du 23 novembre 2006 |
JURIDIQUE |
COMMENT SE PRÉMUNIR CONTRE UNE ANNULATION
Arrhes ou acompte
Pas toujours facile de se retrouver entre ces deux notions juridiques dont le régime et les effets sont pourtant très différents.
Maître Dina Topeza (Avocat à la Cour)
Souvent
un client téléphone, envoie un mail ou un courrier pour réserver
une table ou une chambre. Confronté à cette demande le restaurateur
ou l'hôtelier est tenté de demander 'une avance', prévoyant ainsi
de se garantir en cas d'annulation ou de désistement. Simple chèque, débit
de carte bleue, quel que soit le moyen de paiement cette 'trésorerie', lorsque
le risque se réalise, a une limite, la qualification que les parties entendent
lui donner. En effet, selon que l'on parlera d'arrhes ou d'acompte, les conséquences
ne seront pas les mêmes.
Lorsque les sommes 'avancées'
ont la qualification d'arrhes, et que le client annule, il les perd. Mais dans cette
situation l'hôtelier ou le restaurateur ne peut exiger le prix de la chambre
ou du nombre de couverts.
En revanche lorsque les sommes versées
ont la qualification juridique d'acompte, non seulement le client les perd, mais
il doit de plus exécuter le contrat, c'est-à-dire régler dans son
intégralité les sommes initialement prévues (et uniquement celles-ci).
Ainsi par exemple, si la réservation
de la chambre était prévue sans petit-déjeuner et que le consommateur
peut apporter la preuve de cette restriction, l'hôtelier, même si les
tarifs prévoyaient un petit-déjeuner 'en sus', ne pourra en exiger le
paiement puisque cela ne figurait pas dans l'accord des parties. Si le restaurateur
ou l'hôtelier considère que cette annulation lui porte préjudice,
il pourra en demander réparation devant les tribunaux, à charge pour
lui d'en démontrer la matérialité. Ainsi, si un client réserve
tout le restaurant pour une soirée et se désiste 'à la dernière
minute', le préjudice peut se quantifier au nombre de couverts non servis,
mais aussi à un préjudice immatériel comme le refus de l'établissement
sans raison aux autres clients alors que finalement celui-ci serait accessible.
Mais le fait que contrairement aux arrhes, l'acompte fixe les modalités définitives
du contrat à une autre incidence sur la liberté des parties. En effet,
même si dans un geste commercial le restaurateur, ou l'hôtelier, acceptait
de rembourser l'acompte, le paradoxe serait qu'il pourrait
être
condamné à des dommages et intérêts pour ne pas avoir exécuté
le contrat ! Alors, si une telle situation se présente, il faut envisager un
accord amiable, écrit et rédigé selon les modalités propres
aux transactions pour éviter qu'une des parties ne revienne sur son accord.
En l'absence de tout écrit, le risque en
cas de litige sera de penser que l'accord des parties sur la qualification juridique
de la somme avancée est lié par les indications de l'hôtelier ou
du restaurateur. On peut se référer à l'usage, mais celui-ci a
ses limites, car la connaissance de l'usage par l'hôtelier ou le restaurateur
ne signifie pas que le consommateur en a eu connaissance. De même un panneau
indicateur des pratiques du restaurant ou de l'hôtel n'a de valeur contractuelle,
et donc obligatoire, que si l'on peut apporter la preuve que le consommateur en
a eu connaissance et en a accepté la teneur. Ce risque est d'autant plus important
que dans le silence des parties, les sommes versées à titre 'd'avance'
ont la qualification d'arrhes ainsi en dispose l'article L 114-1 du Code de la consommation.
Faire un avoir au client
Arrhes ou acompte seront
en principe fonds perdus pour le consommateur. Une des possibilités de satisfaire
les deux parties peut alors se présenter sous la forme d'un avoir. À
titre commercial, le restaurateur ou l'hôtelier peut en effet proposer un
avoir. Cette solution permettra au client qui a été contraint de régler,
ou qui 'a perdu ses arrhes' de bénéficier ultérieurement de la prestation.
Dans cette hypothèse, on ne peut que recommander de préciser les conditions
de l'utilisation de l'avoir. Attention, si la prestation n'a pas pu se réaliser
par la faute de l'hôtelier ou du restaurateur (par exemple : une table précise
réservée qui finalement n'a pas pu être attribuée, ou une chambre
qui finalement n'était pas disponible), le restaurateur ou l'hôtelier
peut proposer cette solution. Mais le consommateur peut la refuser puisque l'inexécution
de l'obligation n'est pas de son fait mais de la faute de l'hôtelier ou du
restaurateur.
Souvent les enjeux économiques
sont limités, dès lors, en cas de litige, on ne peut que conseiller de
trouver une solution amiable en prévoyant de la concrétiser par un écrit.
En cas de doute, un petit moyen mémo
technique : Arrhes, on peut arrêter, acompte on doit continuer, avoir on peut
permettre au consommateur de bénéficier ultérieurement de la prestation. zzz66h
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L'Hôtellerie Restauration n° 3004 Hebdo 23 novembre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE