du 6 mars 2008 |
SNACKING |
Snacking et restauration rapide se confondent en France avec l'histoire, et le succès de la restauration rapide 'à la française', avec une formidable diversité et une montée en gamme constante. Pour Bernard Boutboul, qui préside le cabinet d'études Gira Sic Conseil, ce phénomène est unique. Il est même devenu un sujet d'observation pour les Anglais et les Américains.
Propos recueillis par Patrice Fleurent
Une innovation permanente
Bernard Boutboul : "Le snacking à la française : qualité, diversité, capacité de s'adapter aux goûts et aux modes de vie. " |
L'Hôtellerie
Restauration : Qu'est-ce qui
vous frappe dans l'évolution du snacking en France ?
Bernard Boutboul, directeur du cabinet
d'études Gira Sic Conseil :
D'abord, nous observons que cette évolution se déroule d'une manière
très différente dans l'Hexagone par rapport aux autres pays, et notamment
par rapport aux pays anglo-saxons. Pourquoi ? Parce qu'en France nous n'avons
pas la même conception du grignotage que les Anglo-Saxons. Ici, l'évolution
du snacking se confond avec l'explosion de la restauration rapide à la française.
Une progression qui n'englobe
pas
seulement la restauration, mais tous les métiers de bouche et qui, pour
nous observateurs, se traduit pas une segmentation originale qu'on ne retrouve
pas ailleurs. En fait, nous avons vu apparaître dans la foulée de cette
restauration rapide à la française ce qu'on pourrait appeler le
grignotage 'moyen et haut de gamme', et même le grignotage 'chic'.
Comment s'opère cette segmentation ?
On peut distinguer cette multitude d'établissements qui composent
l'univers de cette restauration rapide à la
française (sandwicheries, boulangeries, boutiques de vente à emporter,
magasins, etc.), tirée à l'origine par des enseignes comme Paul ou Brioche
Dorée, l'émergence d'un grignotage haut de gamme, dont Cojean à
Paris en est le meilleur exemple. Et au-dessus encore, apparaît un grignotage
chic avec tous les grands noms ou les étoilés qui se sont mis à
ouvrir des boulangeries, des brasseries, des formules de restauration rapide, ou
encore qui se lancent dans le finger food, comme Hélène Darroze. Ils sont
nombreux : Ducasse, Bocuse, les frères Pourcel, Westermann, etc. Autre illustration
symbole de ce phénomène : chez Fauchon, à la Madeleine à
Paris, on trouve aujourd'hui un bar proposant une restauration rapide haut de gamme.
Quelle est donc la différence fondamentale avec le snacking
à l'anglo-saxonne ?
Ici, on s'est approprié le snacking pour en faire autre
chose qu'un moule unique. Le snacking à la française est devenu de
plus en plus qualitatif. Cette évolution est particulière à l'Hexagone
et à quelques pays d'Europe, comme l'Espagne, où l'on voit un Ferran
Adrià, 3 étoiles au Michelin, ouvrir avec NH Hoteles une enseigne de
restauration rapide, FastGood, qui s'installe dans les endroits plus huppés
de Madrid et Barcelone.
Vu d'ailleurs, comment cette évolution du snacking
est-elle perçue ? Est-elle vraiment originale ?
Elle est même unique au monde. Les Américains,
les Japonais l'observent d'ailleurs avec beaucoup d'étonnement et d'intérêt,
voire d'admiration. La France est devenue un observatoire de l'innovation en
matière de restauration rapide.
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Mais c'est à Londres ou New York que l'on a vu apparaître
les salades-bars, les bars à soupes, des sandwicheries mode…
C'est vrai, avec ces concepts, Anglais et Américains sont
restés très monoproduit. Ils n'ont pas connu ces évolutions étonnantes
à la manière d'enseignes
pionnières comme Paul ou Brioche Dorée. Il faut rappeler que Paul, à
l'origine, était un boulanger. Il s'est mis à proposer des sandwiches,
et aujourd'hui chez Paul, on trouve aussi bien des salades que des plats cuisinés.
Même parcours pour Brioche Dorée qui, au départ, ne faisait que
des viennoiseries.
Quels sont les ingrédients du succès de ce snacking
à la française ?
La qualité, la diversité, la capacité de s'adapter
aux goûts, aux modes de vie. En fait, c'est le sandwich et la viennoiserie
qui ont initié ce snacking à la française. Et il faut reconnaître
que les opérateurs ont effectué des efforts considérables de qualité,
si bien qu'aujourd'hui, le marché du sandwich progresse encore. Lorsqu'il se
vend un hamburger, neuf sandwiches sont vendus. La restauration rapide s'est
développée et se diversifie, poussée par le besoin de couvrir
tous les moments de la journée, l'une des conditions pour être rentable.
C'est pourquoi elle est devenue et devient de moins en moins monoproduit. Les consommateurs
veulent du choix et avoir la liberté de choisir.
Comment de nouveaux circuits ont-ils pu ainsi émerger
?
Les cafés, les restaurants traditionnels de quartier
ont, dans l'ensemble, tardé à réagir et à s'adapter. Ils
bénéficiaient et continuent de bénéficier pourtant des
meilleurs emplacements. Ça bouge et
beaucoup commencent à réagir.
Faut-il être original pour faire du bon snacking ?
Les Français restent très traditionnels et les
goûts évoluent peu. Ainsi, 82 % des sandwiches vendus sont à
base de fromages et ou de charcuterie, et la baguette progresse encore.
De même, la viennoiserie ne faiblit pas. Mais, insistons, ils veulent du choix
et varier. Ils sont par exemple de plus en plus fans de pains spéciaux
ou originaux, mais opteront plutôt vers des garnitures architraditionnelles.
En fait, il faut proposer une petite restauration de qualité perçue
comme un vrai repas, s'attacher surtout à la qualité des produits.
Quelles sont les autres clés du succès ?
L'accueil et la qualité des lieux. Là encore,
on constate que les opérateurs historiques ont fait l'effort de créer
des décors soignés, des ambiances chaleureuses. Il faut veiller à
l'aspect hygiène qui est perçu d'abord à travers la vétusté
ou non des lieux. Il y a surtout un atout à développer : le contact
avec le client. Les Français ont un lien affectif privilégié avec
leur café. C'est le lieu de proximité par excellence, il faut en profiter.
Est-ce la restauration rapide bon marché ou haut de gamme
qui l'emporte ?
Il y a une montée en gamme également en matière
de prix. Mais on trouve une segmentation très large. Cela va d'un ticket moyen
à 3 E pour un sandwich chez le boulanger de quartier à 17 ou 20 E
pour la formule rapide d'un étoilé en passant par un prix moyen de 6,50
E chez Paul ou Brioche Dorée, et à 12 E chez Cojean. Entre 3 et
20 E, je pense qu'il reste encore des positionnements à inventer. C'est un
marché de masse, très divers. Les clients zappent selon les moments, leurs
envies et leur porte-monnaie. Ils n'hésitent pas parfois à se faire
plaisir. Ils sont prêts à payer pour de la qualité. Mais il ne
faut pas les décevoir.
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zzz22v
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L'Hôtellerie Restauration n° 3071 Hebdo 6 mars 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE