du 15 septembre 2005 |
ÉDITO |
La veuve de Beverly Hills
Il faut s'y faire, nos entreprises les plus prestigieuses et les plus performantes de l'hôtellerie française passent toutes un jour ou l'autre sous le contrôle de groupes bancaires, fonds d'investissements et autres sociétés de capital-risque, l'imagination linguistique des financiers étant inépuisable. Bien sûr, la nouvelle n'est pas vraiment une nouvelle : Méridien est depuis belle lurette ballotté entre banques américaines, investisseurs japonais et groupes britanniques pour qu'on se souvienne que ce fut, il y a si longtemps, une filiale d'Air France D'autres n'ont pas résisté aux impératifs de croissance, aux difficultés de conjoncture, aux transmissions familiales difficiles : Flo, contrôlé dorénavant par le Français Butler, malgré les apparences, Buffalo Grill, vendu au printemps à l'Américain Colony Capital, lequel détient également une participation importante dans Lucien Barrière et dispose désormais de 15 % du groupe Accor dont on connaît les actuelles difficultés à trouver un successeur à Jean-Marc Espalioux.
Au début de l'été, ce fut la vente du groupe Taittinger à Starwoods, patronyme à la fois d'un fonds spécialisé dans l'immobilier et d'une société de gestion hôtelière dont les marques les plus emblématiques ont pour nom Westin, Raffles ou Sheraton. Vous l'avez compris, l'observateur averti de l'évolution de la profession ne peut aujourd'hui se contenter de consulter le guide Michelin ou l'annuaire des Maîtres cuisiniers. À l'heure d'une mondialisation accélérée dont l'avenir saura dégager les aspects positifs d'un océan trop facile de critiques non démontrées, l'évolution économique et financière de la planète n'épargne aucun secteur. Il serait naïf, et donc dangereux, de considérer que nos métiers sont à l'abri du mouvement. Les pessimistes se lamenteront inutilement, par exemple en constatant qu'il ne reste aucun palace battant pavillon français à Paris, mais il y a longtemps que les plus prestigieux de nos établissements sont sous contrôle de capitaux moyen ou extrême-orientaux, nord- américains ou tout simplement européens.
À l'autre
bout du spectre, McDonald's a balisé depuis plusieurs décennies l'Hexagone avec ses 'M'
devenus incontournables, Starbucks est devenu familier au piéton de Paris comme
Holiday Inn, Choice, Clarion - on en oublie forcément - rivalisent pour attirer
l'attention de l'automobiliste habitué de Novotel ou de Campanile. Faut-il en déduire que nous sommes voués à contribuer à la prospérité de
ces fonds de retraite américains, dont les gestionnaires impitoyables aux moeurs
spartiates terrorisent nos petits tycoons (lire le livre de J.-M. Messier sur la question)
? Peut-être pas encore, mais une réflexion s'impose si nous voulons éviter, un jour, de
travailler exclusivement pour les veuves de Beverly Hills.
L. H. zzz82
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L'Hôtellerie Restauration n° 2942 Hebdo 15 septembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE