du 11 octobre 2007 |
ÉDITO |
OÙ EST LE CHEF ?
La question n'est pas récente. Depuis
que les guides et critiques gastronomiques sévissent, jugent, tranchent, font
et défont les réputations à coup d'affirmations péremptoires,
de condamnations hâtives, de procès staliniens et de règlements
de comptes parfois inattendus, l'accusation fait toujours mouche : le chef n'était
pas en cuisine !
Évidemment, ce genre de constat est sans
appel. Les clients aiment le chef, ils veulent le voir, ils attendent son passage
en salle, éventuellement, ils ont une question essentielle sur la dernière
émulsion d'un traité de gastronomie moléculaire ou la provenance
des oursins. Bref, si le chef est absent, c'est la catastrophe. Or, pour être
chef, on n'en est pas moins également entrepreneur, comptable, recruteur, acheteur,
public relation, et accessoirement mère ou père de famille, frère
ou soeur, compagne ou compagnon. Autant d'excellentes raisons de ne pas être
forcément au piano quotidiennement à l'heure du coup de feu, même
si l'absentéisme ne saurait être que provisoire.
Or, rien n'est plus difficile pour
un chef que de s'éloigner de sa cuisine sans une compréhensible appréhension
que certains parviennent toutefois très bien à surmonter.
Du côté des stars des fourneaux,
en principe, pas de problème. Paul Bocuse a montré le chemin de la gloire
en parcourant la planète tout en confiant son établissement de Collonges-au-Mont-d'Or
à des collaborateurs dignes de son talent, et ça fait plus de quarante
ans que cela dure ! À l'inévitable question que certains croyaient malin
de poser au grand Paul, il répondait avec son humour subtil : "Vous
savez, il y a tellement de chefs qui font mieux
de ne pas être en cuisine…" Effectivement, et l'évolution de la
haute cuisine exige aujourd'hui de la part de ces chefs de file une ouverture sur
le monde qui se traduit en quelques déplacements, quelques découvertes
de saveurs venues d'ailleurs, des démonstrations également qui portent
haut le savoir-faire d'un art peu délocalisable, Dieu merci.
Mais il n'y a pas que les étoilés habitués
des feux de la rampe et des lignes intercontinentales. Tout cuisinier
entreprenant ne peut aujourd'hui se dispenser de formation, de rencontres
d'affaires, de contacts professionnels, de visites de salon, de participations
aux concours dont le nombre a connu une inflation singulière ces dernières
années.
La vraie révolution est en fait
celle de la transmission du savoir : le chef omniscient face à des collaborateurs
réputés ignares n'existe plus. Si un cuisinier veut élargir le champ
de son activité, multiplier les expériences, regarder au-delà des
frontières, il se doit de savoir transmettre son savoir-faire, déléguer
les responsabilités et s'assurer que ses clients resteront fidèles à
son style de cuisine, à l'âme de son inspiration, sans s'apercevoir
qu'il est à l'autre bout de la planète ou à une conférence
dans un autre quartier de la ville. Bien sûr, c'est un art difficile, mais
il conditionne la réussite sans que ne survienne l'éternel reproche
: "Il n'est jamais là."
Bon essayez quand même de vous
montrer le plus souvent possible : les clients adorent vous rencontrer, et s'ils
ont une remarque à formuler, il vaut mieux leur répondre en direct.
n
L.H.R.
zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3050 Magazine 11 octobre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE