du 12 juillet 2007 |
RESTAURATION |
"TRANSMETTRE LA PASSION DES PLANTES, PROTÉGER ET RESPECTER L'ENVIRONNEMENT"
ENTRE MANIGOD ET PARIS, MARC VEYRAT MULTIPLIE LES PROJETS
À Veyrier-du-Lac, sur les bords du lac d'Annecy, côté est, pour recevoir les feux du soleil couchant, La Maison de Marc Veyrat (ancienne Auberge de l'Éridan) se découvre à travers de petites ruelles escarpées qui longent le lac. Cette grande bâtisse aux volets bleus cache des merveilles comme on cacherait la pierre philosophale.
Marc Veyrat et sa fille Carine, qui tient le restaurant L'Éridan, rebaptisé Reine des Prés. Elle y propose (entre autres) un Cheeseburger selon Veyrat. |
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Le
maître des lieux est là, omniprésent, malgré les séquelles
d'un grave accident de ski, et cette pâleur se porte à son visage quand
il vient saluer ses clients. Mais il est là, qu'on se le dise, et La Maison
de Marc Veyrat accueille tous les soirs, depuis sa réouverture il y a six mois,
ses 45 clients, convives prêts à se laisser envoûter par le charme
des ces saveurs inconnues. Un monde où le terroir, l'odeur des herbes et des
champignons qu'on cueille après la pluie vous renvoie des images d'enfance
oubliées. On en reste bouche bée, on ne sait comment, par quel acte de
sorcellerie ces souvenirs d'antan reviennent quand vous mettez dans la bouche ce
petit bonbon aux herbes, solidifié par l'azote, qui fond et vous transporte.
Décidemment, ce grand monsieur de la cuisine
n'a rien perdu de son talent. Régulièrement, il convoque ses équipes
pour leur faire goûter des nouveautés et, précise-t-il, "je les
insère sur la carte", qui est imaginaire puisqu'elle n'existe que dans
la tête du chef qui a décidé une fois pour toutes qu'il choisissait
pour vous.
La révolution silencieuse
en cuisine
Car Marc Veyrat est toujours
à l'affût de nouveaux projets : à ses talents de créateurs
de saveurs s'ajoutent la ténacité d'un entrepreneur. Ainsi, La Maison
de Marc Veyrat a été partiellement rénovée, pour un coût
de 2,5 millions d'euros. Les travaux ont été entièrement financés
sur fonds propres par sa Société en Commandite Simple (SCS).
C'est la cuisine qui en est
la grande bénéficiaire. Désormais, le spectacle est dans la salle
et les cuisiniers s'activent derrière un rideau de verre. On n'entend pas un
son de voix, tout est calme. Trois écrans sont répartis dans le restaurant,
reliés à la cuisine. Le personnel de salle transmet la commande
sur un écran en tapant le numéro
de table ainsi que le numéro du plat. Celle-ci arrive en cuisine sur grand
écran, ce qui permet de préparer le plat suivant. En cas de besoin, on
communique avec la cuisine grâce à des oreillettes.
Une trouvaille de Marc Veyrat : Raviolis à l'artichaut et à la tomate. |
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Un projet de toute une vie
Mais le projet cher au
coeur
de Marc Veyrat concerne le site de Manigod, le village de son enfance. Là,
il travaille à la réalisation d'un domaine dédié à
Dame Nature, avec l'aide du botaniste François Couplan. Dans ce projet, tous
les équipements et tous les hébergements sont prévus en matériaux
naturels, selon des principes qui respectent l'environnement : WC secs, système
d'éolienne, vitres qui retiennent la chaleur, turbine pour chercher l'eau souterraine,
recyclage de l'eau, 3 hectares de végétaux bio, et pour tout véhicule
sur le site, la présence d'une voiture à essence végétale
pour conduire les clients. L'aménagement du site comportera un restaurant qui
ne peut être classé que 3 étoiles, car "il faut viser le meilleur",
précise le chef. Il y prévoit également l'installation d'un musée
des plantes et des herbes aromatiques, la création d'hébergements avec
des toits en cellules photovoltaïques, une ferme à l'ancienne, le tout
pour un investissement d'environ 5 millions d'euros. "J'ai élaboré
ce projet en souvenir de mon père, ajoute Marc Veyrat. Je veux transmettre
ses valeurs, et montrer que l'on peut vivre en autarcie, comme nous le faisions
autrefois. Savez-vous qu'en 1936, mon grand-père a été le premier
à installer des chambres d'hôte en France ? C'est ce savoir que je
veux transmettre à mes enfants et à mes clients. Ainsi, la boucle
sera bouclée. Il nous faut juste trouver un accord avec la commune."
La tentation de la capitale
Le deuxième projet
concerne Paris. Mais pour le chef d'Annecy, pas question de faire dans le grandiloquent.
Le concept parisien sera entièrement nouveau. Marc Veyrat souhaite surtout
en faire une vitrine de sa gastronomie. "Je souhaite ouvrir une cuisine-laboratoire
en proposant une carte limitée, mais qui change tout le temps avec 20 couverts
pas plus, précise-t-il, et avec une cuisine ouverte sur la salle. Cette
petite unité me permettrait de tester certains plats auprès d'une clientèle
mixte." Les jours d'ouverture seraient intercalés avec ceux de La Maison
à Veyrier-du-Lac, soit le lundi, le mardi et le mercredi pour Paris et les
jeudi, vendredi et samedi pour Annecy.
"Mais ces deux projets, précise
Marc Veyrat, sont à mener de front et sont intimement liés à
mon état de santé qui s'est dégradé ces derniers mois."
La salle entièrement redécorée d'éléments naturels de La Maison de Marc Veyrat. |
Le sens de la famille
En attendant, ses projets
immédiats vont vers sa famille. Pour sa fille, Carine, il a entièrement
rénové l'ancien restaurant L'Éridan et l'a transformé en Reine
des Prés. L'auberge est reconnaissable avec ses volets peints en bleu comme
ceux de son père sur la route du lac. Carine n'y ménage pas sa peine pour
proposer une formule le midi à 18 E présentée sur plateau, à
manger assis ou à emporter. Au menu, Soupe de melon et gelée de menthe
virtuelle, Gaspacho de tomates, écume de basilic, Cheeseburger selon Veyrat,
sauce parmesan. Ouvert il y a sept mois, le restaurant sert ses 100 couverts tous
les midis. Fermé le soir, il permet à Carine de faire ses entremets
et ses cakes, dont elle a appris le savoir-faire chez de grands pâtissiers
(Hermé à Paris, entre autres), et qu'elle servira le midi ou dans l'après-midi
à l'heure du thé. L'ancienne auberge a été rénovée
pour un montant de 4,5
millions d'euros, entièrement autofinancé et géré par la SCS
de Marc Veyrat. Toujours avec ce même sens de la famille, le chef a également
aidé le mari de Carine à monter son entreprise. Aujourd'hui, il gère
un bar à vins, à Annecy, La Java des Flacons, qui recense plus de
600 références à son actif ! Un lieu vite repéré par
la population locale.
Un patrimoine culinaire à
transmettre
Contraint au repos, cet
infatigable chef d'entreprise peaufine ses projets et s'engage surtout auprès
des jeunes. "Je ne travaille qu'avec des jeunes, et à l'exception de deux
personnes, toute l'équipe a moins de 30 ans, explique-t-il. Je les forme
pour qu'ils aient envie de partir et de monter leur entreprise. Je suis fier d'avoir
pu apporter ma caution morale à plusieurs d'entre eux à l'occasion
de leur installation. Certains de mes élèves ont obtenu cette année
leur 1re étoile Michelin, Jean Sulpice à Val-Thorens,
Vincent Lugrin à Annecy. Stéphane Froidevaux, Édouard Loubet
à Lourmarin et Emmanuel Renaut à Megève ont déjà
obtenu leur 2e étoile, et Massimiliano Alajmo en Italie sa 3e.
C'est super...! Mais ce que j'aime le mieux, c'est transmettre mon savoir, et assister
à leur réussite. Nos jeunes sont remplis de talent."
Avec sa passion des plantes
et de la montagne préservée, Marc Veyrat pourrait bien être l'un
des plus beaux symboles du tourisme durable en France. Sa vie entière basée
sur des valeurs simples en harmonie avec la nature préservée respire déjà
cet état d'esprit. Le projet de Manigod en est l'illustration. Il est aussi
l'ultime maillon de la chaîne destinée à transmettre aux populations
cette connaissance et cet amour des plantes. Il prône le retour à une
vie naturelle telle que l'ont vécu les habitants de notre planète il y
a déjà bien des années.
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D'après
le Berliner Morgen Post Liste des meilleurs restaurants du monde
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L'Hôtellerie Restauration n° 3037 Hebdo 12 juillet 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE