Christopher Hache : "J'ai démarré à la plonge"
Le chef étoilé du Crillon, à Paris, n'a rien oublié de ses débuts. Son premier job ? "C'était dans le restaurant de mon père, le Paris-Dieppe, en banlieue parisienne. J'ai démarré à la plonge alors que j'avais déjà fait des stages chez Loiseau et Lenôtre." Son père le pousse dans ses retranchements. Il ne veut rien lui cacher du côté "éprouvant physiquement" du métier. "Il me mettait la pression, surtout au moment des coups de feu. L'équipe avait pitié de moi, car je n'avais que des réprimandes. Or, mon père m'apprenait juste le métier." Christopher Hache a tenu deux ans à ce rythme. "J'ai reçu une leçon d'humilité", résume-t-il aujourd'hui, avec du recul. Ses conseils aux jeunes qui s'apprêtent à signer leur premier contrat : "Foncez ! Travaillez. Ayez soif d'apprendre."
Jean-Michel Lorain : "j'ai eu ma première engueulade"
Il s'en souvient comme si c'était hier. "J'ai débuté mon contrat d'apprentissage chez les frères Troisgros, à Roanne (42), le 1er août 1977. Je venais de passer mon bac." Jean-Michel Lorain reconnaît que cette "étape importante" lui sert encore aujourd'hui : "On est propriétaire de son apprentissage. Tout ce qu'on a appris, que ce soit en cuisine ou avec le personnel, est inscrit dans notre ADN de cuisinier." L'actuel chef étoilé de La Côte Saint Jacques, à Joigny (89), décrit une ambiance "studieuse et familiale" chez les Troisgros. "J'aimais cette atmosphère". Reste que c'est aussi là qu'il a eu sa "première engueulade". "Je devais remplir un gros beurrier. Avant cela, j'ai voulu le nettoyer avec mes doigts, sans l'aide d'une maryse." C'est là que Jean Troisgros est sorti de ses gonds. Avec le recul, Jean-Michel Lorain en sourit : "Ces moments d'apprentissage sont extraordinaires. Il ne faut pas en perdre une minute et surtout ne pas brûler les étapes."
Olivier Samson : "On travaillait 15 heures par jour"
Son premier contrat : "C'était au Club de Cavalière, au Lavandou (83), avec le chef Marc Dach. Je quittais la Bretagne pour la première fois, sans personne pour me conseiller. J'allais intégrer ma première brigade", raconte le chef étoilé Olivier Samson. Résultat : il a débuté la saison d'été en pesant 76 kilos. Quatre mois plus tard, la balance n'affichait plus que 68 kilos. "On donnait tout. On travaillait 15 heures par jour", se souvient l'actuel chef de La Gourmandière à Vannes (56). Il parle de réactivité et d'efficacité auprès de Marc Dach : "Ma première grosse responsabilité a été de remplacer, au pied levé, le chef de partie aux poissons. J'ai dit oui. Sans hésiter. Soyez passionnés, dit-il aujourd'hui aux débutants. Allez au bout de vos convictions : le travail, ça paye toujours."
Eric Guérin : "J'ai appris à cultiver ma différence"
Paris, 1988. Eric Guérin sort tout juste du lycée Médéric, un BTH (brevet de technicien hôtelier) en poche. Il cherche à intégrer une brigade parisienne. "Personne ne voulait de moi." Son père demande alors à Michel Graux de le prendre pendant l'été dans son restaurant Les Fleurs, à Vernon (27). "J'étais plutôt timide. Michel Graux m'a d'emblée fait entrer en cuisine. J'étais devant les fourneaux et je devais me débrouiller." Une bonne école. "Michel Graux m'a boosté. Chez lui, j'ai appris que la cuisine est un mode d'expression." Aujourd'hui, chef étoilé de la Mare aux Oiseaux à Saint Joachim (44), Eric Guérin reconnaît que cette première expérience lui a donné "les codes pour cultiver [s]a différence". Ironie du sort : vingt-cinq ans plus tard, il vient d'ouvrir un restaurant à Giverny (27), "à 5 kilomètres de là où j'ai débuté", dit-il. Et le couple Graux a cassé sa tirelire pour l'aider à ficeler son budget : "La boucle est bouclée."
Philippe Labbé : "J'ai cuisiné avec des fourneaux à charbon"
C'est à la maison Hosten, près d'Angers (49), que Philippe Labbé vient travailler à sa sortie de l'école hôtelière de Strasbourg (67). Nous sommes en 1980 : "Je suis entré en tant que commis. J'avais 18 ans." Motivé, courageux, il n'a pas baissé les bras lorsqu'il a découvert qu'il n'allait pas travailler avec une cuisinière à gaz, ni un modèle électrique, "mais avec des fourneaux à charbon, qui dégageaient une chaleur accablante dès que l'on mettait trop de charbon". Malgré cela, l'actuel chef étoilé du Shangri-La, à Paris, parle d'une "très belle époque". "On préparait les anguilles, écrevisses et saumons, tous pêchés dans la Loire. C'est impensable aujourd'hui."
Publié par Anne EVEILLARD