À l'inverse des pays du Nord de l'Europe ou des États-Unis, le marché hexagonal ne compte pas de chaînes de restaurants végétariens véritablement installées, avec un concept défini et duplicable. Les végétariens et végétaliens ou 'vegan' (ceux qui ne mangent que des végétaux) se transmettent leurs bonnes adresses de bouche à oreille, se renseignent sur des sites web communautaires, échangent des informations. Mais il semble qu'ils soient de plus en plus nombreux, rejoints par les 'flexitariens', des consommateurs végétariens qui s'accordent occasionnellement le droit de manger du poisson ou de la viande. Si bien que de nouvelles enseignes se créent, telle une génération spontanée, autour d'une offre de légumes, de légumineuses, de céréales, emboîtant le pas à des enseignes plus anciennes. "C'est un phénomène de mode qui révèle néanmoins le souci des consommateurs d'avoir un autre rapport avec leur nourriture", explique Jean-François Hammerle, cofondateur du bar cantine Sol Semilla, rue des Vinaigriers à Paris. "De 2009 à 2013, le nombre de ces restaurants est passé à Paris de 22 à 33. Sept d'entre eux sont 100 % végétaliens", remarque Hugues Rivard, le créateur de Loving Hut.
Située boulevard Beaumarchais, dans le XIe arrondissement de Paris, cette enseigne de 48 places assises semble faire l'unanimité dans la communauté vegan. Le restaurant est 100 % végétalien. Hugues Rivard, son épouse d'origine vietnamienne, Thi Huong Rivard, et des associés ont ouvert ce restaurant en 2009. Une autre enseigne du même nom est implantée dans le sud de France à Menton (06). Le franchiseur (200 Loving Hut dans le monde) est basé à Taiwan. Le restaurateur sert 70 % de produits biologiques, certaines protéines n'étant pas encore disponibles en bio. Importée de Taiwan, la protéine de soja extrudé à haute vitesse constitue l'ingrédient central de l'offre et remplace les protéines animales. Les glaces sont fabriquées par Sojami (France) avec des produits végétaux issus de l'agriculture biologique, les fromages sont fournis par les sociétés Vegusto (Suisse) ou Sheese (Grande-Bretagne), les pains au chocolat bio et vegan proviennent de l'entreprise La Borie (France). Le rayon épicerie du restaurant vend de la mayonnaise sans oeuf Plamil et du pâté Tartex. À la carte, les entrées sont proposées entre 5 et 7 €, les plats entre 8 et 13,5 € et les desserts entre 5,5 et 9,5 €. Le restaurant, qui ne sert pas de boisson alcoolisée, offre aux clients de l'eau micro-filtrée par osmose inverse. "Vegan c'est un mode de vie. Il y a beaucoup de potentiel sur ce marché, c'est une alimentation à faire découvrir", estime le patron. Au déjeuner, le restaurant enregistre une trentaine de clients, et davantage le soir.
Plats traditionnels et junk food
Convaincus de la nécessité de mettre en avant la gourmandise et la cuisine française, Stéphane Seebaruth et Peter Aigner ont ouvert en 2003 le Potager du marais, dans le centre de Paris. "Nous sommes un restaurant de cuisine française et nos plats reprennent des appellations de plats traditionnels", explique le premier. La carte végétarienne 100 % bio annonce un pâté aux champignons, un chile sin carne, un rôti aux noix duxelles de champignons et crème safranée… Le menu est à 25 € pour une entrée, un plat et un dessert. L'offre s'est élargie aux plats sans gluten et aux recettes végétaliennes, particulièrement en pâtisserie. Les patrons ont embauché une pâtissière américaine spécialisée sur ce créneau.
Inauguré en octobre 2012 par Teresa Moya et Stéphane Crinon, East Side Burgers conjugue la thématique junk food et le végétarisme. "Nos steaks de tofu bio sont très protéinés. Ils sont 50 % moins gras qu'un steak de viande classique et, surtout, ils ne contiennent aucune des graisses saturées que l'on retrouve dans la viande", souligne Stéphane Crinon qui estime que la moitié de la clientèle de l'établissement n'est pas végétarienne mais soucieuse de réduire sa consommation de viande. Le ticket moyen s'élève à 13 € et le restaurant enregistre en moyenne 80 clients par jour, dont une partie en vente à emporter.
Pas de tofu en revanche chez Sol Semilla, ni de seitan (à teneur élevée en gluten). La réflexion et le parcours de Jean-François Hammerle (qui travaille sur les marchés bio depuis une vingtaine d'années) portent sur les 'super aliments' : quinze plantes, fruits, algues ou légumes à teneur élevée en nutriments, comme le cacao cru, la caroube du Pérou, la griffe du chat (une plante amazonienne) ou encore le guarana blanc, la spiruline.... Présents dans tous les plats, "les super aliments ne se cuisent pas, on les ajoute en fin de cuisson". Les assiettes - toutes végétaliennes - sont servies avec deux spécialités maison : la sauce spiruline (une micro-algue) aux 3 huiles et la sauce nopal (un cactus), huile d'olive et jus de citron. Vendue 11 € ou 14,5 € (selon la taille), l'assiette du jour comprend une céréale (riz ou sarrasin), une légumineuse (haricots noirs, rouges, pois chiches, lentilles), une compotée de légumes de saison cuits à l'étouffé, un sauté de cacao, et de la pomme de terre, crudités de saison et caviar d'açaï (fruit d'un palmier amazonien).
Ouvert il y a tout juste six mois, le Café Pinson (Paris, IIIe) brouille complètement les pistes avec une devanture où rien n'indique que l'établissement est sans gluten, sans lactose, mais aussi végétalien et bio. Est-ce l'une des raisons de son succès ? "Les clients ne comprennent pas tout de suite, c'est quand ils nous demandent des précisions sur nos produits que nous leur expliquons notre démarche", explique la manager Alizée Brière. Les deux espaces d'une cinquantaine de places au total font le plein en journée, si bien que l'établissement va prochainement ouvrir le soir les jeudis, vendredis et samedis, avec une carte pour le dîner complètement différente. Mis à part le yaourt de soja (Sojade), tout est réalisé sur place dans la cuisine ouverte. À 17 €, la formule déjeuner (entrée, plat, dessert) varie tous les jours, tous comme le jus frais.
Publié par Lydie ANASTASSION