“Cela fait quarante-sept ans que je suis restaurateur. J’ai rarement croisé un jeune comme Ariful”, s’enthousiasme Christian Morisset, chef 2 étoiles Michelin au Figuier de Saint-Esprit à Antibes (Alpes-Maritimes). Ce jeune si prometteur, c’est Ariful-Islam Mozumder, qui s’est propulsé en tête de l’un des concours les plus respectés de la cuisine française. “Je suis arrivé premier au concours du meilleur apprenti de France le 21 septembre dernier, à 21 ans. Et auparavant, le 21 janvier, j’étais deuxième à la finale des meilleurs apprentis des maîtres cuisiniers de France !”, s’amuse-t-il. Sa reconnaissance envers son bienfaiteur semble sans limites : “J’adore Christian Morisset ! Il a tant de cœur. Il aime partager sa passion du métier. J’ai passé les concours d’abord pour lui, pour qu’il soit fier de moi.”
“Ariful-Islam Mozumder a intégré ma brigade il y a quatre ans, raconte le chef provençal. Depuis, je ne l’ai jamais vu de mauvaise humeur. Sa simplicité, le respect phénoménal qu’il accorde à autrui, son humilité, sa soif d’apprendre devraient inspirer notre jeunesse. C’est un modèle. Il ne stresse jamais. Il est toujours calme et anticipe. Pourtant à son arrivée, il ne parlait pas un mot de français.”
Parti du Bangladesh, le jeune commis est arrivé en Italie, alors âgé de 16 ans, après un long périple en mer. “Je suis originaire de Comilla, une ville située à deux heures de route de Dacca, la capitale du Bangladesh. Je voulais rejoindre mon oncle à Milan mais après six mois à tourner en rond, j’ai passé la frontière italienne à Vintimille. Le hasard m’a amené à Paris. Je suis resté six mois dans un foyer à Antony [Hauts-de-Seine]. On m’a conseillé de partir pour la Côte d’Azur pour contourner l’engorgement des services dédiés à la protection des migrants mineurs en région parisienne. J’ai été placé dans un foyer dans les Alpes-Maritimes, où un éducateur connaissait Christian Morisset. Ce dernier a accepté de me prendre en stage plusieurs mois au Figuier de Saint-Esprit. J’avais trois jours d’école puis quatre en cuisine. Avant la saison d’été 2015, le chef m’a accepté comme apprenti pour deux années”, se souvient le Bangladais.
Logique, bon sens et précision
Aujourd’hui majeur et à nouveau confronté à la rude vie des sans-papiers, Ariful-Islam Mozumder a été embauché le 1er septembre dernier par Christian Morisset comme commis de cuisine, afin de l’aider à obtenir des papiers. Ariful ne parle pas français mais compense par la logique, le bon sens et la précision. “Comment stopper l’élan d’un jeune si prometteur ?”, s’emporte le restaurateur antibois, qui assume sur ses propres deniers les 1 000 € de frais et de timbres inhérents à la demande d’un titre de séjour.
“Ariful a quitté son pays en raison d’une querelle de famille. Ses proches ont voulu le mettre à l’abri d’un oncle malveillant. Son projet est de rentrer au Bangladesh pour ouvrir un restaurant mais auparavant il doit poursuivre sa formation. Je vais lui trouver une grande maison à Paris”, envisage le chef provençal. “J’ai actuellement trois jeunes Albanais en formation dont deux en cuisine. L’un a 17 ans et est en deuxième année de CAP. Le second a 20 ans. Il s’est engagé dans une mention complémentaire en pâtisserie et je le prépare au concours du MAF. Ce sont des jeunes formidables”, se réjouit le chef étoilé, qui se souvient du retour d’Ariful à Antibes après l’obtention de son titre de MAF à l’école Médéric à Paris : “Tout le personnel l’attendait sur le perron du restaurant. Il a été ovationné. C’était très émouvant. ”
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Publié par Francois PONT