du 21 juillet 2005 |
HÉBERGEMENT |
CRI D'ALARME DE RÉGIS BULOT, PRÉSIDENT DES RELAIS & CHÂTEAUX
"Les jeunes ne veulent plus travailler en France"
À moins de 4 mois de son départ, Régis Bulot, qui dirige celle que l'on appelle aujourd'hui la 'plus belle chaîne du monde' (président international des Relais & Châteaux), n'a pas encore fait ses cartons. Véritable homme-orchestre, ce quinqua dynamique est en effet sur tous les fronts afin de passer le relais à son successeur dans les meilleures conditions. Pour autant, cela n'empêche pas cet ancien cuisinier de rester à l'écoute de la profession qui se heurte à un problème crucial : le recrutement de jeunes collaborateurs. Raison pour laquelle d'ailleurs, Relais & Châteaux vient de mettre en place un numéro vert (0805 805 000) afin de pourvoir dans les plus brefs délais 300 postes dans ses établissements français. En marge de ces dossiers chauds, les projets personnels de ce fils de poissonniers avancent.
Propos recueillis par Claire Cosson
Régis Bulot : "Aussi incroyable que cela puisse paraître, la France, première destination touristique mondiale, n'a pas la main-d'oeuvre suffisante pour accueillir les clients." |
L'Hôtellerie Restauration :
La saison estivale débute avec des températures caniculaires. Qu'en est-il concernant
les Relais & Châteaux ?
Régis Bulot : Je crois qu'il ne faut pas se voiler la face.
La saison estivale débute en France de manière assez morose, à l'image de l'état
d'esprit qui règne actuellement dans notre pays. Je constate toutefois un point positif
s'agissant des Relais & Châteaux : le retour des Américains. Au cours du premier
semestre 2005, nous avons de fait enregistré une hausse de 30 % du nombre de
réservations en provenance des États-Unis. C'est de bon augure puisque nous ouvrons à
New York, en plein Manhattan, une deuxième Maison des Relais & Châteaux à la
mi-septembre. Et que nous commercialisons des chèques-invitation en dollar. Cette
progression résulte, bien sûr, de la conjugaison de plusieurs facteurs. À commencer par
la remontée du billet vert par rapport à l'euro et le fait que 'l'effet' 11 septembre
ainsi que la guerre en Irak s'estompent. Espérons que les événements de Londres
n'auront pas de répercussions dans les prochaines semaines
Malgré le retour de cette clientèle, la situation
ne nous permet pas de crier victoire. Loin s'en faut. D'autant que nos maisons, notamment
dans l'Hexagone, sont confrontées à un problème majeur : le recrutement de jeunes
collaborateurs.
Le manque de
bras dans la profession ne date pourtant pas d'hier ?
Je vous l'accorde. La désaffection des jeunes à l'égard de nos métiers prend
aujourd'hui cependant une tournure très inquiétante. La preuve. 15 % d'offres d'emploi
dans les Relais & Châteaux restent non satisfaites. Un chiffre qui dépasse la barre
des 20 % pour l'Hexagone. De plus en plus de nos maisons françaises sont effectivement
contraintes de fermer à midi et 2 jours par semaine, faute de personnel. Voilà autant de
revenus en moins pour les caisses de l'État ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, cela signifie en fait que la France,
première destination touristique mondiale, n'a pas la main-d'oeuvre suffisante pour
accueillir les clients.
Dans ce contexte, la chaîne a décidé d'agir. Nous
venons ainsi de mettre en place un numéro vert (0805 805 000) afin de pourvoir 300 postes
au plus vite dans nos établissements hexagonaux. Une démarche inédite qui devra
cependant s'accompagner d'autres mesures. Évidemment, la baisse éventuelle de la TVA
permettrait aux entreprises d'augmenter les salaires. Une grande campagne de
sensibilisation à nos métiers serait également fort appréciable. Mais, la France
devrait aussi autoriser les entreprises à embaucher des collaborateurs au sein des 10
nouveaux pays européens. Partout où je me rends en Europe, je vois des réceptionnistes
tchèques ou bien encore des serveurs slovènes
Pourquoi n'avons-nous pas le droit
en France de les recruter ? Sachant que nous appliquons à leur égard les lois sociales
françaises. Nous avons véritablement besoin de cette main-d'oeuvre. Après tout, le
tourisme n'est pas délocalisable, mais c'est la main-d'oeuvre qui se délocalise et
surtout les jeunes.
Passionné
vous l'êtes, passionné vous allez sans doute le rester dans les années à venir. Et ce
même sans les Relais & Châteaux ?
Bien sûr. Parce que ne plus présider les Relais & Châteaux, ni même avoir une
activité d'hôtelier-restaurateur, ne signifie pas ne plus avoir de vie professionnelle.
Je vais tourner une page, mais je vais aussi en écrire une nouvelle.
Précisément,
où en êtes-vous de vos projets personnels ?
Pour commencer, je vous rappelle que je quitterai mes fonctions à la fin de mon mandat
lors du congrès international 2005 qui se déroulera en Suisse à Genève. D'ici là, je
me consacre à l'ensemble de mes missions au sein des Relais & Châteaux.
C'est-à-dire que je prépare les dossiers à transmettre à mon successeur. Et il y a en
un certain nombre
J'ai en outre
effectué une tournée mondiale auprès de nos 20 délégations (dont 6 en France) - qui
ont chacune élu leurs délégués - afin de présenter les deux candidats actuellement en
lice pour la présidence : Jean-André Charial et Jaume Tapiès. Je dois dire que tout
s'est passé de façon très amicale et démocratique puisque dans plus de 50 % des
délégations, on dénombrait plusieurs candidats. Ces délégués ont maintenant
'vocation' à se présenter au poste d'administrateur lors de l'élection du prochain
conseil, le 14 novembre prochain. 28 administrateurs seront élus à cette occasion. Parmi
eux se trouvera le futur président. Une modification des statuts va toutefois être
proposée aux adhérents afin que ce dernier soit élu au suffrage universel direct.
Autrement dit, par les membres.
Parallèlement, j'ai comme objectif de vendre ma
maison, Le Moulin de Brantôme, car je ne souhaite plus être hôtelier-restaurateur. Des
discussions sont en cours avec de futurs repreneurs. J'aimerai un successeur jeune et
international.
En attendant, j'ai d'ores et déjà franchi une première étape : je finalise en effet la
vente de mes deux bistros (Au fil de l'Eau et Au fil du Temps) avec Valérie Gautherot, l'actuelle directrice. Elle
a 33 ans et dirige les 2 restaurants depuis 7 ans. Je suis heureux de lui donner sa
chance. S'agissant de moi personnellement, je souhaiterais jouer un rôle afin de susciter
des vocations auprès des jeunes.
Et cette
idée de créer la Compagnie des Auberges
est-elle tombée aux oubliettes ?
Vous savez, cette idée remonte à 10 ans. L'eau a
coulé sous les ponts depuis. Il n'en demeure pas moins vrai que fédérer les petites
auberges et les bistros est un projet très excitant. D'autant que ces établissements
sont indispensables à l'image de la France. zzz36v zzz36i
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L'Hôtellerie Restauration n° 2934 Hebdo 21 juillet 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE