La distillerie de Houlle, racheté par la famille Persyn en 1921, a elle aussi gardé les contours du siècle passé. Le bâtiment aux briques rouges, flanqué de tuiles et d'une cour pavée, abrite deux alambics ainsi que des greniers à grains qui fleurent le seigle et l'orge. L'activité de la distillerie a pourtant varié selon les époques : en dent-de-scie dans les années 1960 et 1970, époque où le genièvre était cantonné au zinc des cafés où il jouait le rôle d'additif incontournable. Dès 1975 et pour les vingt années suivantes, cet alcool devient incontournable, au moins dans la région de l'Audomarois. Plus qu'un digestif, le genièvre s'apparente à un extraordinaire exhausteur de goût pour tous les restaurateurs locaux qui, désormais, se l'arrachent. La période de prévention contre l'alcool donne, dans la foulée, un léger coup d'arrêt à la distillerie Persyn. L'entreprise retrouve néanmoins ses lettres de noblesse à partir des années 2000.
Une récolte sèche et qui doit sentir bon
Depuis, la famille Persyn met un point d'honneur à fabriquer le genièvre dans les règles - et les parfums - de l'art. Le secret de Houlle tient en effet à quelques ingrédients. D'abord, il faut choisir les meilleures céréales. "L'eau-de-vie se fabrique à partir de l'orge malté, du seigle et de l'avoine. La récolte de ces céréales, venant exclusivement de cultures proches, doit être bien sèche et le grain doit sentir bon, précise Hugues Persyn. Nous n'hésiterons jamais à payer quelques euros de plus pour disposer des plus belles matières premières." Chaque année, la distillerie rentre ainsi entre 40 et 50 tonnes de céréales.
Ensuite, c'est au tour de l'assemblage. Tous les grains de céréales vont être broyés. Une fois ceux-ci grossièrement réduits en farine, la première opération de transformation consiste à mélanger ces matières premières avec de l'eau chaude (comprise entre 72 °C et 78 °C). Cette étape va permettre la transformation de l'amidon en sucre. Ce 'moult sucré' s'appelle le 'maltose'. Il sera refroidi trois heures plus tard, avec de l'eau, puis agrémenté de levure de boulangerie. "Au bout de trois jours, on obtient le moult fermenté, matière première qui sera ensuite distillée."
Une science des assemblages
Dans cette chimie du cuivre et du feu, il faut savoir prendre son temps. L'usage veut ainsi que l'on pratique, sur une flamme douce, la triple distillation. "Au troisième passage en alambic, explique Hugues Persyn, on termine en y ajoutant une poignée de baies de genièvre. Selon les quantités, les parfums et les arômes seront très différents." Une méthode, dite 'hollandaise', à triple rectification, et qui, au final, aura nécessité entre 32 et 36 heures de chauffe. Le genièvre aura ainsi été distillé à 40 % (voire jusqu'à 55 %) d'alcool. Mais tout n'est pas fini : les foudres et les tonneaux, qui constituent en quelque sorte la science des assemblages, feront le reste. Car une fois fabriqué, Hugues va élever son genièvre, le faire vieillir pour l'amener à maturation. "Il faut à l'eau-de-vie cette conclusion du bois, ce séjour paisible pour trouver son exacte musique." Selon la qualité recherchée, le produit peut ainsi séjourner entre un an et huit ans dans les barriques. Un peu comme un vin, le genièvre va ainsi affirmer sa personnalité. "Certaines bouteilles vont même subir jusqu'à neuf distillations. C'est le cas pour notre collection appelée Genièvre-Carte noire."
Entretenant ainsi la flamme depuis près de deux cents ans, la genièvrerie de Houlle et ses six employés, tous originaires des environs, ne s'attache pas à la rentabilité à tous crins. Mais plutôt à l'excellence de son savoir-faire. Résultat : la distillerie Persyn est connue au-delà des frontières de la région de Houlle. Le genièvre des Persyn est aujourd'hui acheté dans toute la Flandre, voire au-delà, en Hollande. Aujourd'hui, les restaurateurs représentent d'ailleurs une très grande partie de la clientèle de cette famille hors du commun.
Publié par Mylène SACKSICK