Les germes en cause
Les sauces, les fonds et bouillons sont de très bons milieux de culture car les germes responsables d’intoxications alimentaires peuvent facilement s’y déplacer. De plus, ces préparations contiennent beaucoup d’éléments nutritifs (protéines, lipides, glucides…) qui servent de substrat aux germes et favorisent leur développement. Les bactéries anaérobies (qui se développent sans oxygène) en sont friandes et en particulier Clostridium perfringens, qui adore les plats en sauce à base de viande ou de légumineuses. Cette bactérie sporule lorsqu’elle commence à avoir trop chaud ou lorsqu’elle manque de nourriture, ce qui la rend très résistante. En 2019, 10 % des foyers d’intoxication alimentaire confirmés étaient liés à Clostridium perfringens, avec des symptômes digestifs (diarrhées et/ou violents maux de ventre). Quatre décès (personnes âgées) ont été imputés à Clostridium perfringens cette année-là.
Encore plus fréquent, Bacillus cereus, naturellement présent sous forme de spores dans le sol ou dans les intestins des insectes, représentait 16 % des foyers infectieux confirmés en 2019. Il se développe dans les céréales et aliments riches en amidon (riz, pâtes, semoule…) mais aussi dans les produits secs ou déshydratés (épices, herbes aromatiques, flocons de pommes de terre…) et on le retrouve ensuite dans les préparations contenant ces matières premières. Bacillus cereus a également la particularité d’adhérer fortement aux supports, créant un biofilm résistant au nettoyage. Les symptômes sont principalement digestifs (diarrhées et parfois vomissements). Sept décès seraient dus à Bacillus Cereus, toujours chez des personnes âgées, plus fragiles.
La parade
En ce qui concerne Clostridium perfringens, les viandes peuvent être contaminées lors des opérations d’abattage ou lors des manipulations et ces bactéries étant résistantes à des températures relativement élevées, il est important de bien maîtriser les températures et les temps de cuisson. Les formes végétatives sont détruites lors d’une cuisson classique mais les spores résistent et peuvent à nouveau se multiplier, surtout si le plat est maintenu entre 30 et 50 °C pendant plusieurs heures, dans l’attente du service ou lors d’un refroidissement trop lent. La toxicité de Clostridium Perfringens est également liée à la toxine qu’elle sécrète et qui n’est détruite qu’à partir de 60 °C. La température minimale de réchauffage à 63 °C est donc nécessaire, en laissant une petite marge de sécurité.
Pour Bacillus cereus, les toxi-infections alimentaires sont souvent liées à la consommation différée d’aliments déshydratés reconstitués par ajout d’eau chaude puis conservés à des températures inadéquates comprises entre 4 et 55 °C (potages, purées…), mais elles peuvent avoir aussi pour origine les plats en sauce… ou les pâtes et le riz qui accompagnent ce plat !
Trois précautions majeures et spécifiques doivent être respectées.
• Le refroidissement rapide des préparations à une température inférieure ou égale à 10 °C en moins de deux heures, soit dans une cellule de refroidissement (la solution la plus sûre), soit dans un bain-marie froid.
Ces deux heures correspondent à la phase de latence, phase pendant laquelle les bactéries testent le milieu. Une fois ce délai passé, elles se multiplient très rapidement. Les plats sont ensuite conservés entre 0 et 3 °C, pendant 3 jours maximum (sauf si une analyse des dangers validée permet de montrer l’absence de danger d’une conservation plus longue)
• Le réchauffage rapide à plus de 63 °C à cœur en moins d’une heure<.
Les préparations réchauffées doivent être consommées lors du service et ne doivent pas subir un autre cycle de refroidissement-réchauffage. L’idée tenace 'plus c’est réchauffé, meilleur c’est' entraîne des risques de multiplication et donc d’intoxication alimentaire. La saveur des plats est peut-être renforcée mais la flore microbienne également ! Veillez à réchauffer uniquement les quantités nécessaires au service.
• Le nettoyage et la désinfection après chaque utilisation du matériel de cuisine et des plans de travail, sans oublier le lavage des mains très régulier, aussi souvent que nécessaire.
Ces précautions font partie intégrante des bonnes pratiques d’hygiène habituelles.
Les plats en sauce sont donc un milieu très convoité par les micro-organismes. Pensez également que, lors des manipulations, d’autres germes peuvent s’y déposer et se multiplier (coliformes, staphylococcus aureus…) mais dans ce cas, la contamination se fait après cuisson, lors des opérations de découpage ou de présentation par exemple. Dans tous les cas, du contrôle des matières premières jusqu’à l’assiette du consommateur, la prudence est de mise.
Sources :
- Fiches de description des dangers biologiques Anses
- Surveillance des TIAC, mise à jour mars 2021, Santé Publique France
Publié par Laurence Le Bouquin, article réalisé en partenariat avec la DGAL