C'EST LA PÉRIODE DES
VENDANGES !
ÉLABORATION DU VIN NE SIGNIFIE PAS
DICTATURE DU MARKETING
La fin de
l'été annonce le début des vendanges. L'arrivée d'un nouveau millésime est toujours
un moment très important. C'est un moment essentiel pour le vigneron, pour le
vinificateur, pour l'oenophile, pour le simple amateur de bons vins, mais aussi pour les
restaurateurs. Surtout pour ceux - et ils sont nombreux - dont l'établissement est situé
dans une région vinicole.
Par Paul Brunet, Meilleur sommelier de
France, auteur du sujet interactif Le vin
et les vins au restaurant sur www.lhotellerie.fr
Avec le développement de l'oenotourisme, cette
période de vendanges est un moment privilégié pour faire découvrir aux clients les
ressources vitivinicoles des différentes régions. En effet, en France, les vendanges ont
conservé leur aspect festif, malgré l'utilisation de la machine à vendanger. Cette
dernière, de plus en plus présente, est l'une des nombreuses évolutions qu'a connues le
monde du vin depuis quelques décennies. Mais ce n'est pas la seule. Les vinifications, la
présentation et la conservation des vins, le goût des consommateurs, la
législation
ont évolué, continuent et continueront d'évoluer. Espérons que ce
sera avec le souci constant de concilier évolution et tradition.
Évolution
des vignobles
Que de chemin parcouru depuis
l'implantation de la vigne en Gaule au VI siècle avant J.-C.
Parmi les événements
qui ont le plus contribué à l'évolution du vignoble français, citons : au Moyen Âge,
le développement des vignobles et l'amélioration des vinifications essentiellement sous
l'influence des gens d'église, puis l'invasion du phylloxéra vers 1864, l'apparition et
le développement du chemin de fer, la création des AOC en 1935.
De nos jours, la structure du vignoble
français continue à se modifier pour lutter, entre autres, contre la surproduction et
pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs qui recherchent de plus en plus
des vins de qualité, pas trop riches en alcool et à des prix abordables.
Progressivement, en dehors des établissements haut de gamme, la clientèle est passée
des crus classés aux crus bourgeois, des grands crus ou premiers crus aux AOC communales,
puis aux AOC régionales. Malheureusement, si sous la plupart de ces dernières il existe
beaucoup de vins de qualité, on y rencontre aussi des vins qui ne font pas toujours
honneur à leur appellation. Trop de vins de qualité médiocre doivent encore être
transformés en alcool, aux frais du contribuable. D'ailleurs, plusieurs régions parmi
les plus renommées sont en train de revoir les conditions d'agrément. Actuellement, vins
de pays et vins de marque sont de plus en plus présents dans nos établissements. Pour
les vins de marque, d'aucuns n'hésitent à parler de phénomène de mode. Ce n'est pas si
sûr. Il suffit de méditer sur la réussite du Mouton-Cadet qui existe depuis 1935.
Évolution des vinifications
Un pas de géant a été accompli à
la fin du XIXe siècle avec les travaux de Pasteur sur la fermentation
alcoolique. Mais depuis, très souvent sous la houlette d'organismes tels que l'Inra
(Institut national de la recherche agronomique), l'Anivit, l'ITV
, des progrès
considérables ont été réalisés, parmi lesquels peuvent être cités l'utilisation des
cuves en
inox puis des cuves autorégulées, des pressoirs pneumatiques, des levures
sélectionnées, ainsi qu'une meilleure maîtrise de la fermentation malolactique, etc.
Parfois, sous la pression de certains 'gourous' et
de la concurrence étrangère, on est allé un peu loin dans l'utilisation du bois neuf et
dans la concentration des vins. Mais les vignerons et les vinificateurs réagissent ; on
assiste au retour de vins moins marqués par le bois et mieux équilibrés, aux
fermentations en fûts pour certains vins blancs, au développement des vignobles en
cultures biodynamique et biologique. À signaler également la mise sur le marché de
nouvelles gammes de vins, voire de 'produits nouveaux'.
'Produits nouveaux' et nouvelles présentations
'Produits nouveaux' est souvent
utilisé en parlant du vin. Je suis contre l'emploi du mot 'produit' lorsque l'on parle de
vin. Je suis également contre l'utilisation du verbe 'faire' comme c'est souvent le cas
dans les médias où il n'est pas rare de lire ou d'entendre "ce produit est fait
à partir des cépages
". Le verbe 'élaborer' me semble plus approprié.
Vos clients préféreront certainement entendre "ce vin - ou cette boisson - est
élaboré à partir des cépages
".
Qui dit 'produits nouveaux' dit souvent
marketing et nouvelles présentations ; le monde du vin n'y échappe pas. Lors du dernier
salon Vinexpo, il y avait pléthore de nouveaux concepts, de nouvelles formes de
bouteilles, généralisation des 50 cl, capsules à vis, BIB (bag in box), recherche
esthétique pour les étiquettes (certaines en avaient bien besoin), mise en avant des
vins de marque, de cépage, etc.
Cependant, là aussi, il ne faut pas aller
trop loin. Il n'est peut-être pas souhaitable qu'une bouteille de VDN ressemble plus à
une bouteille d'eau de Cologne qu'à une bouteille de vin.
Parmi les nouveautés, il faut citer la lirisation (lire encadré
) qui répond
peut-être, partiellement, aux attentes de certains restaurateurs si je me réfère aux
questions que l'on me pose sur le Forum de L'Hôtellerie
Restauration.
Évolution
de la consommation
Comme chacun sait, la baisse de la
consommation du vin en France continue. Elle était de plus de 130 litres par an et par
habitant à la fin des années 1950 ; de nos jours, elle est de l'ordre de 55 litres. Les
Français boivent beaucoup moins, mais ils boivent mieux. Nous ne pouvons que nous en
réjouir.
Heureusement pour nos vignerons, si la consommation
baisse dans les pays traditionnels (France, Espagne, Italie
), elle augmente dans les
pays dits du nouveau monde et en Asie. À très court terme, les États-Unis vont devenir
le premier pays consommateur de vin au monde.
En France, dès que la baisse de la consommation de vin est évoquée, la loi Evin est
mise en cause. Soit. Mais il y a d'autres raisons parmi lesquelles il faut citer la
difficulté pour trouver des vins de moins de 12 ° d'alcool, si l'on excepte le Bugey
Cerdon, la clairette de die
Pourtant, un rapport du Sénat précise : "Il
existe au moins un segment du marché pour lequel la demande n'est actuellement pas
satisfaite par l'offre française : celui des vins de faible degré alcoolique. Cette part
de marché est captée par des vins importés d'Espagne et d'Italie
" Mais
il ne faut pas désespérer : lors du dernier Vinexpo, Listel a présenté sa Cuvée Pink,
un rosé à teneur réduite en alcool (9 °). D'autre part, quelle sera la réaction des
consommateurs au nouveau concept 'LIR' ? L'avenir nous l'apprendra. Bientôt, nos clients
commanderont peut-être ce produit nouveau au lieu de demander une carafe d'eau, sous
prétexte qu'ils doivent reprendre la route
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LA LIRISATION
Après plusieurs années de recherche, un
produit nouveau vient d'apparaître sur le marché des boissons faiblement alcoolisées,
le LIR. Il s'agit d'une boisson moins alcoolisée (6 °) et moins calorique que le vin.
La lirisation est le nom donné à l'ensemble des
procédés qui permettent de produire le LIR. On l'élabore comme un vin, puis son taux
d'alcool est réduit par un procédé physique dont une étape consiste à extraire une
partie de l'alcool par tri moléculaire, ce qui permet de conserver une partie des
caractères du vin.
Plusieurs producteurs de vins, dont certains très connus, commercialisent déjà le LIR :
la famille Bunan, producteur de Bandol, la cave de Pinet, le Château Ségonzac dans le
Bordelais, etc. Bien évidemment, la mention 'vin' ne peut pas être utilisée pour
désigner ce produit (en effet, un vin doit titrer 9 ° minimum). Il est présenté comme
'boisson fermentée à base de raisins'.
Une boisson intéressante, qui a certainement sa place en restauration.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2942 Hebdo 15 septembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION
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