du 23 juin 2005 |
RESSOURCES HUMAINES |
AU-DELÀ DES SALAIRES
LA PROFESSION SE BOUGE POUR MIEUX
CONCILIER CONTRAINTES
DU MÉTIER ET VIE PRIVÉE
De plus en plus d'employeurs du secteur prennent conscience, réagissent et agissent, pour apporter plus d'attention à la vie privée de leurs collaborateurs. Aperçu de quelques initiatives.
Dossier réalisé par Tiphaine Beausseron
Pour Stéphane Martinelli, gérant du Père Tranquille (Paris XVe), "entretenir un bon esprit d'équipe dans une entreprise, c'est une question de mentalité". |
Depuis 1 an, la profession se bouge particulièrement pour revaloriser ses métiers. Au niveau national, la CCN des CHR du 30 avril 1997 a été modifiée par un avenant du 13 juillet 2004, entré en vigueur au 1er janvier 2005. Il ne se contente pas de mettre à jour la CCN sur certains points devenus obsolètes depuis 1997 : il impose aux entreprises du secteur de nouvelles et sérieuses obligations en faveur des salariés*. Même s'il ne fait pas l'unanimité - les syndicats Synhorcat et Fagith, estimant qu'il est un frein à la compétitivité des petites entreprises du secteur, ont introduit un recours devant le Conseil d'État en vue d'en obtenir l'annulation -, force est de constater toutefois qu'il est le fruit d'une réelle volonté d'agir pour redorer l'image des métiers que recouvre ce secteur. Son préambule le dit clairement : il a été élaboré dans le but de "renforcer l'attractivité de la branche tant en termes de développement de l'emploi qu'en termes de formation professionnelle". Le même but est clairement affiché en ce qui concerne la signature de l'accord du 2 novembre 2004 instituant un régime de prévoyance. Celui du 15 décembre 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la vie participe du même consensus.
Outil
de communication RH
À côté de cette volonté
politique, dont les plus suspicieux diront tout de même qu'on ne sait comment et dans
quelle mesure elle sera véritablement appliquée (voire applicable pour les plus petites
structures vu l'augmentation qui l'accompagne*
), il existe aussi de nombreuses
initiatives d'entreprises, moins médiatisées, mais très concrètes, qui participent à
leur niveau à la modernisation de l'image du secteur. Il est impossible de toutes les
recenser. Chaque entreprise avance à la mesure de ses moyens, et on pourrait presque dire
qu'il y a autant d'initiatives que de patrons. Outre la diversité des actions, il est
encourageant de constater qu'elles existent aussi bien dans les petites que les grandes
entreprises du secteur.
On peut noter que certains gros employeurs du
secteur s'en servent comme outil de communication RH. C'est le cas de Accor avec sa
structure Bien-être à la carte qui ambitionne de participer à la performance des
entreprises en proposant à leurs salariés des services à la carte (informations,
services à domicile ou sur le lieu de travail), les accompagnant dans leur vie de tous
les jours afin de concilier vie personnelle et professionnelle. Réservés lors de leur
lancement en janvier 2001 aux collaborateurs Accor, les services de Bien-être à la carte
sont, depuis 2002, commercialisés auprès d'autres entreprises. Autre exemple : le Groupe
Flo qui, dans son processus de création de sa propre marque employeur (lire Le Groupe
Flo soigne son image d'employeur page 26),
a délibérément choisi d'axer sa communication sur les individus plutôt que sur le
bagage professionnel.
TPE
et culture d'entreprise
Mais pas besoin d'être une grosse
entreprise et d'être dotée d'une direction des ressources humaines pour avoir de bonnes
idées et les appliquer. Pour Stéphane Martinelli, gérant du restaurant Le Père
Tranquille (Paris XVe) qui emploie 3 salariés et sert 48 couverts par jour en
moyenne, "les petites entreprises du secteur ne pensent pas assez souvent à
entretenir une certaine culture d'entreprise". Pourtant, la culture d'entreprise
"n'est pas l'exclusivité des grands groupes. Tous les patrons peuvent entretenir
une bonne ambiance de travail et un bon esprit d'équipe dans leur établissement. C'est
une question de mentalité. Et cela se conserve à la condition que l'employeur montre
l'exemple et s'astreint à faire preuve de respect envers le travail de ses collaborateurs",
explique le jeune patron qui ferme le week-end et attribue ainsi à ses salariés 2 jours
de repos consécutifs le samedi et le dimanche. Cette année, il est même allé plus loin
en fermant 4 jours (du samedi au mardi) pour emmener ses collaborateurs en week-end "tous
frais payés" à Courchevel. Le motif : "séminaire de cohésion
d'équipe", résume-t-il simplement. L'initiative mérite d'être soulignée, en
particulier parce qu'elle émane d'une petite structure et qu'il n'est pas si courant
d'entendre des restaurateurs employer un tel vocabulaire, en tout cas dans les TPE.
Autre preuve de considération du chef d'entreprise
envers son équipe : s'astreindre à un seul service le soir et s'y tenir malgré
l'insistance des clients, par refus d'imposer à ses salariés des horaires trop tardifs.
C'est ce qu'Éric Martins, patron du restaurant L'Ami Marcel (Paris XVe), s'est
fixé comme ligne de conduite. Dans le même sens, Barbara Cohen, qui dirige le restaurant
gastronomique La Grange aux Dîmes (Wissous, 91), part du principe "qu'un
employeur sérieux attire le personnel sérieux". Sans beaucoup de moyens, elle
se fixe une ligne de conduite qui se veut être un équilibre entre des exigences
professionnelles et les impératifs personnels et familiaux de son équipe (lire L'exemple
d'une restauratrice indépendante page 24).
Valorisation
du capital humain
Une autre manière de montrer à ses
collaborateurs que l'entreprise n'est pas insensible à leurs préoccupations
personnelles, consiste à consacrer un budget formation au développement personnel des
salariés et à la cohésion d'équipe. Thierry Jeannet, directeur d'exploitation de
l'hôtel, golf, restaurant le Domaine Belesbat, veut créer et développer chez les
40 employés en CDI du complexe hôtelier de luxe de Boutigny-sur-Essonne (91) un
sentiment d'appartenance à l'entreprise. Pour cela, il table sur un rendez-vous formation
qui, chaque année, réunit tous les salariés de l'entreprise. "Depuis février
2001, pendant la fermeture de l'établissement en basse saison, nous consacrons 5 semaines
à des ateliers formation qui tournent autour de 3 thèmes : la culture générale et
artistique, le golf et l'approfondissement des connaissances techniques". Une
façon de récompenser, d'impliquer les salariés et de susciter chez eux une certaine
envie d'apprendre et de se perfectionner, pour, au final, mieux contenter le client,
améliorer la qualité du service et développer son offre commerciale.
Ses initiatives sont-elles un signe révélateur des
mentalités qui changent, et que la nouvelle génération de professionnels est prête à
investir davantage aujourd'hui dans
'le bien-être' de son personnel ? En tout cas, certains créateurs d'entreprise semblent
avoir flairé le filon, et se sont lancés dans des activités de valorisation du capital
humain en entreprise en ciblant, comme potentiels clients, des entreprises du secteur de
l'hôtellerie-restauration. Ainsi, R et L Partners, une toute jeune entreprise
spécialisée dans l'organisation de séminaires et modules de culture générale sur
mesure (lire R et L Partners, culture générale et cohésion d'équipe
page 25), avoue viser les entreprises des CHR pour développer l'activité de la
société. "Nous ne nous concentrons pas uniquement sur le secteur de
l'hôtellerie-restauration, mais ce secteur fait partie de notre cible parce que nous
avons constaté que les entreprises - sans doute en réaction à leurs difficultés de
recrutement et de fidélisation du personnel - sont de plus en plus nombreuses à vouloir
motiver leur équipe en valorisant le capital humain de leurs salariés clients",
explique Thierry Ragot, associé fondateur de l'entreprise.
Coaching
Dans d'autres cas, ce n'est pas sur
l'équipe que les directions d'établissement misent pour stimuler la performance
individuelle, et indirectement celle de l'entreprise, mais sur une personne occupant un
poste-clé dans l'entreprise. Ainsi, chez Longitudes Hôtels et sa filiale Élysées
Hôtel Consultant, ses dirigeants, Jean-Marc Banquet et Rodolphe Ermel, viennent de
confier à Gérard Cagna (chef du Relais Sainte-Jeanne à Cormeilles-en-Vexin -95 -,
1 étoile au Michelin et prochainement rebaptisé Maison Cagna) la mission de
'coacher' 2 de leurs jeunes chefs : Aurélien Milliard, le tout nouveau chef des cuisines
du Château de Sancy-La Catounière (Sancy-les-Meaux, 77), et Frédéric Pelletier, chef
du Château de Salles (Vezac, 15). "Gérard, qui travaillera pour nous comme
consultant extérieur grâce à son expérience du métier et à l'élan pédagogique qui
l'anime, sera chargé de faire ressortir le meilleur de ce potentiel en lui ouvrant
l'esprit, en l'incitant à réfléchir, en suggérant sans jamais imposer ses idées. Nous
avons bien l'intention de décliner le concept à certains autres établissements du
groupe", souligne Rodolphe Ermel.
Pour Anne Hiéblot, ancienne professionnelle RH de
l'hôtellerie du luxe, reconvertie dans le coaching (lire les encadrés en page 25),
"choisir de coacher l'un de ses collaborateurs est un moyen de faire preuve de
reconnaissance professionnelle autant que personnelle. Cela contribue à créer chez le salarié un sentiment de
satisfaction et le stimulera dans la recherche de performance".
Tous ces exemples montrent que les employeurs de la
profession sont de plus en plus nombreux à se remettre en question et à faire preuve de
considération envers leurs équipes. Pour celles qui n'ont pas encore avancé dans cette
voie, charge à elles de s'interroger sur la manière dont elles peuvent contribuer à
valoriser leur corps de métier avec des moyens adaptés à leur dimension économique.
Parfois, il n'y a pas de mystère, la solution se trouve tout simplement dans la rigueur
et le bon sens
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La formation
interne comme moyen de fidéliser et de repérer les 'hauts potentiels' Sans doute conscients que parfois les salaires proposés peuvent être un frein pour attirer et fidéliser leurs collaborateurs, de plus en plus de groupes de restauration tablent sur la formation interne. C'est le cas déjà de groupes tels que le géant Accor bien sûr, ou des groupes d'origine américaine comme Euro Disney ou McDonal's France, qui ont leur propre centre de formation professionnelle. Mais l'option tend à se développer ailleurs. Ainsi, le Groupe Flo use ouvertement de l'argument de son centre de formation pour se faire connaître comme un employeur offrant des possibilités d'évolution de carrière. De même pour des groupes plus jeunes comme le Groupe Bertrand, ou récemment repris en main, comme Léon de Bruxelles, qui a lancé son école Léon Formation début 2005. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2930 Hebdo 23 juin 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE