du 28 juillet 2005 |
L'ÉVÉNEMENT |
VALORISÉ À 2,10 MILLIARDS D'EUROS
LE FONDS AMÉRICAIN STARWOOD CAPITAL MET LA MAIN SUR LE GROUPE TAITTINGER
La famille Taittinger et les autres principaux actionnaires du groupe français ont été séduits par l'offre de Barry Sternlicht, p.-d.g. de Starwood Capital. Outre une offre financière élevée, le fonds a programmé la cession des champagnes et va mettre les bouchées doubles dans le pôle hôtelier.
Barry Sternlicht, p.-d.g. de Starwood Capital, réfléchit sérieusement à une chaîne de luxe baptisée Crillon. |
L'affaire n'a pas traîné. Loin s'en faut ! Deux
jours après avoir reçu les offres d'achat et une semaine à peine avant la date
initialement fixée, les membres de la famille Taittinger, la Caisse Nationale à
Portefeuille (Groupe Albert Frère) et la Société Foncière, Financière et de
Participations, ont annoncé avoir scellé un accord de cession de la totalité de leurs
participations (plus de 65 % au total) dans Groupe Taittinger au fonds d'investissement
américain Starwood Capital. L'opération, qui reste soumise à l'approbation des
autorités de la concurrence, et qui devrait être bouclée pour la fin du 3e
trimestre 2005, valorise l'entreprise familiale - présente dans l'hôtellerie (via sa
filiale Société du Louvre), le luxe (Parfums Annick Goutal et Baccarat), le champagne et
les vins - à 2,10 milliards d'euros (2,86 milliards d'euros, dette incluse).
Un prix défiant tous les concurrents. En
déboursant une somme aussi importante, le dynamique p.-d.g. et créateur de Starwood
Capital, Barry Sternlicht, a en effet mis au tapis l'ensemble des candidats à la reprise.
À commencer par Eurazéo (allié à Colizéo) qui a récemment finalisé l'acquisition
auprès de Duke Street Capital et les autres actionnaires de Financière Galaxie SAS, la
chaîne économique B&B. 'Out' également Wendel-Carlyle et enfin PAI-Blackstone.
Rappelons bien sûr que Claude Taittinger, président du conseil de surveillance du Groupe
Taittinger, avait préalablement déclaré à la presse : "Nous ne sortirons pas
à n'importe quel prix." De là à penser que Starwood Capital a emporté la
partie uniquement parce que son offre était la mieux disante
il n'y a qu'un pas.
Certains observateurs le franchissent volontiers, arguments à l'appui. Selon ces
derniers, la compagnie basée à Greenwich et fondée en 1991, qui gère un portefeuille
immobilier (constitué de bureaux, de maisons de retraite, de golfs, d'hôtels
)
évalué à quelque 7 milliards de dollars, a de fait bâti jusqu'à présent l'essentiel
de sa renommée sur le haut de gamme hôtelier réalisant notamment la recapitalisation et
la réorganisation de Starwood Hotels & Resorts Worldwide Inc, l'un des grands noms de
l'hôtellerie internationale comprenant 750 unités (sous les enseignes Sheraton, W,
Westin ou bien encore St Régis) dans 80 pays environ. Ajoutons à cela le rachat en cours
de la chaîne Le Méridien via une entité commune constituée avec la Banque Lehman
Brothers.
Véritable
'vision' pour la branche hôtelière
En clair, et bien que les deux
sociétés Starwood Capital et Starwood Hotels & Resorts soient aujourd'hui
entièrement indépendantes, le fonds d'investissement américain semblait pour plusieurs
experts trop concentré sur l'hôtellerie de luxe pour s'intéresser véritablement à
l'empire Taittinger. À tort. En mettant la main sur celui-ci, Barry Sternlicht va certes
conforter ses positions sur son marché de prédilection. Mais, cet homme de 43 ans, dont
Wall Street ne cesse de vanter les mérites, entre également en force sur le marché de
l'hôtellerie dite économique.
Propriétaire de Baccarat, des Parfums Annick
Goutal, de la célèbre maison de champagne Taittinger, le groupe éponyme détient
effectivement en propre 10 établissements haut de gamme dont les plus prestigieux sont Le
Martinez à Cannes, le Crillon et Le Lutetia à Paris. Reste qu'il est aussi à la tête
d'un parc de 809 hôtels économiques (215 en pleine propriété) et leader sur le segment
du 2 étoiles en France avec Campanile et Kyriad. Sans oublier 208 Première Classe.
À l'évidence donc, Barry
Sternlicht est parvenu à séduire les Taittinger parce qu'il avait une 'vision'
concernant l'avenir de la firme, en particulier s'agissant de la branche hôtelière. Si
Starwood Capital ne souhaite pas conserver le 6e producteur mondial de
champagne et s'est d'ailleurs engagé à "s'entourer des conseils" de la
famille "afin de s'assurer que la fameuse maison de champagne trouve son point
d'ancrage le plus approprié", il a en effet bel et bien l'intention de mettre
les bouchées doubles côté hôtelier.
Développer
le pôle économique et investir 100 ME dans le luxe
Comme le confie Jean-Christophe
Lépine - bien connu du milieu hôtelier et ancien associé d'Européquipement -, qui a
conseillé le fonds américain dans cette opération et mis en contact les principaux
décideurs des deux parties, "Starwood Capital a le projet de développer
fortement l'hôtellerie économique à travers les trois principales marques : Campanile,
Kyriad et Première Classe. Le tout en pleine propriété en France et dans les pays
émergents tels l'Europe de l'Est". Preuve de cet engagement : Barry Sternlicht
avait préalablement regardé le dossier B&B proposant 350 ME. Avec 380 ME, l'offre
d'Eurazéo a finalement été retenue par les vendeurs. Pour ce qui concerne les
établissements de luxe, il apparaît évident que la compagnie va procéder à des
arbitrages et investir massivement dans quelques-uns des joyaux de la couronne (un montant
de 100 ME est prévu à cet effet). Certains hôtels devraient ainsi rejoindre les
enseignes Sheraton ou W, d'autres pourront être cédés. "Cependant, rien ne
s'effectuera dans la panique", explique Jean-Christophe Lépine. Et de poursuivre
: "D'autant que Barry Sternlicht réfléchit sérieusement à l'idée de créer
une chaîne baptisée Crillon." Si certains éléments de la stratégie de Barry
Sterlincht sont encore à peaufiner, il saute aux yeux que l'homme d'affaires américain
sait déjà où il veut aller. Son arrivée dans l'Hexagone va d'ores et déjà changer le
paysage hôtelier français. Affaire à suivre.
Claire Cosson zzz36v
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n° 2935 Hebdo 28 juillet 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE