étude effectuée
par le Bureau d'information et de prévisions économiques (Bipe), dont la synthèse a
été publiée récemment.
Après avoir procédé à un état des lieux des pratiques touristiques des 6 principaux
clients européens de la France (l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique,
l'Italie et l'Espagne) et analysé les mutations prévisibles des modes de vie des pays
précédemment cités (selon des critères sociodémographiques, socioéconomiques et
socioculturels), le Bipe a croisé l'ensemble pour en mesurer l'impact sur l'évolution
des comportements touristiques à l'horizon 2010, notamment envers la destination France.
Une évidence pour débuter, l'Hexagone séduit en priorité les deux grands pays
'nordistes' à savoir l'Allemagne et le Royaume-Uni. A eux seuls, ces derniers s'octroient
d'ailleurs plus de la moitié des séjours réalisés en France (8,6 millions de voyages)
contre à peine un huitième pour l'Italie et l'Espagne.
Européens en période de maturité et seniors à chouchouter
Un phénomène qui s'explique presque uniquement par un simple
effet démographique puisque ces deux nations représentent 53 % de la population
européenne et 59 % de la population vacancière. Il n'empêche que ces statistiques
doivent être prises en considération. D'autant plus que l'Espagne enregistre sur ces
marchés des performances deux fois supérieures à celles de la France.
En attendant, deux cibles majeures se dessinent pour les 10 ans à venir : les Européens
en période de 'maturité' et les 'seniors'. Dans chacun des pays étudiés, les effectifs
définis comme matures (45-60 ans) vont de fait croître de manière sensible. Alors
qu'ils représentaient 38 % du total de la population des six en 1990, les plus de 45 ans
atteindront 46 % en 2010. Or cette génération parvenue à son apogée professionnelle
d'ici 2010, devrait alors disposer d'une aisance financière certaine liée à un revenu
maximal, un remboursement de leurs emprunts et le départ de leurs enfants.
Parallèlement, les plus de 60 ans dépasseront à la même époque les moins de 20 ans
d'environ 10 millions de personnes. Ces seniors seront normalement plus actifs que leurs
parents, y compris dans leurs comportements touristiques. Un bilan certes à modifier en
fonction de certains paramètres démographiques et sociaux (ménages 'solos', taux de
bi-activité...), mais dont on doit tenir compte. Tout comme le fait que la jeunesse
européenne (moins de 29 ans) s'amoindrira au cours des prochaines années.
Structure du marché français des six en 2000 (volume, en %)
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Total |
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Population active | 3,8 |
5,9 | 31,5 | 21,9 | 21,7 | 15,2 | 100 |
Vacances | 3,4 | 8,3 | 40,8 | 22 | 15,3 | 10,2 | 100 |
Vacances à l'étranger | 5,3 | 9,2 | 47,6 | 28,2 | 7,3 | 2,4 | 100 |
Vacances en France | 14,5 | 17,1 | 34,1 | 22,4 | 9,9 | 2 | 100 |
*Sources : Sofres/Direction du tourisme |
La France : "Le luxe raisonnable"
Moins nombreux, les jeunes bénéficieront malgré tout de certains atouts face à un
marché du travail moins engorgé. Davantage tournée vers l'Europe et l'étranger, cette
partie de la population gagnera en liberté et consacrera une part importante de son temps
et de ses salaires aux loisirs et aux amis.
De quoi méditer sérieusement du côté des opérateurs touristiques français D'autant
que grâce à sa proximité, la France fait figure de "luxe raisonnable"
pour beaucoup de touristes. "Ce positionnement mixte suggère que l'aspiration à
partir à l'étranger participe en partie du rêve, et qu'elle se trouvera souvent
contrecarrée par la rareté des ressources et les contraintes budgétaires",
précise l'étude. Et de poursuivre, "les Européens pourraient donc se rabattre
sur la France pour peu que cette destination conserve les charmes d'un certain exotisme
avec l'avantage d'être proche et abordable".
Pour relancer les avantages de la proximité, tous les experts s'accordent à dire que la
France devra profiter du fractionnement des séjours et de la montée en puissance des
courts séjours. L'augmentation croissante des compagnies 'low cost' (EasyJet, Virgin
Express, Aeris, Volare, Aigle Azur...) dans l'Hexagone constitue d'ailleurs une carte
intéressante en la matière. En clair, la France devra inventer les 'vacances brèves'
conclut l'enquête menée par le Bipe. C'est-à-dire créer le dépaysement et la rupture
dans un bref délai. Le tout en favorisant le tourisme à la carte, mais aussi le
'Do-it-yourself'.
Compétitive
Plusieurs facteurs militent en effet en faveur du développement des pratiques et
comportements plus autonomes des touristes européens. De même, l'essor des vacances
centrées autour des parents et des amis est plutôt associé à la destination France. Et
le succès attendu du tourisme culturel lié à la hausse du niveau d'éducation
représentera un atout supplémentaire pour notre pays.
Au final, la France possède apparemment tous les atouts nécessaires pour rivaliser
efficacement en termes d'offres et de prix avec les destinations de masses. A condition
néanmoins que cette offre soit organisée et que ses modes de promotion et de
commercialisation mettent en avant les points suivants : coût et durée du voyage
limités par les faibles distances à parcourir, bon rapport qualité/prix de
l'hébergement et facilité à fabriquer des vacances sur mesure... n zzz20a
Critères de choix et
principales destinations, caractéristiques des francotropes è Très fort taux de départ à l'étranger (84 %) è La France figure seulement en positions des destinations hors frontières (8 %), loin derrière l'Espagne è Touristes plutôt plus âgés que la moyenne des six (37 % ont moins de 35 ans) è De catégorie sociale et de revenu 'moyen-élevé' è La qualité de l'hébergement prime sur le coût du voyage è Les city breaks arrivent en tête chez les francotropes, devant le soleil et la plage |
Age, génération è Les effectifs de nidification (30-44 ans) auront d'ici 2010 baissé de 17 % (- 3 millions) è Les effectifs de maturité (45-60 ans) auront d'ici 2010 progressé de 19 % (+ 3 millions) |
Incidences pour la
destination France è Facteur générationnel plutôt favorable à la France. Les plus jeunes ont en effet un taux de francotropisme plus élevé que les plus âgés. Leur fidélisation est un enjeu pour l'Hexagone. è Malgré tout, ce sont vraisemblablement les clientèles de plus de 45 ans qui auront tendance à s'accroître du fait de leur effectif en nombre. è Il y a une marge de progression sensible possible sur la campagne/montagne en améliorant la qualité de l'hébergement. è Capacité et volonté des clientèles les plus aisées à investir dans l'immobilier |
Critères de choix et
principales destinations, caractéristiques des francotropes è Faible taux de départ à l'étranger (15 %) è La France est la première destination hors frontière (22 %) devant le Portugal (19 %) è Les touristes espagnols sont de catégorie sociale et de revenu plutôt 'moyen-inférieur' è Les touristes espagnols sont les plus jeunes touristes européens è Francotropisme élevé chez les jeunes, mais déclinant avec l'âge è Intérêt spécifique pour l'histoire et la culture, sans oublier les distractions è La destination ville arrive largement en tête chez les francotropes è Très nette prépondérance de l'hôtellerie (66 %) |
Age, génération è Très forte régression de la jeunesse (15-30 ans) d'ici 2010 (- 27 %) è Forte progression de la tranche de la maturité (45-60 ans) d'environ 18 % d'ici 2010 |
Incidences pour la
destination France è Probable accroissement du taux de départ qui pourrait être favorable à la France è Marge de progression sur la destination ville |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2824 Magazine 5 Juin 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE