En 2008, lorsque Xavier Beaudiment reprend Le Pré, à Durtol (Puy-de-Dôme), il quitte une ‘cuisine du monde’ pour se diriger vers la gastronomie. Avec une mère espagnole et un père auvergnat, la terre, le terroir sont naturellement au centre de sa cuisine. Il s’interroge : est-ce la recette traditionnelle ou les produits qui définissent le terroir ? Il opte pour les produits : tout ce qui pousse naturellement dans les environs constitue le terroir. Pour élargir ses connaissances, il apprend durant deux années au côté du botaniste Guy Lalière à s’intéresser aux végétaux comestibles. “Il me parle du locavorisme, à l’époque c’était un concept nouveau.”
En 2009, le chef décide d’utiliser uniquement des produits cultivés dans un rayon de moins de 100 km. Le chocolat, la vanille, le sel… disparaissent des recettes, mais le chef se rend compte “que la cuisine perdait de l’intérêt car la palette de produits devenait trop restreinte”. Il revient alors un peu sur ses pas et réintroduit certains produits en vérifiant leur mode de culture, leur provenance, et en revoyant leur utilisation. Le chocolat, par exemple, figure aujourd’hui sur les cartes avec parcimonie. Il peut être la base d’un dessert ou simplement apporter une touche de plaisir avec le café, selon le moment.
Une conscience globale des produits
“J’ai choisi de faire une cuisine naturelle, la présentation n’est pas imposée, elle s’adapte à chaque morceau. Nous ne décidons pas de la taille des fleurs de courgettes. Si aujourd’hui, notre cueilleur nous dit qu’il n’y a pas de mousserons, eh bien, il n’y a pas de mousserons… Nous travaillons aussi avec un boucher, nous ne lui imposons pas les morceaux… Nous nous adaptons à la non-régularité. Aujourd’hui, ça ne nous demande plus d’effort ”
Le produit est regardé autrement, avec une conscience plus globale. Les carottes, par exemple, ne sont pas “juste des carottes” , ce sont des végétaux qui ont puisé de l’eau, des ressources dans le sol, qui ont nécessité du temps pour offrir un produit comestible. Plus qu’une recette établie, c’est cette conscience que Xavier Beaudiment s’évertue à transmettre à ses équipes.
“Je travaille les ventres et les queues de truites, sans cela je ferais abattre 30 % de truites supplémentaires. C’est une double économie d’argent et de ressources.”
Concernant les différentes eaux proposées au restaurant, les ventes de bouteilles sont passées de 20 000 à 6 000 par an, car le chef souhaitait réduire le choix des eaux à la carte. Seules les deux eaux locales, Volvic et Chateldon, ont été conservées et l’eau d’une source qui jaillit sur le terrain est également proposée. L’établissement s’est équipé pour effectuer le léger traitement nécessaire et s’est doté de bouteilles réutilisables pour le service.
“On s’impose chaque année trois actions pour s’améliorer”
Cette année, l’établissement s’est en outre équipé d’un système de récupération de l’eau des toits. Une partie est destinée à l’arrosage des espaces verts, le surplus retourne à la source. “Aujourd’hui nous cherchons à évaluer notre impact, pour avoir une vision de nos faiblesses, progresser, et compenser.” L’établissement adhère à la Ligue de protection des oiseaux, Reforest action et Mr Goodfish. Il est labellisé Clé verte. “C’est aussi un moyen d’être informé sur les enjeux environnementaux et de les partager avec notre équipe”, explique Florine Beaudiment, l’épouse du chef, qui a rejoint l’entreprise il y a deux ans. Elle effectue les cueillettes et va à son tour se former auprès de Guy Lalière.
“C’est un engagement long et difficile. Il faut progresser pas à pas. Accepter de revenir parfois un peu en arrière”, conclut, tel un funambule, le chef.
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Publié par Sandrine ROCHAS