du 13 octobre 2005 |
RESTAURATION |
AUX ARMES DE FRANCE
Philippe Gaertner renonce à son étoile
Début avril, Philippe Gaertner rendait son étoile au guide Michelin. Une décision mûrement réfléchie sur laquelle le chef des Armes de France s’explique aujourd’hui.
Propos recueillis par Jérôme Bergerot
L’Hôtellerie Restauration : Comment a germé cette
décision ?
Philippe Gaertner : À l’été 2003, nous
avons monté une terrasse d’été à côté de l’établissement. La carte était
différente du restaurant gastronomique, avec des plats simples, plus en adéquation avec
la saison estivale, et cela a tout de suite fonctionné. Pendant ce temps-là, la
fréquentation du restaurant gastronomique enregistrait une tendance à la baisse. Il
était difficile de continuer ainsi sans se remettre en question : c’est donc ce
que j’ai fini par faire en renonçant à l’étoile du Michelin, après
avoir pris soin de consulter tous les membres de ma famille.
L’étoile
n’est-elle pas pourtant une distinction très recherchée par la clientèle ?
L’auréole du guide reste intacte, et ma décision n’est pas une fronde menée
contre le Michelin. Je le respecte et je respecte mes collègues cuisiniers qui
nourrissent tant d’espoir dans l’obtention ou la conservation d’une
étoile. Cependant, pour une large partie de la clientèle, la gastronomie étoilée est
souvent synonyme de cuisine inaccessible. En Alsace, nous concentrons le plus grand nombre
d’établissements distingués ; or, depuis 3 ans, la fréquentation est en
baisse. Maintenir le niveau de qualité exigé par le guide, subir l’augmentation des
charges sans avoir la fréquentation suffisante, c’était devenu impossible pour les
Armes de France.
Allez-vous
baisser en qualité ?
Pas du tout ! Mes maîtres m’ont enseigné la rigueur et ce n’est pas
aujourd’hui que je vais les trahir. Si c’est pour faire de la tambouille, cela
ne m’intéresse pas. Nous avons simplement simplifié la carte, élaborée à partir
de produits du terroir dans un esprit de cuisine régionale, au rythme des saisons. Les
plats qui ont fait la renommée de l’établissement sont conservés, c’est la
moindre des choses par respect pour le travail accompli par mon grand-père et mon père.
Désormais, le prix moyen par couvert se situe autour de 50 E, contre 100 E
précédemment.
Cette annonce
n’est-elle pas un coup de pub déguisé ?
Certainement pas. Si j’ai mis du temps avant de l’annoncer officiellement,
c’est que je voulais maîtriser l’ensemble des paramètres, avec mon expert
comptable notamment. Je ne m’attendais pas à un tel retentissement.
Comment vous
sentez-vous aujourd’hui ?
Je suis soulagé d’avoir pris cette décision. Ce n’était pas facile car
l’établissement est étoilé depuis 1938, ce qui fait un bail de
67 ans ! Il a même obtenu un 2e macaron entre 1953 et 1989.
Aujourd’hui, les clients nous soutiennent et apprécient toujours notre cuisine. Je
sais très bien que le pari n’est pas gagné d’avance, mais il n’y avait
pas d’autre solution.
Et si le guide
décide de maintenir sa distinction ?
Le directeur du Michelin a clairement dit qu’il était le seul juge pour
accorder ou non une étoile, et qu’il ne nous appartenait pas d’en disposer. Si
le nouvel esprit des Armes de France lui convient et qu’il est récompensé,
j’en serai très heureux. zzz22v 946y5
Aux Armes de
France
1 Grand’Rue
68770 Ammerschwihr
Tél. : 03 89 47 10 12
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L'Hôtellerie Restauration n° 2946 Hebdo 13 octobre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE