du 2 février 2006 |
SUCCÈS |
Michel Henry et son associé Frédéric Thiebaut - fondateurs du concept du restaurant Les Galopins - ne sont pas des novices. Loin s'en faut. Malgré une solide formation et une expérience de terrain, finaliser le projet de leur 4e unité a toutefois nécessité une démarche de près de 2 ans. Gros plan sur une 'aventure', irréalisable sans patience et ténacité, qui s'avère être un succès.
Martine Leurion
OUVERTURE DE LA QUATRIÈME UNITÉ LES GALOPINS
Créer son restaurant :parcours d'un combattant
Après une expérience au sein de grands groupes, Michel Henry se consacre à ses affaires personnelles. Le concept des Galopins rencontre un vif succès auprès de la clientèle. |
Après
avoir travaillé au sein de grands groupes tout en menant ses projets personnels
par ailleurs, Michel Henry décide, voilà 2 ans, d'utiliser son énergie
pour faire aboutir et gérer ses propres affaires. Préalablement, il a
toutefois créé dès 1995, avec son associé et ami Frédéric
Thiebaut - ancien élève de l'École hôtelière de Paris
Jean Drouant, promotion 1984 -, le premier restaurant Les Galopins à la Bastille
(Paris, Xe). Un deuxième maillon a vu le jour en 1998 à Nation-Picpus
(repris depuis lors par le
gérant de l'unité mais sous un autre nom). Enfin, un troisième établissement
est opérationnel depuis 2001 à Suresnes (92).
Le concept Les Galopins est une formule de restauration
s'inscrivant dans son quartier : une sorte de bistrot traditionnel, bar à
vins, ne proposant que des produits frais travaillés sur place avec des recettes
'Pedigree école hôtelière', tradition 'Escoffier créatif'.
L'autre caractéristique des Galopins repose sur la gentillesse et la disponibilité
de son personnel. La clientèle visée est une clientèle résidentielle
de quartier à la recherche
d'un bon rapport qualité/prix et qui, grâce à un accueil personnalisé,
une offre sans cesse renouvelée et un large choix d'excellents petits vins,
devient très vite une clientèle fidèle.
Lorsque Michel Henry décide d'ouvrir son
4e restaurant Les Galopins, il affiche clairement ses objectifs : trouver
le meilleur emplacement tant au niveau potentiel consommateurs qu'en coûts
de location et d'investissements. Le tout dans le XIe arrondissement
afin de créer une synergie avec l'unité de Bastille, notamment au niveau
des achats et de la gestion au quotidien des unités.
Bien choisir ses partenaires pour dénicher
la bonne affaire
Les premières démarches
qu'il engage visent donc à dénicher des affaires à vendre. D'emblée,
l'intéressé a intégré le fait que les brasseurs, les agences,
les courtiers peuvent l'aider à trouver son 'bonheur'. Résultat : il
soigne ses relations avec ce type d'interlocuteurs. D'autant que 'trouver chaussure'
à son pied nécessite ténacité comme nous allons le voir. La
preuve. Durant sa première année de recherche, 3 affaires enclenchées
(étude de l'environnement et montage financier réalisés) vont en
effet échouer. La première - en adjudication judiciaire - avorte parce
que le tribunal se prononce en faveur d'un autre repreneur. S'agissant de la
seconde, le vendeur change d'avis au moment de signer la promesse de vente. Quant
à la troisième, le compromis de vente ne s'avère pas acceptable
notamment à cause de l'inventaire matériel du fonds de commerce.
Fort de cette expérience,
Michel Henry conseille pour obtenir une affaire - surtout lorsqu'on est bien fixé
sur le projet que l'on veut monter - de se créer un réseau, de bien évaluer
le quartier, de négocier
avec des agences immobilières sur place et de créer des contacts pour
se faire connaître et accepter. Beaucoup de vendeurs se rétractent effectivement
au moment de la vente, car il n'est pas facile de se dessaisir d'un restaurant qu'on
a créé soi-même, d'où la nécessité de la présence
d'un professionnel de transactions immobilières.
L'affaire qu'il a trouvée - au 33 avenue
Philippe Auguste dans le XIe - l'a du reste été avec la collaboration
de l'agence immobilière TTC située dans la même rue et gérée
par des personnes d'une même famille, respectueuses des engagements qu'elles
prennent et connaissant parfaitement leur marché. Une agence qui a su établir
une vraie relation, aussi bien avec le vendeur qu'avec l'acheteur. En outre, elle
était présente lors de l'inventaire, et prodiguait ses conseils. Ce qui
ne gâche également rien à l'affaire, TTC avait l'exclusivité
sur le dossier. Un élément qui confère une plus grande sécurité
pour son acheteur.
Après une expérience au sein de grands groupes, Michel Henry se consacre à ses affaires personnelles. Le concept Les Galopins rencontre un vif succès auprès de la clientèle. |
Franchir les haies
Toujours est-il que le compromis
de vente n'est finalement signé qu'en décembre 2004, pour une entrée
dans les murs le 15 mars 2005. C'est alors
que commence une nouvelle course d'obstacles. L'heure est arrivée maintenant
d'étudier la zone de chalandise. Pour cela, plusieurs étapes sont évidemment
menées avec soin :
15 jours autour du restaurant, midi et
soir, afin de connaître l'affaire, sa concurrence, son environnement, le trafic
et la vie autour du site, donc son potentiel réel ;
Étude de la zone avec
l'aide d'une junior entreprise qui réalisa un questionnaire sur les besoins
de la clientèle et sur la concurrence et qui, à partir des Pages Jaunes,
pratiqua une importante campagne de phoning afin de bien cerner tout l'environnement
économique et social de l'affaire.
À noter que Michel Henry réalise
lui-même une revalidation de toutes ces informations sur le terrain en rencontrant
les responsables d'entreprise et de commerce du quartier. Une façon comme
une autre d'ailleurs d'assurer son entrée et sa publicité dans la zone
concernée. Il n'en demeure pas moins vrai que les résidentiels sont plus
difficiles à appréhender. Or, il s'agit de la cible du soir de ce restaurant.
Connaître leurs habitudes de consommation, le temps qu'ils
accordent
au déplacement lors d'une sortie dans un restaurant de quartier, la façon
dont ils accueillent un bistrot de proximité, leur envie d'être fidélisés,
l'offre déjà présente dans laquelle ils ont leurs habitudes…
sont des éléments impératifs à connaître.
Toutes ses analyses du marché sont très
gourmandes en temps et doivent répondre aux questions :
Est-ce que notre produit est
proche du client ?
Quel est notre positionnement
par rapport à la concurrence ?
Quel est l'impact de notre produit
?
Les plus qui attirent la clientèle
?
Sommes-nous confortés dans
l'approche 'place/produits' ?
Quel positionnement prix devons-nous
fixer ?
L'étude de marché a permis
de fixer le prix, l'offre produit du restaurant étant connue. Le restaurant
Les Galopins se trouve dans la même tranche de prix que ses concurrents, mais
offre des 'plus produits' comme le fondant au chocolat et le carpaccio d'ananas
à la place de la sempiternelle crème caramel de ses concurrents…
D'autre part, le temps de service du
restaurant répond au besoin temps des repas de la clientèle de midi qui
est de 30 à 60 minutes. La clientèle a une très bonne connaissance
de l'offre restauration présente sur la zone, et évalue très vite
l'avantage du rapport qualité/prix que lui propose le restaurant Les Galopins.
QUI EST MICHEL
HENRY , Ancien élève de l'École hôtelière de Paris Jean Drouant - promotion BTS 1987 -, Michel Henry a quitté son poste de DRH chez SSP (Select Service Partner) pour se consacrer entièrement à ses affaires personnelles en 2003. Depuis 2 ans, il travaille avec son associé Frédéric Thiebaut pour son projet d'ouverture du restaurant Les Galopins Nation. Il assure par ailleurs des activités de consulting, et intervient à la licence professionnelle de la faculté de Paris-Dauphine. À noter que cet homme dynamique pratique aussi l'accompagnement individuel, et participe à la constitution d'un groupe de projet pour la création d'entreprise. |
Les scandales de la bureaucratie française
Parallèlement à
ces éléments, il faut aussi choisir la forme juridique de la société
d'exploitation du restaurant. C'est celle de la SARL (Société à
responsabilité limitée) qui est retenue avec laquelle Michel Henry a le
statut de travailleur non-salarié. L'apport en capital est complété
par un apport en compte courant sur 5 ans, ce qui permet à la SARL de bénéficier
de 34 % de fonds propres et d'emprunter le restant.
Son positionnement prix fixé,
le business plan bien ficelé, Michel Henry se rend auprès de 10 banques
différentes pour obtenir des fonds et vendre son projet. 7 banques sur les
10 lui donnent un avis favorable. Lors de chaque rendez-vous, il met bien sûr
tout en oeuvre pour convaincre ses interlocuteurs, négocier les tarifs des prêts
ainsi que les autres frais comme les assurances, les taux de cartes bancaires, les
frais sur opérations de gestion, etc. En même temps que ces démarches,
Michel Henry travaille aux Galopins Bastille. Il estime effectivement que passer
7 à 8 mois dans tous les postes de travail d'un restaurant lui sont nécessaires
pour bien appréhender et se réapproprier le quotidien d'une affaire.
L'on parle par ailleurs souvent des
aides de l'État aux créateurs d'entreprise, or, il semble que ces
aides soient soumises à de telles démarches et conditions qu'elles découragent
les plus vaillants. Michel Henry comprend ainsi très vite qu'il existe un fossé
entre les effets d'annonce des autorités et la réalité des aides.
Qu'à cela ne tienne. Il veut absolument obtenir l'aide de l'ACCRE (lire encadré
ci-dessous) permettant de bénéficier d'une réduction des charges
sociales durant la première année de fonctionnement. Outre la quantité
de documents à remplir, les nombreux rendez-vous, les numéros de téléphone
qui sonnent dans le vide ou qui le renvoient systématiquement sur d'autres
personnes, il se bat pour rendre
les documents aux bonnes dates, jongler entre les informations parfois contradictoires,
et surtout ne jamais se décourager. Ce fut certainement une des épreuves
les plus dures et frustrantes pour notre créateur.
EN CHIFFRES
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Contrôler les travaux
Après la signature
de l'achat du fonds et les prêts négociés avec les banques, les
travaux peuvent commencer. Malgré l'appel à un architecte et une entreprise
sérieuse, votre présence est indispensable pour le suivi des travaux,
les modifications de dernière minute notamment à caractère fonctionnel,
la création d'une relation avec les ouvriers afin qu'une entente réciproque
s'instaure… Sans oublier qu'il faut aussi obtenir un certain nombre d'autorisations
comme celles des copropriétaires pour des travaux précis. Or, pour ces
derniers, la décision doit être discutée en assemblée générale,
et il n'y en a qu'une par an et les copropriétaires sont généralement
peu enclins à accorder des faveurs aux restaurateurs. Il faut aussi avoir
en poche le transfert de la licence IV, en faire la déclaration auprès
de la préfecture de police à Paris, le droit de terrasse auprès
de la mairie (2 mois de délai), l'autorisation de modification de devanture…
Pour les fournisseurs, Michel
Henry travaille avec les mêmes que ceux du premier restaurant, d'où la
possibilité de bien négocier les prix, le gain
de temps, car il n'y
a pas nécessité d'instaurer une relation de confiance puisqu'elle existe
déjà. Enfin, il ne faut pas négliger les financements que l'on
peut obtenir de la part des brasseurs. Le restaurant Les Galopins a négocié
par engagement moral de 5 ans des contrats de bière (pompe à bière
Lutèce Bière, mais aussi le contrat concernant le café et la machine
et les 'soft'), et a obtenu en plus le financement des tables, chaises et stores
du restaurant.
Un restaurant ne pouvant fonctionner
sans collaborateur, il faut aussi procéder au recrutement. Michel Henry a puisé
tout d'abord dans l'effectif de son premier restaurant. Il lui fallait 4 personnes
en cuisine et 3 en salle plus des extras. Comme tout restaurateur à l'heure
actuelle, il se heurte à la difficulté de trouver du personnel compétent.
QU'EST-CE QUE
L'ACCRE ? L'Aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise (ACCRE) est une aide pour les demandeurs d'emploi qui créent ou reprennent une entreprise. Elle consiste en une exonération de charges sociales pendant 1 an. En fonction des cas, cette exonération est limitée à la partie des rémunérations ne dépassant pas 120 % du Smic. Le bénéficiaire doit exercer le contrôle effectif de l'entreprise. Le demandeur doit remplir un dossier auprès de la direction départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle du siège de son entreprise et le déposer dans un délai de 2 mois au moins avant le démarrage de son activité. |
Premiers résultats satisfaisants
N'empêche. Au bout
du compte, le restaurant Les Galopins Nation ouvre ses portes et compte 55 places
en salle, 35 places en terrasse. Mieux encore. Il réalise entre 100 et 120
couverts par jour, son seuil de rentabilité se situant autour de 70 couverts
par jour. En fait, la clientèle du soir de quartier est plus importante que
ne le laissaient supposer les prévisions. L'activité entre le midi et
le soir se révèle finalement
très équilibrée. La qualité et la quantité du produit dans
l'assiette, la rapidité du service, l'ambiance réalisée par le personnel
grâce à un travail sur l'esprit de gentillesse, de politesse et de
disponibilité, l'aspect marketé du produit et son code visuel, l'offre
renouvelée selon la saison sont d'après Michel Henry les points forts
de ses prestations. Côté coût matière, le ratio s'élève
à 33 % du chiffre d'affaires hors taxes tandis que le prime cost atteint
73 %. Le restaurant bénéficie d'un loyer très raisonnable - 800 E
par mois -, ce qui était d'ailleurs un des critères de choix de l'affaire.
Le restaurant joue aussi sur la thématique du vin. Quelque 15 références
de petits vins de grande qualité sont ainsi proposées par roulement. Un
dépôt-vente a été négocié avec les fournisseurs.
Devant ce bon démarrage, Michel Henry a pour
objectif de booster son activité sur les trois prochaines années. Reste
que ses premiers calculs lui permettent de dire d'ores et déjà que le
restaurant sera rentable dès son premier exercice comptable. La rentabilité
ne s'improvise pas, la création d'une affaire nécessite prévisions,
engagement de chaque instant, négociations et savoir-faire. Qualités dont
dispose cet entrepreneur. De quoi envisager de faire de la pêche au gros au
large du Sénégal…
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L'Hôtellerie Restauration n° 2962 Magazine 2 février 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE