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du 6 avril 2006
CONJONCTURE

Les loyers dans l'hôtellerie

Le fonds de commerce, et donc le loyer dont il dépend, fait partie des exceptions françaises. À un moment où la pleine propriété n'apparaît plus comme indispensable au gestionnaire hôtelier, le loyer devient un élément déterminant pour les parties en présence, tant en termes de sa fixation, de son cadre juridique qu'en matière du montant qu'il représente en termes de rendement pour le propriétaire des murs et par rapport aux recettes du gestionnaire. BDO MG Tax & Legal, société d'avocats, a analysé les principales caractéristiques du bail et ses évolutions jurisprudentielles récentes. Par ailleurs, les bases de données de BDO MG Hôtels & Tourisme permettent d'observer l'évolution des loyers, et ce qu'ils représentent pour les opérateurs. Enfin, IPD France, partenaire de longue date des conférences de BDO, et surtout incontournable observateur des rendements de l'immobilier sur un plan international, dispose désormais des outils statistiques pour analyser le secteur immobilier hôtelier, avec l'intérêt suprême de le comparer avec les autres alternatives d'investissement immobilier.

SPÉCIFICITÉ DU BAIL COMMERCIAL DANS L'HÔTELLERIE : APPROCHE JURIDIQUE

Dans le secteur de l'hôtellerie, le propriétaire-exploitant du fonds de commerce est rarement propriétaire des murs. Compte tenu du poids de l'immobilier dans ce type d'activité, les droits résultant du contrat de bail revêtent une importance particulière.

Le bail commercial
n Élément du fonds de commerce
Le bail commercial est attaché au fonds de commerce puisqu'il se définit comme le contrat de location portant sur des locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité (article L.145-1 du Code du commerce). Le fonds de commerce se définit, quant à lui, par référence à l'ensemble des éléments qui le composent, à savoir :
Les éléments corporels ;
L'enseigne et le nom commercial ;
La clientèle ;
Le droit au bail.
Un mécanisme juridique de protection du locataire exploitant a été institué par le décret du 30 septembre 1953 (modifié depuis à plusieurs reprises) et actuellement codifié sous les articles L.145-1 et suivants du Code du commerce.
Le locataire bénéficie d'une véritable propriété commerciale : il est titulaire du droit au renouvellement du bail, dont il résulte un droit quasi permanent à la jouissance des locaux. Dès lors, si ce droit est rompu à l'initiative du propriétaire, le locataire se trouve investi d'un nouveau droit, celui de percevoir une indemnité d'éviction. Le montant de l'indemnité est déterminé en considération de la valeur marchande du fonds de commerce ainsi que des frais de mutation et de réinstallation. Au fonds de commerce se trouve ainsi attaché le droit au bail.

n Fixation et révision des loyers
L'une des spécificités majeures du régime des baux commerciaux réside dans les modalités de fixation et de révision du loyer. Le principe est celui de la liberté des parties à déterminer le montant du loyer lors de la conclusion du bail initial selon la valeur du marché.
Toutefois, des règles propres à la fixation du loyer lors de sa révision (triennale en application du décret) ou lors de son renouvellement (au terme du bail) sont posées. La révision s'effectue par l'application de la variation de l'indice Insee du coût de la construction. Celui-ci sera remplacé à partir du 1er juillet 2006 par un nouvel indice de référence, qui prendra en compte non seulement le coût de la construction, mais également l'évolution des prix à la consommation. Il en résulte un plafonnement du loyer révisé ou renouvelé.
Par ailleurs, les règles de fixation du loyer révisées ou renouvelées renvoient également à l'obligation de se référer à la notion de valeur locative. Aux termes de l'article L.145-33 du Code du commerce, le loyer des baux révisés ou renouvelés doit correspondre à la valeur locative, qui se définit à travers 5 éléments :
Les caractéristiques du local considéré ;
La destination des lieux ;
Les obligations respectives des parties ;
Les facteurs locaux de commercialité ;
Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Même si le loyer est déterminé en fonction de la valeur locative, il ne peut dépasser le plafonnement défini par l'évolution de l'indice légal de référence.

Les spécificités des baux hôteliers
n Monovalence des locaux
Les hôtels sont traditionnellement qualifiés de locaux monovalents, c'est-à-dire destinés à une seule utilisation.
Cette qualification revêt une importance particulière au regard de la détermination du loyer. L'article 23-8 du décret prévoit que "le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut […] être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée". Dans le secteur de l'hôtellerie, les loyers échappent ainsi, au moment du renouvellement, à la règle de plafonnement. Toutefois, dans l'hôtellerie, les locaux peuvent être parfois à destination multiple. Comment s'analyse alors la notion de monovalence ou de polyvalence ?
Un établissement est considéré comme monovalent si les locaux sont destinés, du fait de leur interdépendance, à une seule utilisation. L'affectation à un autre usage impliquerait des modifications de structure de l'immeuble.
Par opposition, un hôtel est considéré comme polyvalent lorsque les lieux sont à destination multiple. Les locaux ne sont pas aménagés de manière à constituer une exploitation unique, et ainsi, on peut distinguer 2 clientèles séparées.
La qualification de monovalence ou de polyvalence sera déterminée au cas par cas par le juge.
Dans le cas des locaux monovalents, le loyer n'est donc pas plafonné ; il est déterminé en considération des usages de la profession. Quels sont alors ces usages dans le secteur de l'hôtellerie ?

Loyers 'clause-recettes'
Dans le secteur de l'hôtellerie, le loyer se trouve souvent calculé par application d'une méthode dite méthode hôtelière qui consiste à reconstituer la recette théorique de l'exploitant d'après le nombre, la catégorie et la fréquence probable de location des chambres. Le loyer peut également être calculé par application de la méthode immobilière. Dans ce dernier cas, le niveau de loyer découle de la valeur immobilière du bien et de la rentabilité attendue par l'investisseur. En tout état de cause, le juge des loyers est libre de choisir une de ces méthodes, même si, dans la pratique, la méthode hôtelière reste la plus courante.
Il y a lieu de revenir à la notion de loyer initial. En effet, il existe différents types de loyers : fixe, variable ou mixte. Depuis quelques années, les loyers variables, autrement dit 'clause-recettes', sont devenus plus courants. Ces loyers sont, en tout ou partie, définis en fonction du chiffre d'affaires de l'établissement.
La Cour de cassation reconnaît la validité de telles clauses. Dans ce cas précis, le loyer n'est plus
soumis à la réglementation sur les baux commerciaux (plafonnement du loyer, détermination de la valeur locative, révision triennale, etc.). Cette reconnaissance est considérable puisqu'elle conduit à exclure toute révision du loyer par application des dispositions légales, tant pour la révision du loyer du bail en cours que pour la fixation du loyer du bail renouvelé.
Par conséquent, la clause-recettes n'est régie que par l'accord conclu entre les parties. Dans le bail initial, il leur appartient alors de déterminer les modalités de fixation du loyer d'un éventuel bail ultérieur. En l'absence de telles dispositions, la clause-recettes sera intégralement maintenue, et aucun de ses éléments chiffrés ne pourra être modifié par le juge. Ce principe, ainsi retenu par la Cour de cassation, conduit-il à exclure les baux comportant un loyer clause-recettes du régime de protection du bail commercial ?
Cette question a donné lieu à un important débat jurisprudentiel relatif au droit d'option, c'est-à-dire le droit de chacune des parties de se rétracter et de renoncer au bail lors de son renouvellement, en cas de désaccord sur le montant du loyer. La Cour de cassation a finalement tranché dans le sens de la reconnaissance de ce droit, et donc, de l'application du décret, même en présence d'un loyer clause-recettes. Si le bail n'est pas renouvelé à l'initiative du bailleur qui aura exercé son droit d'option, il demeurera tenu du versement de l'indemnité d'éviction ; on se référera alors à la notion de valeur locative afin de déterminer le montant de cette indemnité.

Travaux et investissements (art. 606-CC)
L'activité hôtelière nécessite des investissements lourds, tant au moment de l'entrée dans les lieux que tout au long du bail. Il y a lieu d'être attentif aux règles de répartition des charges d'entretien et de réparation (oeuvre et gros oeuvre) entre le propriétaire et le locataire.
Le secteur de l'hôtellerie bénéficie d'un régime particulier résultant de la loi du 1er juillet 1964. 3 grands principes sont à retenir :
Le propriétaire ne peut s'opposer à la réalisation par le locataire de travaux d'équipement et d'amélioration lorsqu'il les réalise à ses frais ;
Dès lors, pendant une durée de 12 ans à compter de la réalisation desdits travaux, le propriétaire ne pourra prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation de ces améliorations à l'immeuble.
De plus, le propriétaire ne pourra exiger la remise en l'état de l'immeuble.
Au regard de ce qui vient d'être exposé, il s'avère qu'une attention toute particulière doit être portée tant à la rédaction de l'ensemble des clauses du contrat de bail qu'à l'analyse des contrats existant afin de protéger au mieux les intérêts des parties.
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LE LOYER DANS L'HÔTELLERIE : COMMENT EST-IL DÉFINI ET QUELLES TENDANCES EN 2005 ?

À partir des bases de données de BDO MG Hôtels & Tourisme, une analyse de l'évolution récente des loyers hôteliers a été menée en distinguant des observations différenciées entre Paris et la province. Le loyer doit-il être une résultante des niveaux de recettes ou la conséquence d'une valeur immobilière ?

L'évolution des loyers
Une corrélation positive existe entre les niveaux de loyers par chambre construite et la catégorie des hôtels. Plus un établissement est d'un standing haut de gamme, plus le loyer par chambre est élevé.
En région parisienne, les loyers moyens, en valeurs absolues, varient de 800 E par chambre construite pour un hôtel économique à près de 5 000 E pour un hôtel haut de gamme. Ces valeurs s'entendent hors charges locatives et hors taxes foncières. En pourcentage du chiffre d'affaires, les loyers fixes représentent pour les hôtels économiques jusqu'à 12,5 % ; pour les établissements moyen et haut de gamme, ce ratio est de l'ordre de 8 %.
En pourcentage du chiffre d'affaires, les ratios de l'hôtellerie de province se rapprochent de ceux constatés en Île-de-France. À titre d'exemple, le ratio pour l'hôtellerie 2 étoiles est de 8,5 % en province et de 8 % en région parisienne. Cette similitude est toutefois moins vraie en valeurs absolues. En province, les loyers par chambre sont souvent plus élevés. Ils peuvent atteindre jusqu'à 1 500 E pour les hôtels économiques et 3 000 E pour les 3 étoiles. Cette situation s'explique par des établissements souvent dotés d'espaces de restauration. Chose qui est moins vraie à Paris, notamment en hôtellerie économique et en moyen de gamme.
Depuis 2002, l'augmentation des loyers a été constante pour toutes les catégories. La progression a toutefois été plus prononcée en 2003. Cette accélération est partiellement liée à la révision triennale d'une partie des hôtels utili
sés pour l'étude ; la croissance du ratio de loyer sur chiffre d'affaires peut également être expliquée par un tassement des recettes. En 2004, la croissance des loyers s'est poursuivie, allant de 7 % pour les hôtels 2 étoiles à 15 % pour les 3 étoiles.
En principe, le loyer initial est fixé librement entre les parties - propriétaire des murs et locataire - suivant la loi de l'offre et de la demande. Pour un bail commercial, communément appelé 3-6-9, le loyer est légalement révisé tous les 3 ans. Néanmoins, une révision annuelle peut être contractuellement envisagée. Cette révision est alors réalisée en fonction de l'évolution d'un indicateur, le plus souvent l'indice Insee du coût de la construction.
Alors, comment est défini le loyer initial d'un hôtel ? 2 grandes méthodes se pratiquent aujourd'hui : la méthode hôtelière et la méthode immobilière.

La méthode hôtelière
Traditionnellement, le loyer d'un hôtel était défini par la méthode hôtelière. Celle-ci précise que le niveau de loyer découle du chiffre d'affaires potentiel de l'établissement.
La méthode hôtelière consiste à apprécier successivement :
La recette maximale praticable : (prix affichés hors taxes) x (nombre de chambres disponibles) x (nombre de jours d'ouverture) ;
La recette théorique : (recette maximale praticable) x (taux d'occupation potentiel) x (taux de discount). Le taux d'occupation potentiel est déterminé en fonction des performances de marché et du potentiel de l'établissement. Le taux de discount reflète pour sa part les réductions et promotions accordées aux clients ;
La valeur locative brute : (recette théorique) x (% de loyer approprié à la catégorie de l'hôtel) ;
La valeur locative nette : (valeur locative brute) - (abattements). Ces derniers correspondent aux importantes réparations définies par l'ar
ticle 606 du Code du commerce, aux taxes foncières et assurances de l'immeuble.
Cette méthode donne une valeur locative très théorique qui prend en compte uniquement les surfaces d'hébergement. À cela s'ajoute, le cas échéant, un loyer pour les autres surfaces commerciales telles que les restaurants ou salles de séminaire. Ce loyer est, quant à lui, défini selon les références locatives locales.
La méthode hôtelière reste très subjective et avantage souvent l'exploitant de l'hôtel (propriétaire du fonds de commerce), notamment en ce que le loyer est déterminé d'après les prix affichés indiqués par l'hôtelier.
Il semblerait que cette méthode - toujours utilisée par les tribunaux de commerce dans le règlement de litiges - soit en train d'évoluer. Les experts en la matière ont tendance à privilégier de plus en plus la recette moyenne par chambre louée (RMC) au lieu du prix affiché. Cette évolution introduit davantage d'équité à l'heure du yield management. Toutefois, la question de la détermination du pourcentage de loyer à appliquer reste en suspens.

La méthode immobilière
Par opposition, la méthode immobilière définit le loyer d'un hôtel en fonction de la rentabilité locative attendue par le propriétaire des murs. Le rendement locatif correspond au loyer annuel divisé par la valeur immobilière (coût d'investissement) du bien.
Les attentes en matière de rentabilité sont déterminées par 3 facteurs étroitement liés :
Les alternatives d'investissements offertes au propriétaire (investissement boursier, obligataire, etc.) et le rendement qu'elles peuvent générer.
Le niveau de risque acceptable. Il découle du caractère de l'investisseur (privé, institutionnel, fonds d'investissement, etc.) et de sa stratégie (conservatrice, opportuniste, etc.).
La plus-value de sortie pouvant être réalisée.
Plus l'appréciation potentielle du bien est forte, moins les attentes de loyers seront élevées. La rentabilité en capital vient alors compenser une rentabilité locative moindre.
Ainsi, le loyer découle de la valeur immobilière présente et future du bien.
Prenons un exemple concret : un propriétaire détient un hôtel de 200 chambres d'une valeur immobilière de 100 ME. Il a eu la possibilité de revendre ce bien et d'investir dans un autre secteur. Il a fait le choix de rester sur le marché hôtelier avec une stratégie conservatrice en estimant pouvoir faire une plus-value immobilière à terme. Sur la base d'un hôtel en milieu urbain, il vise un rendement locatif de 6 % et demande donc un loyer minimum de 6 ME par an. Ce niveau de loyer ne sera accepté que si le preneur s'estime en mesure d'assurer sa propre rentabilité. En l'espèce, seul un positionnement haut de gamme est envisageable.
La mise en évidence de ce mécanisme amène à se poser des questions. Le renchérissement des valeurs immobilières ces dernières années n'alimente-t-il pas la hausse des prix moyens ? Le cas échéant, cette augmentation n'induit-elle pas une montée en gamme des produits ?
Pour l'une comme pour l'autre méthode, le loyer fixe reste la norme. Cette rigidité peut conduire à un décalage entre un marché très fluctuant et un loyer quasiment figé. Dans le cas d'une crise du marché hôtelier, l'exploitant devra faire face à un loyer disproportionné par rapport à son chiffre d'affaires. À l'inverse, si le marché immobilier venait à s'apprécier rapidement, le locataire bénéficierait d'un loyer très bas.

Vers des loyers variables ?
L'actualité récente n'a-t-elle pas sonné le glas des approches à loyer fixe ?
L'année 2005 a illustré un regain d'intérêt des investisseurs institutionnels vis-à-vis de l'hôtellerie. Le marché devient de plus en plus transparent et autorise des montages créatifs, à mi-chemin entre le bail commercial et le contrat de gestion.
Historiquement, les loyers se définissaient en montant fixe. Ces dernières années, les loyers semi variables sont devenus plus courants. Certains investisseurs acceptent aujourd'hui des loyers 100 % variables, et assument donc la totalité du risque commercial. Ce type de montage bouleverse radicalement les rapports locataire-propriétaire car il s'apparente à un contrat de gestion. La propriété du fonds de commerce n'est cependant pas transférée, ce qui réduit la liquidité du bien.
Dans ce cas de figure, qui est réellement bénéficiaire d'un tel montage ? Est-ce le locataire qui paie désormais un montant de loyer variable en rapport avec son activité ? Ou est-ce le propriétaire qui, certes, prend plus de
risque, mais bénéficie également d'une appréciation potentielle plus importante ?
En définitive, le propriétaire perd la flexibilité - toute relative - d'un contrat de gestion et les possibilités d'arbitrage rapide y afférent. À l'inverse, le locataire bénéficie d'une protection légale renforcée sans pour autant donner de garanties sur les résultats.
Quelles sont alors les limites d'un loyer totalement variable ? Celui-ci ne semble acceptable qu'avec la 'signature' d'un opérateur reconnu dans le secteur. Par ailleurs, ce type d'accord, pour être bénéfique aux 2 parties, nécessite une collaboration étroite : une plus grande transparence dans la gestion de la part du locataire et un effort d'investissement continu de la part du propriétaire. n zzz20h

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L'Hôtellerie Restauration n° 2971 Magazine 6 avril 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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