du 26 octobre 2006 |
ÉDITO |
ADDITION SALÉE
Cette fois, pas de doutes possibles : pour les pouvoirs publics, la profession est maudite, infréquentable, une catégorie sociale dont le seul mérite est de remplir les caisses de l'État avec une TVA à 19,6 % malgré les promesses du candidat Jacques Chirac en 2002.
Aujourd'hui, après la décision du
Conseil d'État d'annuler l'accord conclu entre patrons et salariés en
juillet 2004, c'est l'amertume et un sentiment de gâchis qui envahissent la
profession.
Il est vrai qu'il y a de quoi : alors
que les agités, 'caillasseurs' et autres trafiquants pudiquement baptisés
'grands frères' ont droit à tous les égards de la part du gouvernement
(Ah ! Ces réceptions dûment retransmises au JT de 20 heures de 'délégations
des banlieues' dans les salons de Matignon…), la profession de l'hôtellerie-restauration
n'en peut plus de subir des mesures discriminatoires.
Ils peuvent en faire, des beaux discours
sur les mérites de l'entreprise familiale, nos ministres envoyés en représentation
dans les congrès professionnels. Bientôt, ils n'auront même plus
à se donner la peine de faire semblant, faute d'interlocuteurs.
Qui va dire à nos chers décideurs que trop, c'est trop ? Trop de réglementations inapplicables, trop de contrôles inutiles sur des détails du Code du travail, trop d'interdits, sans oublier le "séisme" (terme employé par le journal Les Echos qui n'est pourtant pas un adepte du sensationnalisme à la une) provoqué la semaine dernière par cette incroyable décision qui revient, dit-on, à imposer les 35 heures à un secteur où il est impossible de mettre en oeuvre de telles contraintes. On comprend les réactions 'à chaud' des uns et des autres, employeurs comme salariés, qui se déclarent atterrés - le mot est faible - par la nouvelle donne. Reprenons les propos d'un serveur dans une brasserie parisienne : "De toute façon, il est impossible d'appliquer à la lettre les 35 heures. On ne va quand même pas dire au client d'abréger son dîner parce que c'est l'heure de fermeture. Donc, on dépasse les horaires. Mais jusqu'à maintenant, on était payé 39 heures et on avait une 6e semaine de congés payés. Maintenant, on est payé 35 heures et on n'a plus la 6e semaine ! J'aimerais bien que la CFDT m'explique ce que j'ai gagné, au lieu de crier stupidement victoire."
Au-delà du triomphalisme primaire
des requérants à qui le Conseil d'État vient de donner raison
(à croire que ces messieurs ne vont jamais au restaurant), il faut aujourd'hui
garder espoir d'aboutir enfin à une stabilisation des relations sociales
dans la profession, en essayant d'éviter les flots démagogiques qui se
sont déchaînés ces derniers jours. Un éditorialiste politique
vachard a même conseillé à Laurent Fabius, à qui il ne
donne guère de chance pour la compétition présidentielle, de se reconvertir
en ouvrant 'Chez Laurent'. Il aura l'occasion d'y appliquer ses chères
35 heures, d'assumer la TVA à 19,6 %, de s'équiper en conséquence
pour s'adapter à l'interdiction du tabac, sans oublier la sécurité,
l'hygiène, l'Urssaf, le fisc, la médecine du travail et autres joyeusetés
que les politiques imposent au bon peuple. Il pourra même, pour se faire
entendre, inviter ministres et députés à sa table. En présentant
l'addition, bien sûr.
L.H.R.
zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3000 Magazine 26 octobre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE