du 1er décembre 2005 |
L'ÉVÉNEMENT |
TVA : LA PROVINCE MOBILISÉE DANS LES RUES DE LA CAPITALE
DES MILLIERS DE PROFESSIONNELS ONT RAPPELÉ À JACQUES CHIRAC SES ENGAGEMENTS
Paris Opération escargot réussie : 3 000 véhicules ont traversé la capitale reliant la Nation à l'Étoile en 5 heures, lundi 28 novembre, à l'appel de l'Umih et de la CPIH. Objectif : la baisse de la TVA à 5,5 % le 1er janvier prochain.
Par Lydie Anastassion, Pascale Carbillet et Sylvie Soubes
Photos : Thierry Samuel
L'opération escargot a relié la place de la Nation à celle de l'Étoile. |
Plusieurs milliers de restaurateurs, et quelque 3 000 véhicules, d'après les estimations de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), ont participé, lundi 28 novembre, au convoi escargot dans les rues de la capitale. Un succès pour le président de la Fédération nationale de la restauration française, Philippe Villalon, qui appelait à un mouvement d'envergure à 10 jours du dernier Ecofin - sans doute de l'année - et à 1 mois et 3 jours de l'échéance fatidique du 1er janvier 2006. L'itinéraire qui reliait la place de la Nation à celle de l'Étoile a quasiment coupé Paris d'est en ouest entre 11 heures et 16 heures. Sur les pare-brise, les pare-chocs, les portières, le même message : "Moins de TVA = plus d'emplois." Le mouvement initié par la rue d'Anjou a été rejoint par la Confédération des professionnels indépendants de l'hôtellerie (CPIH) et par des restaurateurs non syndiqués, "preuve que notre profession sait aussi être solidaire Quoique", raille l'un d'eux devant le manque de motivation des Parisiens. Seul Philippe Faure-Brac, Meilleur sommelier du monde 1992, est sorti de son établissement au passage du cortège pour exprimer son soutien. "Sur 6 km de trajet, on aurait pu espérer mieux", sourit un Niçois qui venait de faire 1 000 kilomètres de nuit pour participer. À 9 heures, les Bretons ont pris la tête du cortège. Hubert Jan, président du Finistère, a revêtu sa veste de cuisinier. Sur sa camionnette, en lettres rouges "TVA à 5,5". Il en est à sa 3e manifestation pour la même cause. Et une chose est sûre : "Tant que nous ne l'aurons pas, nous resterons mobilisés." Pour Xavier Dano, restaurateur à Quimper, et Hervé Becam, installé à Plouider, tout près de Brest, la réduction de la TVA de 19,6 à 5,5 "va permettre d'améliorer l'outil de travail".
Pour
les jeunes aussi
C'est-à-dire "embaucher,
former le personnel et pour ceux qui joueront le jeu à fond de baisser les prix des
cartes et menus". Luc Clabon, du Restau à Quimper, dont la voiture est juste
derrière, ne mâche pas ses mots : "J'ai augmenté le salaire de mes employés
récemment, car je considère que le travail n'est pas assez payé, compte tenu de la
pénibilité du secteur. Si l'on veut que les jeunes aient envie de reprendre nos
affaires, il faut qu'ils puissent gagner leur vie." Lui, c'est sa première manif
et il reste un peu sceptique : "Je pense que ça aurait plus d'impact si on avait
fait des actions simultanément dans chaque région." Pour Théo Mansi, patron de
L'Auberge de Théo, qui vient des Alpes-Maritimes, l'affaire est déjà vue : "Je
vais en organiser dans mon département." Lui, il bataille pour les
futures générations, "Vous savez, les conditions actuelles font reculer les
jeunes, qui hésitent à prendre des crédits, à investir, à s'engager. Il faut que
le gouvernement agisse sinon, demain, il n'y aura plus en France que de la cuisine
industrielle." En fin de matinée, le convoi s'ébranle. Sur son passage, assise sous
un abribus, une dame âgée dit fièrement "moi, j'ai mes trois enfants qui
participent". Quant à un conducteur de taxi, pourtant bloqué par
l'embouteillage, il applaudit : "Vous avez raison de vous battre. Et je sais de
quoi je parle, car dans mon métier, on a la TVA à 5,5 !" Le directeur du groupe
Louvre Hotels (Campanile, Grand Vefour
), Alain Bouchart, a choisi de suivre la
caravane à pied. "Nous servons 12 millions de repas. Le ticket moyen est à la
baisse alors que l'ensemble des paramètres qui composent les prix de revient est en
augmentation. Si l'on veut relancer la restauration hors domicile, cette baisse de TVA est
impérative", lâche-t-il à un micro qui se tend. Malgré les klaxons et les
sifflets, l'esprit de l'opération se veut bon enfant. "Positive",
préfère le président national de la CPIH, Jean-François Girault, qui ajoute :
"Je pense que c'est une bonne chose, que ça va donner du poids au gouvernement à
Bruxelles. Nous n'avons pas souvent d'opérations de taille et celle-ci est exemplaire.
Cette démonstration est la preuve que la France peut et doit se remuer."
Malgré l'enneigement des Vosges, Gérard Claudel et
une partie de son groupement syndical, sont au rendez-vous. Le Vaucluse aussi, avec en
tête de délégation Franck Gomez. Christian et Chantal Zinck et Raphaël et Manuela Schuler ont fermé leur restaurant de Gambsheim,
dans le Bas-Rhim à minuit. À 3 heures, ils prenaient la route, direction le cours de
Vincennes. "On veut investir et embaucher une personne supplémentaire. Les
projets sont là mais sans la baisse de la TVA, rien n'est possible",
martèlent-ils. Roland Héguy, président des Pyrénées-Atlantiques et président de
l'hôtellerie familiale au sein de l'Umih, accompagné de 25 voitures, a lui aussi bravé
les intempéries. Sur l'aire de péage, il a rencontré un jeune couple de Landais dont
l'établissement accueille au déjeuner une population ouvrière. "Ils font le
repas à 10 E. Ils sont toujours sur le fil. La baisse de la TVA serait pour eux
une vraie bouffée d'oxygène, en termes de marge comme d'investissement",
raconte-t-il. Un peu plus loin, Gérard Guy, président de la Haute-Marne, est monté avec
un de ses salariés qui a pris sur son jour de repos. "Il faut arrêter de dire
tout et n'importe quoi. Quand on a du bon personnel, on tient à le garder. C'est aussi
pour lui que je suis là", affirme-t-il. "Dans notre département, la
profession ne croit plus dans le gouvernement ni dans notre métier. Heureusement, quand
je vois l'engouement que cette manifestation a suscité chez les professionnels, ça
redonne du coeur à l'ouvrage", se réjouit, à deux pas de là, Robert Touchet
du Maine-et-Loire.
La camionnette de L'Hôtellerie Restauration a suivi la manifestation (à gauche). Il est 11 heures. Les premières voitures viennent de contourner la place de la Nation en direction de République via le boulevard Voltaire. |
Une
revendication qui dure depuis 10 ans
À midi, place de la République, le
président national de l'Umih, André Daguin, est devant les caméras. "Nous
voulons que ce soit un soutien pour que le gouvernement obtienne l'unanimité des
ministres européens. Si la baisse n'arrive pas dans les délais, nous allons droit à la
cessation de paiement", résume-t-il. Le flot de voitures qui enfilent les Grands
Boulevard, Saint-Augustin, Haussmann, est impressionnant. Philippe Villalon, en scooter
rouge, slalome, se faufile de part et d'autre de la caravane. Il veille au maintien des
consignes. Jean Terlon, de l'Essonne, a enfourché une moto. Il est en contact permanent
avec Villalon. Dany Deleval, la présidente des restaurateurs à l'échelon national, fait
également partie de la sécurité.
Jacques-Guy Belfortain est retraité depuis 1 an. Il
est pourtant de la partie. "Par solidarité pour mes confrères et ma famille.
Pour soutenir une revendication qui dure depuis 10 ans." Avec lui, Sébastien
Goudy, l'actuel président du Territoire de Belfort. Le Nantais Thierry Jégu, qui a
décidé de baisser ses prix pendant 1 mois pour simuler la baisse de la TVA, est arrivé
au petit jour, les traits tirés, à la fois heureux de voir l'importance de la
manifestation et inquiet. Il est 15 h 30, la tête du convoi est annoncée au pied de
l'Arc de triomphe. La dernière inconnue de la journée concerne la présence des
députés en fin de procession, le temps d'une photo. "Je tire mon chapeau à ceux
qui seront là", s'exclame le président de la Charente-Maritime Antoine Majou.
16 heures. Les officiels se placent derrière la gigantesque banderole déployée par
l'Umih sur les pavés parisiens et dont le message s'adresse directement au chef de
l'État : "Monsieur le Président, peut-on lire, vous avez promis la TVA à 5,5
pour le 1er janvier 2006." Aux côtés des professionnels, les
députés UMP Martine Morano, Claude Goasguen, Nicolas Dupont-Aignan, Pierre Lellouche,
Thierry Mariani, l'adjoint au maire de Sète et ancien restaurateur, Francis Hernandez.
Réaction de la
CFDT Johanny Ramos, secrétaire national de la CFDT, responsable de la branche CHR, a souhaité réagir à la manifestation. Voici ce qu'il nous a envoyé : "Notre organisation est 'pour' une baisse de la TVA dans la restauration en France à la seule condition qu'un contrat social négocié accompagne cette décision européenne et française. Ce contrat social devra être conclu au niveau de la branche par accord étendu à toutes les entreprises s'engageant à augmenter les salaires et à créer des emplois, ceci pour avoir une garantie de l'utilisation qui en sera faite par les professionnels. Par contre, nous ne pensons pas qu'une promesse sur une hypothétique baisse des tarifs soit une bonne chose, car de toute façon la concurrence continuera de jouer, non sur les prix, mais sur la qualité de service qui est apportée aux clients. Nous nous baserons alors sur des promesses 'écrites' et non 'orales'. Aujourd'hui, ces conditions ne sont toujours pas remplies puisque les professionnels se refusent même à revaloriser une grille de salaires de branche pourtant en francs alors que cette monnaie n'existe plus, et à discuter avec nous des contreparties pouvant accompagner cette baisse. Vous comprendrez donc que nous refusons une baisse de cette TVA avec un chèque en blanc pour les professionnels. Par contre, si la profession accepte des contreparties écrites et négociées avec les partenaires sociaux, nous appuierons cette démarche. Cette position a même été reprise par notre secrétaire général, François Chéreque." zzz66f |
Les
Parisiens absents
Les milliers de professionnels qui ont
défilé lundi dans la capitale pour réclamer
la baisse de la TVA ont été surpris - le mot est faible - par l'absence de solidarité
de leurs collègues parisiens. De la Nation à l'Arc de triomphe, un cortège composé de
plusieurs centaines de voitures dûment pavoisées ne passe pas forcément inaperçu !
Sauf aux yeux des restaurateurs parisiens qui ont pratiquement ignoré, à de rares
exceptions près, notamment Christian Navet, président de l'Upih et son vice-président
Charly Belisson d'exprimer leur soutien aux protestataires, venus parfois de très loin.
Comme l'a souligné un manifestant : "On a fait plusieurs centaines de kilomètres
pour être présents ici, et si l'on obtient la TVA à 5,5 %, ils en profiteront comme
nous
" Une attitude jugée par d'autres en des termes plus expressifs, mais
encore moins amènes. zzz66f
Avec nos remerciements à Vincent Xavier du service technique de L'Hôtellerie Restauration.
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ILS ONT DIT a Thierry Mariani, député
UMP du Vaucluse (4e circonscription) a Nicolas
Dupont-Aignan, député UMP de
l'Essonne (8e circonscription) a Pierre
Lellouche, député UMP de Paris (4e
circonscription) a Jacques Pourcel, 2 étoiles au Michelin "La baisse de la TVA concerne tous les niveaux de la restauration, de la plus simple à l'étoilée. C'est une bouffée d'oxygène. Elle générera plus d'emplois, plus de rentabilité. Actuellement, il est très dur d'évoluer et d'investir. Il n'est pas normal d'acheter des produits taxés à 5, 5 % et de les revendre avec un taux de 19,6 %." |
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Simulation des effets globaux d'une TVA à 5,5 % sur la
restauration, pourquoi l'État a intérêt à une baisse de la TVA
Opération escargot et distribution de
tracts à Thiers
Pour ou contre : la position des 25 États
membres
Alors que Nicolas Sarkozy
appuie les restaurateurs, les dernières prises de position avant l'Ecofin de la dernière
chance
Fiscalité, TVA à 5,5 % : quel
impact sur l'entreprise ?
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L'Hôtellerie Restauration n° 2953 Hebdo 1er décembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE