Salaires en CHR : les femmes se hissent à la hauteur des hommes

Paris (75) Dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, les grilles de salaire varient-elles selon le sexe ? En cuisine, en salle, en chambre, à la réception ou dans un bureau : hommes et femmes sont-ils rémunérés de la même façon ? Enquête auprès de pros du recrutement.

Publié le 08 mars 2012 à 11:13

Décomplexée, la jeune génération ne s'encombre plus de manies ni de manières lorsqu'elle se retrouve confrontée à des recruteurs. À l'automne dernier, lors du forum Jobs d'hiver, organisé à Paris par Pôle emploi et le Crous (Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires), les questions, sans détour, fusaient entre les jeunes et leurs éventuels futurs employeurs. "Combien gagne-t-on ?",  "Est-on employé aux 35 heures ?", "A-t-on droit à des Ticket-Restaurant ?" La rémunération fait donc partie des premières interrogations que filles et garçons trouvent légitimes de soumettre dans le cadre d'une future embauche. En revanche, lorsqu'on les sollicite sur parité et égalité hommes-femmes, ils ne comprennent pas le sujet. Car, à leurs yeux, il n'existe pas de métiers a priori masculins et d'autres plus féminins. Et encore moins de salaires pour les hommes et d'autres pour les femmes. Pour eux, c'est une évidence : tout le monde est logé à la même enseigne. "Aujourd'hui, nous pouvons tous postuler pour un même travail", commente Julie, 19 ans, qui a posé sa candidature pour un job saisonnier au sein de la maison Lenôtre.

"Les inégalités hommes-femmes dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, on en parle depuis quinze ans. Or, un sujet dont on parle depuis quinze ans n'est plus un sujet." André Decoutère, DRH du groupe Lucien Barrière, abonde dans le sens des jeunes. "Certes, il existe forcément des inégalités, nuance-t-il. Mais elles ne sont pas liées au sexe. Elles sont liées, par exemple, à la présence du salarié dans l'entreprise." Autrement dit : une femme qui prend un congé parental se retrouve confrontée à une absence de longue durée, qui peut être un préjudice au niveau de sa carrière. Car, à son retour, l'écart de salaire avec ses anciens collègues risque de s'être creusé.

"Les femmes s'affirment, même au sein des cuisines"

"Lorsque l'on grimpe dans l'échelle des responsabilités, il peut subsister quelques inégalités. Mais, aujourd'hui, celles-ci tendent à disparaître totalement. Car les femmes s'imposent davantage. Elles s'affirment, même au sein des cuisines. Et les émissions de télévision n'y sont pas pour rien", observe Laurent Pézaire, responsable de l'agence Manpower Restauration et prestige, cadres de la restauration, à Paris. Un bémol toutefois quant à la filière traiteur et événementiel, "où les femmes restent souvent cantonnées à des postes subalternes. Malgré cela, on ne constate aucune différence de salaires, pour un même poste, entre les hommes et les femmes". Respect des grilles de salaire oblige. Des grilles qui ajustent une feuille de paie par rapport à un métier et une expérience et non par rapport au salarié en tant que personne. "Pour tous les métiers, qu'ils soient en salle ou en cuisine, nous avons une grille de salaires fixe. Sans marge de manoeuvre. Si bien que les professions de serveur, maître d'hôtel, chef de partie ou encore chef de cuisine correspondent à un même salaire que l'on soit un homme ou une femme", détaille Alexandra Bauer, responsable des ressources humaines chez Alain Ducasse Entreprise.

"La rémunération est liée au chiffre d'affaires"

Chez Courtepaille aussi, on a résolu le problème : "la rémunération est liée au chiffre d'affaires et un chiffre d'affaires, ce n'est pas sexiste", résume Luc Negri. Le DRH du réseau Courtepaille croit "à la complémentarité entre hommes et femmes au sein d'une entreprise". Les meilleures équipes, selon lui, "sont celles qui mêlent des hommes et des femmes de différentes générations et de différentes cultures". Si bien que chaque trinôme d'encadrants d'un Courtepaille a vu sa proportion de femmes passer de 22 % en 2000 à 38 % en 2010. "La mixité est en train de se faire tout naturellement", poursuit Luc Negri. Avis partagé par André Decoutère : "Les mentalités sont en train d'évoluer. Il y a vingt ans, il n'était pas de bon ton qu'une femme gagne plus que son mari. Aujourd'hui, ce n'est plus un problème."

Toutefois, si Jérôme Piérard, directeur du cabinet Dreamsearch, au sein duquel il recrute notamment pour les brasseries du groupe Flo, est en quête de femmes pour des postes de direction, il a du mal à trouver des postulantes. "Car peu de femmes consacrent une carrière longue dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, explique-t-il. Ainsi, à un poste de direction, Dreamsearch ne présente qu'une ou deux femmes pour huit hommes." Difficile, en effet, de concilier le rythme de la restauration 'festive' avec une vie de famille. "C'est sans doute plus simple dans le secteur de la restauration collective", précise Jérôme Piérard.

Donner les mêmes chances d'évolution à tous

Chez McDonald's, où 80 % des contrats de travail sont à durée indéterminée, on met un point d'honneur à donner les mêmes chances d'évolution de carrière à tous les salariés. Y compris aux mères de famille. Dans le Guide de nos métiers en restaurant, édité par l'enseigne, les professions de chargé de formation, manager, barista, ou encore équipier sont présentées et mises en scène pour convenir aussi bien aux hommes qu'aux femmes. Ilham Slimani, directrice adjointe du restaurant de Morangis (91) raconte : bras droit opérationnel du directeur, son premier rôle consiste à s'assurer "que tout est prêt sur le terrain pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés". Embauchée en juillet 2002 en tant que manager, fin 2005 elle a passé une évaluation pour progresser vers un poste de directrice adjointe, poste qu'elle a obtenu en 2008. Quant à son congé maternité, c'est "une parenthèse" qui n'a pas stoppé ses possibilités d'évolution, selon elle.

Même souci d'évolution et de motivation des salariés chez Alain Ducasse Entreprise. En septembre dernier, le groupe a initié le projet 15 femmes en avenir, destiné à accompagner vers l'emploi 15 femmes issues des quartiers difficiles de Sarcelles. De quelle façon ? En les invitant à suivre une formation adaptée et un suivi social personnalisé. Dans le détail, il s'agit de les préparer, en un an, à passer un CAP cuisine en alternance dans 12 établissements franciliens d'Alain Ducasse Entreprise. Durant cette formation, les 15 postulantes sont embauchées en contrat unique d'insertion et touchent un salaire équivalent au smic. Par la suite, le groupe Ducasse s'est engagé à proposer un CDI à toutes celles qui décrocheront leur CAP. Un joli coup de pouce et la promesse d'un avenir en marge des tours de Sarcelles.


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Publié par Anne EVEILLARD



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