du 12 mai 2005 |
L'ÉVÉNEMENT |
OUI OU NON, LE DOSSIER DE LA BAISSE DE LA TVA A-T-IL PROGRESSÉ ?
LES SYNDICATS PATRONAUX TOUJOURS PARTAGÉS
Pour André Daguin, la position de la présidence européenne constitue "un grand pas". Moins enthousiaste, Jean-François Girault, également signataire des accords sociaux, estime qu'il s'agit d'une "évolution" significative. De leur côté, Didier Chenet et Jacques Jond, qui n'ont pas ratifié l'avenant du 13 juillet 2004 à la convention collective, craignent surtout les effets d'annonce.
TVA : le cadeau de Bruxelles à Paris. Le titre
de l'article paru le 4 mai dans Le Figaro a fait grincer des dents quelques
restaurateurs. "Non, ce n'est pas un cadeau, c'est une promesse", lance
l'un d'eux à la lecture de la manchette. Le contenu du papier, en revanche, laisse
entendre que la présidence luxembourgeoise de l'Union européenne accepterait de
reconnaître le principe de "subsidiarité". Une fleur au gouvernement
français, s'interroge le journaliste, à un mois du référendum ? Ou le "signe
fort" tant réclamé par la profession en amont du 29 mai, dont une partie est
aujourd'hui tentée de dire non à l'Europe ? Immédiatement interrogé par les médias,
le président national de l'Umih, André Daguin, ne va pas jusque-là, même s'il parle
d'une "excellente nouvelle". "Cela va permettre d'augmenter les
salaires, d'avoir une politique de prix intelligente et d'investir. Désormais, on ne
pourra plus se cacher derrière l'Europe", déclare-t-il avec entrain à l'AFP.
Et de bonne guerre, notre restaurateur, lecteur du quotidien, d'ajouter : "Alors,
cette fois, c'est sûr, dites, on va l'avoir ?" L'effet d'annonce retombé, qu'en
est-il réellement ? Réponses et commentaires des dirigeants des 4 formations patronales.
Propos recueillis par Sylvie
Soubes
André
Daguin · Umih
J'ai
essayé d'être content du grand pas en avant qui a été fait, mais je veux faire passer
le message que ce n'est pas fini. Il y a encore beaucoup de boulot. Il ne faut surtout pas
se désunir. C'est la dernière partie de l'étape qui est la plus dure. Il faut regarder
les choses en face, nous n'allons pas être les seuls à bénéficier de la baisse de la
TVA. Nos salariés, nos fournisseurs, nos installateurs et nos clients vont en
bénéficier. Si l'on dit bravo, on a la TVA pour nous, c'est une erreur économique
grossière et tout le monde s'en moquera. Il faut bien montrer que cette mesure n'est pas
catégorielle, qu'elle sera bonne pour l'emploi et pour d'autres secteurs. Il est en effet
possible que la proximité d'un référendum qui n'est pas gagné ait joué en notre
faveur. Le président Jacques Chirac ou le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, sont
conscients du problème et des répercussions. Je ne peux pas le voir autrement. Il y a
une réunion des techniciens le 12 mai. S'il y avait un oui rapidement, ce serait un geste
gigantesque. S'il n'y en avait pas, rien ne serait perdu. Ce qui est vrai, c'est que si
l'Europe veut montrer qu'elle n'est pas l'ennemie des hôteliers, des restaurateurs, des
cafetiers français, c'est le moment pour elle de le montrer. Nous avons été sages,
adultes, en acceptant d'attendre beaucoup plus longtemps que prévu une baisse de TVA
promise d'abord pour 2004, ensuite pour 2005 et maintenant pour 2006. Je vous garantis que
les réactions chez nous seraient très mauvaises si la promesse qui nous a été faite
par le président de la République n'était pas tenue. Nous ne pourrions pas tenir les
engagements que nous avions mis en place dans le cadre de la convention collective.
L'image de la politique reculerait beaucoup. Et puis, maintenant ça suffit. C'est le 1er
janvier 2006 qu'il nous faut la baisse de la TVA !
Complément d'article 2924p04
Que croire ? Que
penser ? André Daguin a choisi d'écrire à ses départements Peu après la parution de l'article du Figaro, André Daguin a décidé de faire le point auprès de ses troupes. Voici l'essentiel du courrier qu'il a fait parvenir à ses départements : "Vous avez constaté à la lecture de la presse de ce matin 4 mai, particulièrement à la une du Figaro, que des avancées significatives semblaient faites vers la baisse du taux de TVA en restauration. Pour la première fois, et de façon exceptionnelle, les médias se font l'écho de la prise en compte de la subsidiarité par Bruxelles dès lors que le taux réduit pour la restauration ne met pas en cause la concurrence entre les États, ce qui est évident. Le recours à la subsidiarité est donc une alternative sérieusement à l'étude. Les déclarations en ce sens des différentes autorités ne sont pas neutres. Cette avancée est le résultat d'un travail d'équipe entre le directoire, les Umih départementales, régionales, les élus et les services. À cette occasion, je vous demande de prêter attention au fait que l'efficacité de l'Umih ne peut se juger exclusivement au regard de ce qui est visible dans son action. Le succès est souvent le résultat des contacts de tous les jours et à tous les niveaux de l'État, y compris avec les plus hautes autorités, en vue de convaincre de la justesse de notre cause. Ce travail, pour être efficace, demande de la confidentialité." zzz76v zzz66f |
Jean-François
Girault · CPIH
Cela
fait un peu plus de 1 mois que nous avons adressé un courrier au président de la
République, au Premier ministre, au ministre des Finances, et pour information, à Léon
Bertrand. Cette lettre a été rédigée à la demande de nos adhérents, lors de notre
congrès de Chaumont. Nous avons, avec elle, voulu effectivement monter en pression.
Jacques Chirac nous a fait une promesse. Qu'en est-il ? Où en est le gouvernement ?
Parallèlement à cet envoi, comme vous le savez, nous avons mis en place une circulaire
avec pétition, que doivent retourner nos professionnels à l'Élysée. Je peux vous dire
que ça fonctionne plutôt bien. Les gens s'impliquent. L'article du Figaro nous
permet de nous rendre compte que nos demandes ne restent pas lettre morte. Il apparaît à
sa lecture que le dossier de la TVA en restauration évoluerait favorablement dans la
mesure où la présidence européenne accepterait qu'en vertu du principe de
subsidiarité, la France puisse baisser le taux appliqué à la restauration à 5,5 %.
Nous nous félicitons de cette évolution, mais je dois vous faire observer que la TVA à
5,5 % n'est pas pour autant acquise, ce projet devant être discuté par les experts
fiscaux européens le 12 mai puis en réunion Écofin le 7 juin. Lors d'une entrevue
récente, Jean-Pierre Raffarin m'a déjà confirmé que le dossier suivait son cours et
que cette baisse était toujours dans les objectifs du gouvernement. Pour nous, la TVA
reste la priorité des priorités. S'il est vrai que nous profitons un peu, à la demande
de nos professionnels, du vote du 29 mai pour enfoncer le clou, le référendum passé,
nous resterons sur le pied de guerre. L'échéance n'est pas à la fin du mois, mais le 1er
janvier 2006, même si le 29 est une date importante.
Didier
Chenet Synhorcat
C'est
un sujet suffisamment sensible pour ne pas le traiter avec le sérieux qu'il réclame. On
le dit avec d'autant plus de liberté qu'on a appelé à voter oui le 29 mai. Je ne crois
pas qu'on ait besoin de ce genre d'annonce aujourd'hui. Dansun communiqué, le
porte-parole de l'UE a rappelé peu après que la situation était toujours bloquée. Nous
faisons tout pour que cette baisse de TVA passe.
Si cela devait traîner au-delà du 1er janvier 2006, le désespoir serait à
la hauteur de tout ce qu'on aura pu raconter aux gens. On leur fait croire que c'est fait.
C'est extrêmement dangereux pour les consommateurs. On est excédé aussi par le mot
'cadeau'. Il s'agit de rétablir une injustice fiscale. Le consommateur s'attend à ce
qu'on répercute cette baisse. En l'espace de 18 mois, le Smic a augmenté de près de 17
%, sachant que les autres salaires ont suivi même si c'était dans d'autres proportions.
À partir du 1er juin 2005, la 6e semaine va s'appliquer. Pour tout
ce qui concerne les saisonniers, les contrats à durée déterminée et tous ceux qui
auront démissionné après le 1er juin, on leur devra la 6e semaine
au prorata. Relisez l'article 18 de l'accord. On est aussi allé raconter qu'on touchait
1,5 MdsE. Il y a eu 90 ME en 2004, 550 ME en 2005, et il doit y avoir 150 ME en 2006. Le
chiffre qu'on laisse filer dans les médias est faux. Il est de 950 ME. Il faut arrêter
de dire n'importe quoi.
On est dans le domaine de la communication et les lendemains vont être très difficiles,
vous savez. En ce moment se rajoute le problème de la taxe professionnelle, où
l'assiette de calcul serait de 80 % sur la valeur ajoutée et de 20 % sur les
investissements. Manifestement, le gouvernement resterait sur ce calcul. C'est un impôt
qui va maintenant 'retaxer' les salaires. C'est un comble.
Tout ce qui est intensité de main-d'oeuvre va être taxé, alors que l'on est en train de
défendre devant Bruxelles que tout ce qui est à forte intensité de main-d'oeuvre doit
être à TVA réduite. On est en pleine incohérence.
Jacques
Jond · Fagiht
Je
ne sais pas si nous sommes plus près du but aujourd'hui. Le fait de profiter directement
ou indirectement de toute élection est toujours délicat : il y a le pour et le contre.
Le gouvernement sait ce qu'il a à faire, et je ne peux imaginer qu'au niveau des
ministres concernés et de la présidence de la République, on oublie la promesse qu'on
nous a faite. Si cette dernière échappait, je ne peux pas imaginer que le gouvernement
puisse ne pas avoir une idée des conséquences que cela entraînerait. Ce serait un très
vaste problème. Vous savez, rentrer dans une certaine excitation à chaque élection
n'est pas forcément porteur. C'est toute l'année qu'on le rappelle. Il faut éviter le
chantage et maintenir la pression. Ce qui est certain, à l'heure où nous parlons, c'est
que si l'engagement n'était pas tenu, je le répète, les conséquences seraient
immenses. On en arriverait à une défiance de toute une catégorie de chefs d'entreprise
tournée pourtant vers ce gouvernement. Faire du chantage n'est pas bon, cela peut amener
des dérapages que je trouve regrettables.
Le climat qui s'est créé vient de la durée de l'attente. Personnellement, je crois dans
ce qui est concret. S'il y a des prémices positives au dossier, j'en suis heureux. Mais
ce n'est pas pour ça que je crois que le miracle est arrivé, tout en me battant pour
lui. En outre, j'espère - parce que ce serait la moindre des justices - que la baisse,
lorsqu'elle sera fixée,
le soit à 5,5 %, ou du moins, à un taux raisonnable. Dans l'immobilisme, il y a une
espèce d'acharnement contre une branche dynamique et créatrice d'emplois. Le
gouvernement fait tout, selon moi, pour que l'engagement soit mis en application le 1er
janvier 2006. Si le gouvernement n'est pas conscient de cette nécessité absolue, la
colère et la résignation des gens nous entraîneront vers l'inconnu. Et ça, c'est pire
que tout. zzz76v zzz66f
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L'Hôtellerie Restauration n° 2924 Hebdo 12 mai 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE