du 24 février 2005 |
TALENT |
Washington Arrivé sans un sou aux États-Unis avec son savoir-faire pour unique passeport, Michel Richard est aujourd'hui propriétaire et chef d'un des restaurants français les plus renommés outre-Atlantique : le Citronelle.
NADINE LEMOINE
Citronelle à Washington
Success story à l'américaine
|
Michel Richard a passé 30 ans aux États-Unis. Il est arrivé dans le valises de Gaston Lenôtre, et est aujourd'hui chez lui au Citronelle, à Washington. Un homme chaleureux, un chef passionné, un patron successfull et père de 6 enfants. Un parcours en or |
Aux États-Unis, ce n'est pas comme en France,
on n'est pas des stars. Les cuisiniers ne signent pas des autographes." Michel
Richard s'exprime sans détour et sans aucune amertume. Il fait seulement un constat. Il a
su très tôt qu'il avait envie de devenir cuisinier, à 8 ans à peine. 6 années passent
et le voilà qui part en apprentissage, mais en pâtisserie. "Ma mère m'a dit :
'Tu commences par la pâtisserie. Tu feras de la cuisine après'." Il suit ses
conseils et monte à Paris à 17 ans. Le hasard lui fait goûter un gâteau de Gaston
Lenôtre : le jeune homme est émerveillé. Il se rend à la boutique Lenôtre pour tenter
sa chance, mais en voyant la belle vitrine, il fait demi-tour, trop impressionné. Il
entend alors deux femmes bardées de paquets de gâteaux Lenôtre qui s'extasient sur la
célèbre pâtisserie.
Michel Richard se prend à rêver et revient sur ses pas. Il est reçu par Gaston
Lenôtre. Il commence le lendemain son 'grand' apprentissage.
Traversée
de l'Atlantique avec Gaston Lenôtre
Deuxième chance : Gaston Lenôtre
veut ouvrir une boutique à New York. Pendant 2 ans, alors qu'il continue la formation du
jeune Michel, il lui paye des cours d'anglais. 2 heures par semaine. Michel Richard se
prépare au départ. L'Amérique lui tend les bras. Premier revers : au bout d'un an, la
pâtisserie new-yorkaise ferme ses portes. "On était trop en avance. Les gâteaux
trop chers, trop petits
", analyse-t-il aujourd'hui. Que faire ? Retourner
en France ? Il ne s'est pas posé la question. L'Amérique qui donne sa chance aux
audacieux et aux travailleurs le fascine. Il veut réussir. Il décroche ensuite un poste
de pâtissier à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Au bout d'une année, il reprend l'affaire
en investissant au départ 3 000 $. Un investissement qui se transforme rapidement en
jackpot. Il ouvrira plusieurs pastry shops devant lesquels les clients font la
queue. Le succès, c'est aussi d'être demandé par Bocuse ou Vergé pour confectionner
les gâteaux lorsque les grands chefs français organisent des repas de prestige
outre-Atlantique. En les approchant et en devenant un intime, l'envie première - celle de
devenir cuisinier - refait surface. Michel Richard va se faire plaisir en rendant visite
à ses collègues dans l'Hexagone. "J'avais besoin de me former le palais.
J'allais manger chez eux, comme un sommelier qui doit boire du vin. En fait, c'est ce qui
manque aux jeunes chefs", dit-il. C'est ainsi, après plusieurs années, qu'il se
lance en tant que cuisinier. Il ouvre son premier restaurant Citrus en 1987 à Los
Angeles. Dès le départ, il applique sa recette : étudier les goûts appréciés par sa
clientèle, s'en inspirer et faire encore mieux avec de très bons produits. Ici, il teste
et s'inspire de la cuisine mexicaine. "Vous savez, un restaurant est beaucoup
moins rentable qu'une pâtisserie. Mais il vaut mieux faire 2 % sur plusieurs millions que
20 % sur 3 sous", lâche le cuisinier. Passionné certes, il n'en reste pas moins
un homme d'affaires, avec du bagout, de l'humour et une jovialité rare.
Dates-clés
1948
Naissance à Pabu (Côtes-d'Armor)
1962
Apprenti pâtissier à Sedan (08)
1974
Arrivée à New York chez Lenôtre
1975
Premier pastry shop à Santa Fe
1987
Ouverture de Citrus à Los Angeles
1989
Ouverture de Citronelle à Santa Barbara
1994
Ouverture de Citronelle à Washington
Sobre et chic, à la française, la salle du restaurant dispose de 190 places assises. Le Citronelle fait une moyenne de 140 à 150 couverts par jour, exclusivement le soir. |
Toujours
plus
Puis il va chercher un emplacement
encore plus rentable. Déco select, ticket moyen plus élevé : ce sera le premier
Citronelle à Santa Barbara, Californie, en 1989. La cuisine de Michel Richard s'enrichit
et s'épanouit version Californie du Sud, toujours à l'écoute des envies et des
habitudes de ses clients américains. Pour lui, c'est la clef. Il pratique une cuisine
tout en légèreté et limite au minimum les graisses. Citronelle, c'est aussi un cadre.
Il joue déjà la carte de la Provence. "Les restaurants français étaient
poussiéreux, rococo, sombres. J'ai fait une salle claire, gaie avec une cuisine ouverte.
Je voulais sécuriser la clientèle, qui pouvait voir les cuisiniers s'affairer. Et comme
on s'ennuie parfois au restaurant, là, au moins, il y a toujours quelque chose à
regarder. Ça a tout de suite marché", explique Michel Richard. Il ouvrira
d'autres Citronelle à Philadelphie et Baltimore avant de créer, en 1994, celui qui est
devenu en 2004 Relais Gourmand aux Relais & Châteaux, au sein de l'hôtel Latham de
Washington.
|
Une
affaire qui tourne
Beignet de foie gras, sauce au
porto, Homard au vin jaune du Jura, Terrine d'artichaut en aspic de basilic, la cuisine de
Michel Richard rappelle bien les origines du chef tout en répondant à la demande. À
l'ombre du Capitole, Citronelle, c'est 190 places assises et 140 à 150 couverts
quotidiens (le soir uniquement puisque le restaurant est fermé au déjeuner). 70
salariés dont 10 Français. Ticket moyen à 200 $
C'est une affaire qui tourne et
Michel Richard ne s'en cache pas. "Si des jeunes ont envie de partir tenter
l'aventure aux États-Unis, il faut y aller !", dit le propriétaire, qui
rappelle qu'aujourd'hui "ce sont les cuisines chinoise, mexicaine et italienne qui
marchent très fort aux États-Unis. La cuisine française, c'est le haut de
gamme
" Ce qui sous-entend malgré tout que le créneau n'est pas extensible
à souhait, mais que les meilleurs peuvent se faire une place au soleil.
Ses projets ? L'auteur de Michel Richard's Home
Cooking with a French Accent concocte un nouveau livre qui doit sortir dans 2 ans. Il
est présent dans les médias, les émissions de cuisine, les magazines
L'homme a su
se faire connaître et entretenir l'intérêt en étant pile dans la tendance, comme ses
recettes 'allégées' parues dans Gourmet.
Michel Richard travaille actuellement à la création de 2 restaurants, 2 concepts
différents. Le premier, à Washington, annexe du Citronelle en quelque sorte. Les clients
y mangeront du Michel Richard avec une addition avoisinant non plus les 200 mais les 50 $.
Le second à Las Vegas. "Une brasserie américaine au goût français",
décrit le chef. Toujours la même recette, celle qu'il a rodée ces 30 dernières années
et qui lui a si bien réussi.
Michel Richard a 6 enfants. L'aîné, Mickaël, 37
ans, est cuisinier. Le plus jeune, Clément, tout juste 10 ans. 30 ans aux États-Unis,
ça vous laisse un accent mais ça conserve un enthousiasme de jeune homme, une ambition
saine et assumée et une humilité. Eh oui, "on n'est pas des stars aux
States", malgré une success story exemplaire. < zzz18p zzz22v
Échantillon de plats proposés par le chef
Tarte
au citron. |
Petit
croquembouche. |
Feuilleté
au homard. |
Lobster
Burger, le burger au homard. |
Article précédent - Article suivant
Vos questions et vos remarques : Rejoignez le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie Restauration n° 2913 Magazine 24 février 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE