du 7 février 2008 |
À L'ÉTRANGER |
Luang Prabang (Laos) Avec l'explosion du tourisme et l'ouverture au capitalisme de ce petit pays communiste, la demande en hôtels et restaurants se fait plus pressante. Une aubaine pour les Français qui bénéficient d'une main-d'oeuvre bon marché. L'exemple de Gilles Vautrin et Yannick Upravan, installés depuis sept ans et aujourd'hui à la tête de 4 établissements.
Gaëlle Girard-Marchandise
Au Laos, L'Éléphant prospère énormément
Gilles Vautrin, patron-gérant de L'Éléphant. | Christophe Dugas, chef des cuisines de L'Éléphant & Co. |
En découvrant la petite bourgade endormie de Luang Prabang, Gilles et Yannick étaient loin de s'imaginer que sept ans plus tard, il y posséderaient 4 établissements et 6 hectares de terrain. Les deux hommes ont su transformer leur projet initial en une PME : L'Éléphant a eu des éléphanteaux et emploie désormais 150 personnes ! Né au Laos et arrivé en 1976 en France, Yannick Upravan fait l'école hôtelière de Thonon-les-Bains et tâte de la plonge comme de la salle avant de passer chef, son BTS cuisine en poche. Gilles Vautrin poursuit une carrière chez France Télécom : il n'a jamais touché à un piano de sa vie. Yannick conçoit le projet de réinstaller ses parents dans leur pays d'origine. Sa grand-mère, qui est restée à Luang Prabang, lui propose un immeuble à louer qui n'a pas été confisqué à la révolution. Le projet prend forme : "On est venus plusieurs fois visiter le pays et en estimer le potentiel, raconte Gilles. J'ai mis un an à me décider. J'ai pris un congé sabbatique pour création d'entreprise et investi 30 000 $. On a vite compris que la cuisine occidentale plaisait autant aux Laotiens aisés qu'aux touristes. On voulait être complémentaires plutôt que concurrentiels des restaurants préexistants. D'où le concept de L'Éléphant et de sa cuisine française. La famille de Yannick nous a aidé avec les démarches et c'est mon associé qui gère le relationnel avec les autorités : impôts, taxes, dédouanement des marchandises. Le projet a fonctionné par étapes : on a réinjecté nos bénéfices dans l'équipement avec l'acquisition des fours, des chambres froides, des compresseurs et des générateurs pour palier les longues coupures d'électricité. Il est primordial de conserver la chaîne du froid : cette garantie nous a permis de bâtir notre réputation auprès des Tour Leaders."
À Vientiane comme à Luang Prabang, les temples bouddhistes constituent l'une des attractions touristiques majeures. |
Des ouvertures en série
Le succès est vite
au rendez-vous après une première année de tâtonnement : la
cuisine française, encore confidentielle à Luang Prabang, est plébiscitée,
le restaurant s'agrandit et embauche. Le Café Ban Vat Sen ouvre en 2002 : "Le
restaurant italien qui occupait les lieux était mal géré, explique
Gilles. On l'a repris et gardé l'esprit 'boutique-café'. On a opté
pour une restauration à base de quiches, salades et tartines qui plaît
autant aux routards qu'aux expatriés." Les associés font l'acquisition
de terrains aux alentours de l'ancienne capitale royale : l'un produit des fleurs,
l'autre y accueille une ferme pour alimenter les besoins toujours croissants en
maraîchage du groupe qui s'agrandit encore. "En 2003, L'Hôtel des
Trois Nagas a ouvert à 100 mètres de L'Éléphant. Les propriétaires
québécois nous ont demandé de prendre en charge la gestion F&B.
Le Mango Tree est né. On a conçu une carte mixte avec une partie fusion
et des plats laotiens traditionnels." 2007 voit naître le dernier rejeton,
Le Patio, le café du Centre des arts et traditions ethniques de la ville. Entre
temps, les commandes traiteur s'intensifient, et il faut répondre
à une demande croissante de buffets et paniers pique-nique pour les groupes
de touristes. La PME assure l'enseignement. Pour Gilles, qui s'est improvisé
formateur du personnel de salle, c'est le bon sens qui doit primer : "Je leur
montre la façon dont je voudrais être servi, j'insiste sur la nécessité
d'être rapide et discret. La notion de service en est à ses débuts,
alors on fait du coaching ! Nous avons envoyé nos deux employés les plus
anciens à Bangkok suivre une formation de deux ans en F&B. Au Laos, on
va loin en termes de gestion du personnel : les employés s'attendent à
ce que l'on s'occupe d'eux, qu'on règle leurs problèmes familiaux.
On a constitué une caisse santé pour les coups durs médicaux des
employés : la Sécurité sociale n'existe pas, alors on prélève
10 % sur les fiches de paie. Les pourboires sont redistribués au prorata des
heures travaillées. On a acquis des appartements pour loger ceux qui habitent
trop loin de Luang Prabang contre 5 $ de loyer."
La clientèle suit la saisonnalité touristique
du Laos : "De novembre à mars, 90 % de notre clientèle est composée
de touristes, en majorité des retraités à fort pouvoir d'achat,
commente Gilles. De plus en plus de routards s'offrent un petit plaisir chez
nous. Sans compter le gratin de Luang Prabang, autorités et hommes d'affaires,
constitué d'une majorité d'asiatiques."
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Répartition
des tâches
L'empire de L'Éléphant
ne s'arrêtera pas en si bon chemin : des projets en cours de réalisation
verront le jour en 2008 : un magasin de fleurs, une épicerie fine et deux nouveaux
restaurants, le Coconut Garden, un jardin à bière-grillades et un restaurant
italien traditionnel. "L'Éléphant sert déjà de laboratoire
de mise sous vide. Je souhaite à terme faire du magasin une coopérative
d'achat. Il s'agirait pour chaque établissement de passer ses commandes auprès
de cette centrale, chacun adoptant ainsi un rapport client-fournisseur." Une
gestion efficace qui définit le rôle de chacun. À Yannick la logistique,
la production et l'approvisionnement sec. À Gilles les relations clientèle,
les
boissons et l'administratif.
Répartition des tâches pour taylorisme social : le binôme s'inscrit
dans le développement économique de l'ancienne cité royale et mise
sur un tourisme à forte valeur ajoutée. À l'image d'Amman, groupe
hôtelier asiatique de luxe, qui ouvrira sous peu un palace à Luang
Prabang. n
zzz99
CHRISTOPHE DUGAS : CHEF DES 4 CUISINES DE L'ÉLÉPHANT & CO |
"Je gère la mise en place des 4 cuisines soit 200 à 250 couverts/jour en pleine saison, sans compter les buffets et divers commandes en F&B en extérieur : nous assurons un service traiteur tout inclus, du service à la déco de table. Ça représente un volume important : tous les jours, 150 croissants égaient les petits déjeuners des tables de la ville et 50 personnes oeuvrent en cuisine. Je forme beaucoup : on travaille sur photo pour permettre aux employés de mémoriser les plats. Comme ils n'ont pas la vision de l'espace, on utilise des cercles. Le problème : ils ne goûtent jamais, simplement car ils n'ont pas le même palais qu'un occidental." |
LIENS UTILES |
ccifl.org : site de
la chambre de commerce et d'industrie franco-laotien missioneco.org/laos : site des missions économiques/Ubifrance http://invest.laopdr.org : site du département des investissements nationaux et internationaux (en anglais). Cette institution se présente comme un outil d'aide à l'implantation étrangère au Laos. |
LAOS : CARTE D'IDENTITÉ |
Capitale : Vientiane Ancienne capitale royale : Luang Prabang Population : 6 millions d'habitants PIB/habitant : 570 $ Taux de croissance : 7,6 % Langue : laotien, français et anglais Monnaie : Kip et $. 10 000 kip = 1 $. Présence française : 100 PME françaises sont installées au Laos. Le projet de barrage hydroélectrique de Nam Teung 2 chapeauté par EDF mobilise une communauté francophone installée durablement au Laos. Cette clientèle à fort pouvoir d'achat affectionne les établissements de qualité. Entreprendre : la niche du haut de gamme reste à exploiter. Amman a racheté l'ancien hôpital en plein centre-ville de Luang Prabang pour y ouvrir un palace. Bons plans : une loi interdit la vente de terrains à des non-Laotiens mais permet l'élaboration de baux très longue durée. Il faut souvent passer par un prête-nom pour monter une affaire et s'entourer de locaux qui sauront débroussailler les difficultés administratives propres aux pays asiatiques. |
L'ÉLÉPHANT ET SES ÉLÉPHANTEAUX EN CHIFFRES |
Situation
géographique : L'Éléphant est situé au coeur de Luang Prabang
à quelques encablures du Palais Royal. Les 3 rejetons sont situés dans
le centre historique de la ville, tous accessibles à pied pour faciliter
la gestion inter-cuisine. Types d'établissements L'Éléphant : cuisine française semi-gastronomique Café Ban Vat Sen : saladerie-tarterie Mango Tree (restaurant de l'Hôtel des Trois Nagas) : western-fusion et laotienne traditionnelle Le Patio : petite restauration semi-rapide type coffee-shop Montage financier : Les baux locatifs sont au nom de la famille de Yannick installée à Luang Prabang Staff : 150 employés pour les 4 établissements et leurs industries associées : maçons, horticulteurs, livreurs, blanchisseurs, menuisiers, ferronniers, électriciens, couturiers-décorateurs, informaticiens… Capacité totale : 170-200 couverts Ouverture : 7/7, midi et soir Ticket moyen de L'Éléphant : haute saison : 19 $ / basse saison : 15 $. Menu d'appel à 9,5 $ Couverts/jour : haute saison : 250 Salaires : 40 $ minimum/200 $ pour les plus anciens et 400 $ pour le manager Le must de la carte : le menu du chasseur (gibier local) à base de sanglier, le steak de buffle |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3067 Hebdo 7 février 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE