du 10 février 2005 |
ÉDITO |
Europe Fiction
Bien que publiée le 21 janvier 2004, soit il y a plus d'un an, la désormais fameuse 'Directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur' suscite subitement une levée en masse d'oppositions aussi unanimes que variées, y compris de la part de politiques qui ont quand même eu plus de 12 mois pour digérer un texte qu'ils nous présentent aujourd'hui comme un grand danger pour notre économie. Passons, ils avaient sans doute mieux à faire.
En revanche, comme vous n'aurez certainement ni le loisir ni le goût d'ingurgiter 90 pages (mais oui) d'un juridisme abscons et technocratique - après tout ce n'est pas votre travail -, essayons de voir concrètement ce qui suscite une aussi rare unanimité, de Philippe de Villiers, éternel pourfendeur de tout ce qui vient de Bruxelles, jusqu'à Dominique Strauss-Kahn, que l'on a connu plus européen, jusqu'y compris les plus hautes instances de l'État, Jacques Chirac n'hésitant pas à réclamer une "remise à plat" d'un texte que, pour sa part, Jean-Pierre Raffarin considère comme "inacceptable". Bigre, tout ça pour quoi, au fait ?
Eh bien, supposons que vous exerciez le noble métier d'aubergiste du côté de Thionville ou de Longwy, non loin de la frontière luxembourgeoise. Si la fameuse directive, appelons - la 'Bolkenstein' pour faire simple, si l'on peut dire - est un jour applicable, il n'échappera pas à vos collègues luxembourgeois qu'ils peuvent en toute légalité s'installer en France, et y appliquer leurs douces réglementations sociales, fiscales ou autres, et créer ainsi des phénomènes redoutables de concurrence pour le moins discriminants. Exactement l'inverse du but recherché par les promoteurs d'un seul marché européen. Et ce raisonnement peut également s'appliquer à une plus grande échelle : il ne serait pas déraisonnable pour une chaîne de pizzerias ou de fast-foods d'inonder l'Hexagone d'établissements soumis au droit du travail britannique, où le problème des 35 heures ne se pose pas vraiment.
D'ailleurs,
nos amis d'outre-Manche font déjà preuve d'une belle capacité d'anticipation sur la
'directive Bolkenstein' en embauchant du personnel à Newcastle avant de l'expédier dans
des hôtels de Val-d'Isère, ce qui ne semble guère, au passage, troubler la quiétude
des services de l'inspection du travail
L'Europe, certes, mais laquelle ?
L. H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2911 Hebdo 10 février 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE