du 15 juillet 2005 |
CARRIÈRE |
AVEC DÉTERMINATION
ANTHONY LEDAUPHIN, 26 ANS, À LA BARRE DES FLOTS BLEUS
Gouville-sur-Mer (50) Grâce à un bagage professionnel cohérent par rapport à son projet d'entreprise, il a séduit son banquier et repris un restaurant de bord de mer.
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Avec un père ébéniste, et une mère employée
dans une usine de maroquinerie, rien ne prédestinait Anthony Ledauphin à devenir
restaurateur. Pourtant la gourmandise et la satisfaction de faire plaisir à ses invités
grâce à la cuisine le déterminent très tôt à s'orienter dans cette voie. Malgré les
mises en garde de ses professeurs sur 'la dureté du métier', il choisit dès la fin de
la 5e, de suivre un BEP-CAP de cuisine avec déjà l'idée d'ouvrir un jour son
établissement. Ce projet l'incite par ailleurs à poursuivre par un bac puis un BTS en
alternance. Son but : approcher des matières plus généralistes et tourner à
différents postes. C'est ce qu'il fait à la Mère Poulard, comme apprenti tournant en
cuisine, salle et réception. Puis volontairement, il alterne différentes fonctions dans
plusieurs établissements. Chef de partie en 'semi-gastro' pendant 6 mois en Irlande, chef
de partie pâtisserie à la Mère Poulard, assistant de direction 'très polyvalent' dans
un restaurant de cuisine traditionnelle de Pontaubault (50) ou encore chef de partie dans
une pizzeria à succès de Granville (50). Bref, il n'hésite pas à toucher un peu à
tout pour acquérir une vue globale des fonctions et tâches à gérer dans la vie d'un
restaurant.
À 22 ans, il est embauché comme second de cuisine
à La Poste, un restaurant 'fruits de mer' de Granville. Il est alors déterminé à se
'poser' et à se préparer à la reprise d'une affaire. L'expérience est doublement
bénéfique. Elle lui sert à repérer l'environnement économique et géographique local
nécessairement préalable à toute installation. Elle lui permet aussi de vivre 'de
l'intérieur' la reprise d'un restaurant. "Car le patron de La Poste a changé
pendant que j'étais en place, et c'est un jeune chef, Jean-Robert Truinard, qui a repris
le restaurant. En tant que second, j'ai d'ailleurs eu très peur de ne pas être à la
hauteur, car il s'est tout de suite positionné comme un gastro, ce qui changeait
radicalement du précédent patron,
et de mes autres expériences", confie Anthony. Toujours curieux de découvrir une
autre façon de cuisiner, il reste près d'un an à travailler à ses côtés.
Parallèlement, il mûrît son projet de rachat de restaurant. Il étudie son budget,
visite plusieurs fonds de commerce.
Un
parking, les dunes, Les Flots Bleus
Quand en octobre 2004, une agence
immobilière locale lui présente Les Flots Bleus à Gouville-sur-Mer, il a le coup de
foudre. Pour le jeune-homme, l'emplacement est idéal. Il y voit immédiatement matière
à développer son entreprise. Situé juste derrière les dunes et la plage, sur une vaste
place à usage de parking, l'établissement s'impose à la vue des passants. Il est en
outre l'unique restaurant traditionnel des alentours. "Dès que je suis arrivé
sur cette place, avant même d'entrer dans l'établissement, j'ai tout de suite eu envie
de l'acheter. Évidemment, il était beaucoup plus cher que le budget que je m'étais
fixé. Mais, je me suis souvenu des conseils de mes précédents patrons selon lesquels il
valait mieux accepter de payer plus cher un fonds avec du matériel en bon état,
plutôt que d'accepter un prix plus bas pour une vieille affaire avec le risque que cela
nous coûte beaucoup plus cher ensuite en remplacement de matériels ou en travaux",
explique Anthony Ledauphin.
Complètement séduit, le jeune chef ne
s'emballe pas pour autant. Il n'hésite pas à revenir plusieurs fois seul ou accompagné,
pour visiter les lieux en détail, ni à étudier les bilans des précédents exploitants
avec son comptable et son banquier. Et, après avoir analysé tout le potentiel de
l'affaire (terrasse et étage à exploiter, possibilité de mixer menus ouvriers, salades
printanières, brasserie et plats traditionnels à la carte
), il acquiert la
certitude qu'il parviendra à la développer. Mieux, il parvient à en convaincre son
banquier. Finalement, il achète le fonds 40 % plus cher que le prix maximum qu'il
s'était fixé et obtient un prêt sur 7 ans à 4 %. "Mais j'ai surtout négocié
les frais annexes tels que les frais de dossier, les commissions cartes bleues, et le prix
de la location du terminal de paiement, les frais de tenue de compte et les agios. Ces
frais peuvent peser très lourds dans les comptes de l'entreprise si on ne pense pas à
les intégrer dans le coût de l'emprunt. Sans compter que contrairement au taux du
crédit, ils peuvent être fluctuants donc moins prévisibles. Il me semblait donc plus
important de concentrer mes négociations avec la banque sur ces frais plutôt que sur le
taux du crédit", raconte Anthony. Depuis janvier 2005, il est aux commandes des
Flots Bleus cuisine et entreprise. Il rembourse aujourd'hui 2 200 E par mois auxquels
s'ajoutent le prix du loyer, et les charges liées à l'emploi de personnel. Cette année,
il compte sur une serveuse à temps plein, et une autre à mi-temps pour la salle. Et pour
la saison d'été il a embauché 2 saisonniers. Sans oublier la précieuse aide
quotidienne de sa compagne qui a pris un congé création d'entreprise pour s'embarquer
aux côtés d'Anthony dans cette aventure entrepreneuriale.
Tiphaine Beausseron zzz18p zzz22v
Parcours express
20 ans BTS en alternance au CFA
d'Agneaux
22 ans Chef de partie pâtisserie à la Mère Poulard
23 ans Second de cuisine à La Poste (Granville)
25 ans Chef de cuisine et gérant des Flots Bleus (Gouville-sur-Mer)
2
QUESTIONS À...
Dominique Lelyon, conseiller du CIN
d'Agon-Coutainville
Vous
avez accepté de financer un crédit pour permettre à Anthony de reprendre Les Flots
Bleus. Pourquoi ?
Tout d'abord parce qu'Anthony est un professionnel du
secteur. Son parcours professionnel était cohérent par rapport à son projet. Je pouvais
supposer qu'il avait acquis une vue suffisamment globale du métier de restaurateur.
Ensuite, on sentait qu'il avait pris son temps pour trouver l'affaire qui lui convenait.
Qu'il n'a pas agi sur un simple coup de tête.
La
qualité de professionnel est-il un critère déterminant dans l'étude du dossier d'un
repreneur ?
Oui. Une formation en cuisine ou en salle ainsi que plusieurs années d'expérience dans
le secteur sont pour moi le critère prioritaire. Il passe avant l'apport personnel. Car
dans la reprise d'une affaire, le banquier est plus qu'une source de financement. Il est
un véritable partenaire. Notre but est que l'affaire se pérennise et se développe. On
va donc soutenir ceux dont on pense qu'ils ont toutes les chances d'y parvenir. Pour ma
part, je considère qu'un professionnel avec peu d'apport personnel, mais avec un projet
cohérent, a plus de chances de réussir que quelqu'un dont l'apport est important mais
qui n'a aucune expérience du métier. D'ailleurs, c'est parce qu'il avait déjà un bon
bagage professionnel derrière lui qu'Anthony a su m'expliquer clairement en détail
comment et pourquoi il pensait pouvoir développer Les Flots Bleus.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2933 Hebdo 15 juillet 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE