du 29 décembre 2005 |
VINS |
TABLE RONDE DU SYNDICAT DES BORDEAUX ET BORDEAUX SUPÉRIEUR
Les jeunes et le vin : comment favoriser le dialogue ?
Les appellations bordeaux et bordeaux supérieur viennent d'organiser une table ronde sur le thème Les jeunes et le vin. Sujet délicat, quand on sait que les jeunes adultes (18-30 ans), "qui seront nos consommateurs de demain, boivent de moins en moins de vins. Seuls 43 % des 20-24 ans consommaient du vin en 2000 contre 70 % deux décennies plus tôt", constate Alain Vironneau, président du Syndicat des bordeaux et bordeaux supérieur. Et pourtant, seulement 14 % des jeunes de 18 à 24 ans considèrent que boire du vin est ringard Extraits du débat.
Jacques Bouey, Alain Vironneau, Michel Bourqui, Sylvana Lilli et Isabelle Saulle. |
Comment favoriser le dialogue entre le vin et les jeunes ? s'interroge le Syndicat des bordeaux et bordeaux supérieur. Pour Isabelle Saulle, sociologue, attachée de recherches à l'université Bordeaux II, et Céline Simonnet-Toussaint, docteur en psychologie, une "grande idée reçue est que les jeunes sont responsables de la baisse de la consommation de vin. Ce qui n'est pas le cas. La société a beaucoup évolué, et les jeunes ne sont que le reflet de la société dans laquelle ils évoluent. [ ] Les jeunes ne sont pas hostiles au vin, et leur faire porter cette responsabilité suscite chez eux des positions assez radicales. Alors que le vin apparaît vraiment comme un référent culturel incontournable pour tout jeune Français, et seuls 5 % des jeunes que nous avons rencontrés n'ont jamais goûté de vin. S'ils ne renouvellent pas l'expérience, c'est parce qu'ils n'ont pas aimé ou que personne n'a su leur parler du produit, leur en montrer les côtés positifs". [ ] "Les jeunes associent fortement le vin aux plaisirs de la table, à la convivialité et au désir de transmettre. [ ] On pouvait penser que les jeunes sont dans une contre-culture. Pas du tout. Ils veulent finalement que le vin se transmette. Car le vin est fortement attaché à une notion de famille." [ ] "Si l'on compare le premier verre d'alcool et le premier verre de vin, on s'aperçoit que l'initiation au vin se fait avant l'initiation à l'alcool, surtout dans les régions viticoles, et dans la région bordelaise en particulier. L'apprentissage du vin se fait en famille ; celui de l'alcool se fait davantage avec ses amis, dans un esprit de transgression. [...] Le goût du produit qu'on leur propose en général pour une première expérience - le vin rouge - est en décalage avec leurs préférences gustatives. Le renversement des pratiques de consommation se produit avec l'installation dans la vie active, de plus en plus tardive. C'est finalement autour de 30 ans que le vin va naturellement trouver sa place comme étant le meilleur compromis entre une soirée conviviale et des impératifs de vie active. C'est aussi à ce moment-là qu'ils vont découvrir réellement le goût du vin qui va les amener à poursuivre l'expérience".
Profils
Deux profils de jeunes consommateurs
se dégagent à travers le monde, selon Jacques Bouey, consultant Gatard & Associés.
"D'un côté, ceux qui s'intéressent plus à la tradition avec ses notions de
terroir, d'appellations, de châteaux
un peu plus 'middle class', esthètes,
favorisés, qui sont prêts à faire l'effort de pénétrer dans cet univers complexe.
Pour eux, le vin procure une expérience culturelle, un statut social, voire un rite de
passage entre le jeune homme et l'homme adulte. Et il y a ceux qui adhérent à un concept
de vin style de vie en phase avec un imaginaire de marque : c'est la population la
plus nombreuse habituée à la marque et à un imaginaire livré clés en main. Au sein de
cette population, ce que recherchent les jeunes, ce sont des marques qui sont en rupture,
plus festives, plus 'cool'. Ils vont privilégier les marques australiennes et celles du
Nouveau Monde qui ont su créer des images simples, qui peuvent apparaître 'simplistes'
pour les connaisseurs, mais qui sont immédiatement décodées et appréciées des jeunes.
Il faut réfléchir sur l'offre : les habitudes gustatives des jeunes, davantage tournées
vers le sucré et la facilité (pas d'épices, d'amertume, d'acidité, caractéristiques
du vin rouge), font que la première expérience de dégustation de vin est négative. En
termes de forme, ils sont habitués à d'autres packagings que la bouteille. Et sur la
connexion, c'est-à-dire les façons dont le vin peut faire un pas vers l'univers des
jeunes. Univers qui n'est pas dans les rayons des supermarchés ou les livres d'oenologie,
mais sur internet, dans les bars, les cafés, les boîtes de nuit
Il faut faire des
efforts pour sortir des habitudes de consommation traditionnelle de vin, initier de
nouveaux rites de consommation, de façon à être reconnus par les jeunes dans leur
univers." Pour sensibiliser les jeunes adultes au vin, produit appartenant au
patrimoine, l'Italie a lancé en 2003 le programme Vino e Giovani (le vin et les
jeunes). Silvana Lilli, coordinatrice de Vino e Giovanni auprès de l'Enoteca
italienne, fait un bilan très positif de cette action originale menée auprès des jeunes
Italiens de 18 à 30 ans, âge de la 1re consommation de vin. Ce bilan se
double début décembre de la publication d'une étude Consommation et imaginaire du
vin chez les jeunes, fruit d'une grande enquête menée via internet "que nous
venons de transmettre à notre ministre de l'Agriculture". [
] "Il
s'agit d'une campagne de sensibilisation, directe et par internet, à une consommation
responsable et modérée du vin, visant les jeunes adultes (âgés de 18 à 30 ans), dont
le slogan est 'Per Bacco, ragazzi !' (pour Bacchus, les gars !) et le message
'Boire peu, boire mieux'. 25 000 jeunes adultes ont été sensibilisés, à travers
rencontres, débats, dégustations, concerts organisés au sein de 10 universités, et
avec les Viniadi, le concours pour dégustateurs non-professionnels, qui a représenté un
moment d'échange important entre les jeunes venus d'horizons différents, les cavistes,
les producteurs issus de la même génération. [
] Les jeunes, partout, ont
bien exprimé un manque d'information qu'ils souhaiteraient combler. Ils demandent à
être éduqués et informés sur ce produit."
E-Motif
Pour répondre à la problématique,
le Syndicat de Bordeaux, en partenariat avec une agence de marketing (ID.Vin) et de la
maison de négoce Sichel (pour la mise en bouteilles et la commercialisation), a créé
E.motif. Un concept qui "donne à la génération des 20-30 ans de nouveaux codes
d'accès aux vins de Bordeaux, et les soirées '20b4' (prononcer vin before) transforment
le moment de l'apéritif en terrain privilégié de découverte". Vincent
Levieux, de la Commission Jeunes Vignerons, a participé à la conception et au lancement
de ce vin : "C'est un vin d'initiation avec, autant pour le blanc et le rosé que
pour le rouge, beaucoup de souplesse et de rondeur (l'assemblage a été validé par 200
jeunes lors de soirées), avec un packaging coloré, design, dans un esprit lounge tout en
rappelant l'appartenance à la région Bordeaux, important pour les jeunes. Outre le goût
et le packaging, ce qui importait également était l'animation du produit. Nous avons
développé un site internet interactif, évolutif, pour que les jeunes puissent
découvrir le produit de façon très amusante, qu'ils puissent s'attribuer la marque,
nous aider à la développer également, puisqu'ils peuvent nous faire part de leurs
remarques. Nous avons aussi développé très récemment en before des soirées '20b4',
une manière très moderne d'aborder l'initiation avec un côté festif. Pour la
première, nous avons réuni des consommateurs recrutés par internet dans un restaurant
à Paris et leur avons fait découvrir les adéquations entre arômes solides et liquides.
Par exemple, le blanc était dégusté avec des litchis et des quartiers de pamplemousse,
le rouge avec des confitures de mûre, de groseille
" Intéressant et
instructif, non ? zzz46f
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