du 22 septembre 2005 |
HÉBERGEMENT |
Par une communication au service du produit
LES NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE MARKETING D'UN PALACE
Patrick Laborieux Delorme, qui dirige le cabinet ITC Development, spécialisé en recrutement et droit social appliqué à l'hôtellerie-restauration, répond à nos questions. Vous pouvez le contacter sur le sujet interactif Droit du travail et gestion du personnel en CHR sur www.lhotellerie.fr
Patrick Laborieux Delorme |
L'Hôtellerie Restauration Qu'entendez-vous par politique marketing ?
Patrick Laborieux Delorme Pour
vendre et développer un établissement de luxe, il convient d'intégrer des fondamentaux
:
1. Le développement des
établissements de luxe est fondé sur l'existence d'une rente de représentation ou
d'image correspondant au consentement du consommateur à payer le produit (représenté
par une marque, un nom prestigieux) au-delà de son coût complet. Or, peu de véritables
professionnels de l'image, de la communication sont présents dans nos établissements.
2. Pour que la rente de
représentation soit perçue, il faut valoriser le consentement du consommateur à payer
cher le produit. La distribution non exclusive et, a fortiori, non sélective, détourne
le consentement à payer du consommateur vers d'autres produits. Il ne peut exister de
rente de luxe durable sans maîtrise de distribution.
3. Le consentement du
consommateur à payer pour la marque est plus fort sur les produits haut de gamme.
L'industrie hôtelière de luxe doit donc élaborer des produits de qualité. La baisse de
la qualité, absolue et relative, réduit à terme le consentement du consommateur à
payer le prix fort pour une chambre.
4. L'industrie du luxe doit donc
pouvoir s'appuyer sur des réseaux productifs dynamiques et concurrentiels. L'intégration
permet le contrôle exclusif de la rente mais peut s'avérer coûteuse en cas de
retournement du marché (11 Septembre
). Les partenariats avec différentes enseignes
de commercialisation ou sous-traitants développés par la plupart des établissements
offrent davantage de souplesse financière, mais requièrent de la part de celles-ci un
partage des rôles clair et un contrôle qualité intense. Or, peu d'établissements
intègrent en leur sein un responsable qualité chargé de veiller au respect des normes
par les partenaires.
5. Le consentement à payer pour
une marque, un hôtel de prestige est toujours précaire. Pour l'entretenir et
l'internationaliser, les établissements de luxe doivent investir dans la création de
représentations et dans l'extension de leur notoriété. Ce processus est à la fois
capital-intensif et risqué. La dynamique industrielle des palaces est donc soumise à de
fortes contraintes financières. Néanmoins, les stratégies centrées exclusivement sur
l'exploitation financière des représentations, c'est-à-dire sur la simple apposition du
nom aux frontons des hôtels, sans maîtrise totale de la prestation ni de la vente,
liquident à terme le capital de la marque. Aujourd'hui, de nouvelles enseignes de luxe se
créent par la conjugaison de talents créatifs, de savoir-faire industriels et d'aptitude
commerciale.
Mais les établissements s'appuient déjà sur ces
fondamentaux
Les politiques marketing dans les palaces accordent beaucoup trop d'importance à la
fidélisation de leurs clients. En effet, le luxe est de plus en plus lié à des
situations particulières d'achat et de consommation. Autrefois alimenté par la
consommation ordinaire de gens exceptionnels, le luxe se nourrit aujourd'hui de la
consommation exceptionnelle de gens ordinaires. Beaucoup de personnes ont probablement
rêvé de passer une nuit dans un palace. Mais ce n'est pas parce qu'elles réalisent un
jour leur rêve qu'elles auront, même très satisfaites, nécessairement envie de
recommencer. La satisfaction n'engendre donc pas forcément la fidélité. L'accroissement
de la demande est davantage lié à un bouche à oreille favorable qu'à un courant
continu d'achat.
Vous semblez remettre en cause les politiques
marketing de certains hôteliers
Absolument pas. Cependant, force est de constater que dans certains établissements, les
responsables marketing affichent, à travers leurs plans d'action, une méconnaissance
culturelle de certains marchés.
C'est-à-dire ?
Il convient d'adapter sa politique commerciale à chaque marché. Malgré la dimension
internationale que prennent les marques de luxe, les comportements d'achat restent
différents selon les différentes cultures. La nouvelle cible à capter devient 'l'élite
nombreuse'. Certains (professionnels et clients) perçoivent cette approche comme une
offense, voulant conserver l'unicité et la rareté du produit de luxe. En outre, au-delà
de la diffusion, si l'on regarde plus profondément les attentes des différents
consommateurs, on peut prendre conscience de la diversité des attentes. La France mais
également les pays d'Europe centrale (Hongrie et Pologne) se distinguent par une tendance
à un luxe sélectif, tandis que les Démocrates se trouvent en priorité en Europe du
Nord (Danemark, Norvège et Pays-Bas). C'est en Espagne, mais aussi en Belgique, que le
sentiment de distance est le plus sensible. Enfin, aux états-Unis, en Allemagne et en
Autriche, les trois mentalités occupent chacune un tiers du terrain.
Si l'on se réfère à la culture occidentale, il apparaît ainsi que l'échelle des besoins de Maslow correspond à
l'ordre de priorité des occidentaux qui placent le besoin d'affirmation de soi au sommet
de l'échelle. Les États-Unis privilégient le rapport qualité/prix et la création.
Pour le consommateur asiatique, la priorité est accordée
au besoin d'appartenance. Ainsi, ce besoin de reconnaissance sociale serait réparti en
trois niveaux : intégration (c'est-à-dire l'acceptation d'un individu dans un groupe),
admiration (gagnée par des actes suscitant le respect d'autrui) et statut qui se
manifeste par une consommation ostentatoire. Il recherche des signes de différenciation
sociale.
En ce qui concerne le client japonais, il apprécie le savoir-faire artisanal et est très
regardant vis-à-vis de la perfection d'un objet. Ainsi, le véritable défi consiste à
passer d'un marketing classique à un marketing de proposition.
Qu'entendez-vous par marketing de proposition ?
Dans le marketing classique, le plus souvent appliqué dans notre secteur, on étudie les
besoins de la clientèle et on élabore le produit correspondant. Et pourtant, le client
palace, quant à lui, cherche à être séduit et ébloui. Le marketing de luxe doit être
un marketing de proposition où l'initiative est toujours dans le camp du créateur, de
l'hôtelier. Contrairement aux produits banalisés, les produits de luxe intègrent une
notion de valeur imaginaire attachée aux produits et à la marque en plus des coûts.
Cette valeur imaginaire fait le lien entre le coût des matières premières et le prix de
vente final. Quant à la concurrence, son rôle semble également moins déterminant que
dans les secteurs classiques.
En effet, les palaces ne doivent pas être obsédés par la recherche d'un avantage
concurrentiel. On peut même aller jusqu'à dire qu'un produit de luxe n'a pas de
véritables concurrents ; l'action d'un palace doit être guidée par la recherche
permanente de l'innovation et, par extension, par un marketing de proposition continu.
Pour illustrer mon propos, je conseille aux dirigeants de lire l'excellent ouvrage de
Louis Bergeron (Les industries du luxe en France). Pour résumer, nous pouvons dire
que 2 stratégies peuvent s'appliquer à un palace : une stratégie de rupture ou
d'innovation totale. Ou bien encore une stratégie du 'plus' : on prend l'existant et on y
ajoute des strates de service au risque de ne plus maîtriser ses fondamentaux. Cette
dernière décennie, nous pouvons dire sans risque que cette dernière option a prévalu
dans bon nombre d'hôtels. On a ajouté des couches de procédures et de services censées
améliorer l'accueil avec, comme résultat :
- une complexité croissante des prestations,
- une offre de services foisonnante et parfois incohérente,
- des procédures internes difficiles à intégrer par le personnel, le tout entraînant
la perte des repères, des fondamentaux de l'entreprise.
Que pensez-vous des nouveaux canaux de distribution
pour vendre les établissements ?
Je ne peux me prononcer sur cela. Ce qu'il convient de préciser est que dans le monde de
l'hôtellerie économique, la force d'un réseau de distribution s'apprécie à travers sa
capillarité, c'est-à-dire le nombre et le poids de ses différents points de vente. Par
contre, dans le domaine du luxe, une trop grande diffusion nuit à l'image du produit ou
du service car il n'est plus rare. Il est essentiel que la communication se mette au
service du produit et de la marque et non l'inverse. zzz36v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2943 Hebdo 22 septembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE