du 30 novembre 2006 |
ÉDITO |
Le poids du passé
La publication dans L'Hôtellerie Restauration
de la semaine dernière du questionnaire (avec les réponses) des épreuves
écrites du MOF cuisine et maître d'hôtel a suscité des réactions
nombreuses et variées, preuve que ce sujet intéresse beaucoup de nos
lecteurs. D'autant que chacun est soucieux de se mesurer de temps en temps avec
l'évolution des connaissances requises pour exercer un métier.
Or, justement, le contenu des questions imposées aux candidats
peut laisser perplexe sur la volonté de modernité des organisateurs du
plus prestigieux des concours professionnels. Est-il essentiel de connaître
le légume qui sert à préparer le potage Essau (vous voyez souvent
du potage Essau sur une carte ?), de savoir qui a instauré la toque sous sa
forme contemporaine, de déterminer si l'asperge est un rizhome ou un tubercule,
ou mieux encore, d'indiquer la date de 'Thanksgiving' ou le nom de l'eau minérale
préférée de Louis XIV ? Sans méconnaître l'utilité
d'une culture générale professionnelle étoffée, il n'est pas
certain que ces connaissances livresques soient forcément révélatrices
d'un exceptionnel talent culinaire, d'une créativité débridée
ou d'une indispensable ouverture à la modernité.
On comprend bien sûr les réticences de l'Éducation
nationale, qui a la haute main sur l'organisation des MOF toutes professions confondues,
à bousculer les plus vénérables de nos traditions. Au pays de l'art
culinaire, le sujet est d'autant plus sensible qu'il touche à notre culture
intrinsèque, tant il est vrai que le bien manger fait partie de l'art de vivre
à la Française.
D'ailleurs, les polémiques suscitées naguère par
la réforme du CAP de cuisine n'ont pu que freiner les volontés de moderniser
également les épreuves du Un des Meilleurs ouvriers de France.
Il n'empêche qu'il est temps pour la cuisine française
de profiter de la formidable opportunité de sa vitalité et de son succès
auprès du grand public pour s'engager dans la voie d'une modernité
bien comprise, sans jeter aux oubliettes les grands principes qui ont fait et feront
encore sa renommée internationale.
En succédant à Paul Bocuse à la présidence du prestigieux concours, Alain
Ducasse accepte la lourde tâche d'inscrire le MOF dans un siècle où la rapidité
des évolutions, l'appétit de changement, l'attrait pour la nouveauté exigent
dans tous les domaines une perpétuelle remise en cause. Lourde tâche pour le
nouveau chef de file de la cuisine française qui a toujours su faire preuve
d'une inébranlable volonté de transmission de son savoir.
L.
H. zzz80
Vos questions et vos remarques : Rejoignez le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie Restauration n° 3005 Hebdo 30 novembre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE