Le 27 décembre dernier, Thierry Marx tirait une fois de plus la sonnette d’alarme. Sur l’antenne de RTL, le président de l’Umih a parlé de 200 000 postes à pourvoir dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Au salon EquipHotel de novembre dernier, à Paris (XVe), de nombreuses conférences ont abordé cette même problématique du recrutement. Parmi les pistes à suivre pour limiter la pénurie de salariés dans un établissement, les profils dits atypiques ont été mis en avant. Ainsi, lors d’une table ronde, Valérie Bisch, fondatrice du cabinet Tovalea et spécialiste en recrutement de “profils rares” pour l’hôtellerie, a souligné qu’il est parfois pertinent de privilégier un sens de l’accueil ou un savoir être à un CV. Avis partagé, dans ce même débat, par Emmanuel Sauvage. Le patron du groupe Evok recherche avant tout des qualités, telles que la gentillesse et l’empathie. Le diplôme c’est en plus. Quant à l’expérience de terrain, plus elle est variée, plus elle suscite un intérêt certain : cette diversité témoigne d’une adaptabilité, d’une agilité, voire d’une polyvalence. Par exemple, avoir travaillé à la fois dans le secteur du luxe et pour des enseignes plus grand public - même hors CHR -, traduit une ouverture d’esprit et une capacité à passer, dans une même journée, d’un univers feutré à une atmosphère plus décontractée. Un véritable atout à l’heure où les établissements cumulent une variété d’espaces, où le client peut se restaurer, boire un verre, se détendre, recevoir ou encore travailler.
“J’ai embauché un guitariste, un graphiste, un réalisateur de courts-métrages…”
Adriano Farano va plus loin encore. Le fondateur des boulangeries Pane Vivo, qui fournit en pain une quinzaine d’hôtels et restaurants parisiens – dont L’Agapé du chef étoilé Laurent Lapaire -, affectionne les profils atypiques pour l’accueil et la vente. “J’ai embauché un guitariste, un graphiste, un réalisateur de courts-métrages, un étudiant en sociologie… Ils sont tous passionnés par le pain et la boulangerie est leur deuxième métier”, explique-t-il. Des salariés qui ne sont pas à plein temps, donc. Mais le roulement fonctionne. Quant à l’apprentissage des bons gestes et de la culture générale autour du pain, ils se font sur le tas. “Je n’ai que des personnes motivées et le fait d’exercer une autre profession à côté empêche toute monotonie dans leur quotidien”, ajoute Adriano Farano. Une autre approche des ressources humaines, qui se propage jusque dans certains cursus universitaires ciblés sur l’hospitalité. À l’Esthua d’Angers (Maine-et-Loire), qui forme les jeunes – en licence et master – notamment aux métiers liés à la gastronomie, il n’est plus rare d’avoir des étudiants déjà diplômés en lettres, langues, communication ou histoire. Quant à la licence hôtellerie de luxe, commune au lycée parisien Albert de Mun (VIIe) et à l’université Paris Nanterre (Hauts-de-Seine), cette année elle accueille un ancien étudiant des Beaux-arts de Reims (Marne) et un élève pilote d’avion.
Publié par Anne EVEILLARD