Paul Bocuse : cinquante ans au sommet étoilé

Collonges-au-Mont-d'or (69) 1965-2014 : un demi-siècle au sommet de la hiérarchie étoilée du Michelin. La performance est unique. Depuis sa première distinction en 1958, le chef lyonnais a passé la plus grande partie de sa vie dans la galaxie du célèbre guide rouge cumulant 162 étoiles. Un record absolu en la matière.

Publié le 20 janvier 2018 à 14:23


"Temple de la grande cuisine, institution du service à l'ancienne… Le restaurant de Paul Bocuse est un véritable monument. Classique parmi les classiques, chaque assiette incarne l'une des plus belles pages de la gastronomie française. Le grand chef est entré dans l'histoire : quel meilleur hommage que ces trois étoiles portées depuis 1965 !"

En quelques mots, le rédacteur du guide Michelin 2014 - dans lequel sont indiqués soupe aux truffes noires VGE, rouget en écailles de pommes de terre et gâteau Président Maurice Bernachon, a planté le décor.

Flash-back. À la fin des années 1950, aucun cuisinier n'ignore qu'une partie de son destin professionnel se joue au 97 boulevard Pereire. Dans un immeuble modeste, le guide Michelin y est installé et c'est là que ses responsables reçoivent, à leur demande, ceux qui ont fait le choix de régaler leurs contemporains.

Un jour d'automne 1964, Paul Bocuse franchit le seuil d'un bureau sans luxe ostentatoire où l'attendent MM. René Pauchet et Lasburgues qui font la pluie et le beau temps sur la cuisine française.

La discussion roule, naturellement. On évoque la cuisine française, la situation à Lyon et soudain, la question fuse. "Serez-vous prêt au printemps ?" s'inquiète René Pauchet qui dirige le service. Un brin décontenancé, Paul Bocuse affirme qu'il n'y aura aucun problème. Il indique les travaux en cours, s'amuse à remarquer que jusqu'en 1962 et l'obtention de la deuxième étoile, les clients devaient se satisfaire de nappes en papier et de couverts en inox et se faire à l'idée que les toilettes étaient au fond de la cour.

"C'était le temps du travail en famille, se souvient-il. Irma, ma mère, était à la caisse et Raymonde, mon épouse, au service. J'étais en cuisine et j'ai la faiblesse de penser que les clients se régalaient."

À l'époque, les clients de l'Auberge Paul Bocuse dégustent, entre autres spécialités, terrine de grives aux baies de genièvre, mousse de truite à la Constant Guillot et quartier d'agneau à la broche aux herbes de Provence arrosés de pouilly-fuissé et de morgon.

 

Star de la nouvelle cuisine française

"Serez-vous prêt ?". Pendant des semaines, la question tourne dans la tête de Paul Bocuse. À la fin du mois de février 1965, quelques jours après le 39e anniversaire du chef - qu'épaule depuis quelques années Robert Dubuis qui passera près de vingt ans au piano -, le 47 00 14 sonne. Paul Bocuse est convoqué boulevard Pereire. Lorsqu'il entre dans le bureau, René Pauchet l'invite à s'asseoir et lui tend le guide. Le chef découvre que trois étoiles sont accolées à son auberge, qui propose alors des menus à 34 et 38 francs (le guide est alors vendu 12 francs).

"Cette année-là, aucun trois étoiles n'avait été sanctionné. J'étais le douzième et, à 39 ans, le plus jeune de l'après-guerre. J'étais en belle compagnie puisqu'on retrouvait Mado Point, la Mère Brazier, Alexandre Dumaine, Claude Terrail, Marguerite Bise, Laperouse… Je ne réalisais pas du tout à fait la portée des trois étoiles et ce que cela pouvait représenter. Je ne l'ai compris que plus tard…"

Si son titre de Meilleur ouvrier de France en 1961 l'avait propulsé à la une des médias, les trois étoiles firent davantage encore. Avec un nom facile à retenir et une personnalité attachante, Paul Bocuse ne va pas tarder à devenir la star de la nouvelle cuisine française.

"Bien sûr, lorsque j'ai eu la 2e étoile, j'ai pensé 'pourquoi pas trois ?', puisque j'étais passé dans des maisons qui les avaient [en particulier La Mère Brazier et La Pyramide de Fernand Point, NDLR]. Mais la conquête de la 3e étoile n'a jamais été une obsession. Finalement je m'aperçois qu'à 88 ans, j'ai passé les deux tiers de ma vie dans les étoiles Michelin ! C'était difficile à imaginer. D'abord parce qu'on ne sait pas si on sera toujours là. Je pense toujours à cette réflexion de Marcel Pagnol qui disait : 'Quand je conduis l'autobus de la vie et que je me retourne, je m'aperçois que beaucoup d'amis sont descendus'.

Les amis ? Entre autres Jean Troisgros, Alain Chapel, François Bise, Jacques Pic, Bernard Loiseau, Paul Haeberlin ou Jean Ducloux, le fidèle de Tournus. Ce sont tous ceux qui, avec lui et à l'initiative de Charles Barrier, ont un jour tiré la sonnette d'alarme pour que les cuisiniers restent maîtres chez eux et composé cette grande cuisine française qui fit tant parler d'elle dans le monde entier.

 

Une équipe fidèle

Avec la consécration de cinquante années du guide au sommet de la hiérarchie, Paul Bocuse s'est définitivement imposé comme le plus grand cuisiner de la planète. Et celui dont la maison des bords de Saône mérite encore et plus que jamais le voyage (selon la formule du guide rouge) sait que le secret de sa longévité tient à sa faculté de partager et de savoir s'entourer. Avec la présence permanente de Raymonde, fidèle et discrète épouse depuis 1946. "J'ai partagé ma vie entre elle et Michelin", s'amuse Paul Bocuse. Et un parfait équipage qui ne songe pas à quitter la maison aux couleurs flamboyantes.

La salle, tout d'abord, est dirigée par François Pipala, arrivé ici en 1985 avec Jean-Philippe Merlin, fidèle bras droit, tandis qu'Alfred Hocdée, figure emblématique du restaurant désormais à la retraite, y a passé plus de quarante ans.

Et bien sûr en cuisine, où après Robert Dubuis aux commandes, seuls Roger Jaloux, Christian Bouvarel et désormais Christophe Muller épaulé par Gilles Reinhardt et Olivier Couvin ont dirigé la manoeuvre.

"S'ils restent c'est que la maison est bonne", s'amuse Paul Bocuse, plissant les yeux de malice. C'est aussi le sentiment des directeurs du guide Michelin qui se sont succédé depuis René Pauchet (André Trichot, Bernard Naegellen, Dereck Brown, Jean-Luc Naret et Michael Ellis) et n'ont jamais songé à décrocher une étoile du ciel de Collonges-au-Mont-d'Or. À quelques kilomètres de Lyon, 'capitale mondiale de la gastronomie', comme se plaisait à la qualifier Curnonsky, prince des gastronomes.



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