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"Avec la crise, les candidatures sont redevenues pertinentes"

Emploi - jeudi 18 décembre 2008 11:23
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Dublin (IRLANDE) L’Irlande est le premier pays de la zone euro à être entré en récession. Vigilants mais sereins, les irlandais restent positifs pour l’année prochaine à l’image de Jean-Jacques Caillabet, l’un des plus anciens restaurateurs français de l’île d’Emeraude. Alors si la morosité s’installe en France pourquoi ne pas changer d’Eire en 2009 ?



A 62 ans, Jean-Jacques Caillabet est un peu le Kersauson de la restauration française en Irlande. A la vue des nuages qui s’amoncèlent, il conserve le flegme de ces marins qui ont traversé trop de tempêtes pour s’inquiéter outre mesure de celle à venir.

Celui que l’on imaginerait bien en train de barrer sur une mer démontée était précoce. A 24 ans, il dirige déjà des entreprises saisonnières en France à côté de Megève puis à la Baule, sa ville natale. Les variables sur lesquelles il n’a pas de prise mais qui assurent la réussite d’une saison (la météo en particulier) le lassent. A la faveur d’une rencontre avec un investisseur, il part pour Manchester, la ville de son épouse anglaise. Après une première affaire, il ouvre en 1978 l’Elysée, un restaurant de 400 m2 dans un casino. 4 années  plus tard, il subit sa première tempête : « L’Angleterre a connu une période de récession en 1982. Elle nous sera fatale ». Il traverse alors la mer d’Irlande et s’installe à Cork dans un centre commercial avec l’aide de promoteurs. Cork était alors une petite ville provinciale peu ouverte sur le monde. Son établissement, le Café de Paris, et sa cuisine française étaient trop en avance pour l’époque. « Nous avons alors tenté de transférer l’activité sur la capitale avec un deuxième établissement », explique Jean-Jacques.  Pourtant pour fuir des frais d’exploitations  élevés et passer du bistrot à la cuisine gastronomique, il vend l’affaire pour ouvrir en 1986 à la lisière de ce qui allait devenir le quartier branché de Dublin, Temple Bar, le restaurant qu’il dirige depuis 22 ans, Les frères Jacques. Dès lors, il partagera, selon le goût des Dublinois, le titre du meilleur restaurant français de Dublin avec Patrick Guilbauld. Ce dernier, installé dans la capitale irlandaise depuis 1981 sera consacré d’une étoile par le guide Michelin en 1988, une autre suivra. La spécificité de ces établissements haut de gamme est de recruter du personnel français, en particulier en salle : « C’est une question de crédibilité et de désir de la clientèle. A l’époque, le recrutement ne connaissait pas de tension. La réputation de pureté, d’île verte et de population chaleureuse stimulaient  l’immigration des Français en dépit de clichés persistants sur la guerre civile (qui ne concernait que l’Ulster) et la pauvreté. Il était aussi courant de trouver en Irlande les compatriotes en rébellion contre le système français »,  s’amuse le restaurateur de Dame Street.  

Les années du Tigre Celtique

Cinquante  millions d’Américains seraient de souches irlandaises alors lorsqu’il s’agissait de s’implanter en Europe, les entreprises Dell, Compaq, les calls center d’American Airlines ou autre Microsoft, ont naturellement choisi comme tête de pont, le pays où de nombreux compatriotes conservent des racines. A quoi allait s’ajouter de judicieuses réformes fiscales et l’île d’Emeraude s’envolait dans les années 90 pour plus d’une décennie de croissance record. On parlait alors du miracle irlandais ou du Tigre Celtique. « Au début des années 2000, nous avons connu de vraies difficultés pour recruter. Un peu n’importe qui ouvrait des restaurants en pensant que c’était une activité facile. C’était la mode mais peu ont perduré. De jeunes français inexpérimentés aux prétentions salariales démesurées débarquaient en masse en Irlande grâce aux facilités offertes par la compagnie aérienne low-cost Ryan Air. C’est vrai qu’ils obtenaient en peu de temps des postes, des responsabilités et des salaires inespérés mais qui se révélèrent peu  pérennes. Beaucoup sont repartis sans le sous, asséchés par les loyers et le coût de la vie qui avaient flambé. Ceux qui ont frappé à la porte de mon établissement, on fait le choix de la formation, de la stabilité voire d’une carrière. Mes collaborateurs sont fidèles à l’image de Sylvain Vallier, mon manager depuis 20 ans ou Richard Reau qui dirige les cuisines depuis 7 ans. Mais il est vrai que durant cette période nous avons parfois tourné en sous-effectif en particulier en cuisine. »

Après le plombier, l’hôtelier polonais

Les tensions sur le marché du travail se relâcheront d’autant plus qu’en 2004, l’Irlande ouvre ses frontières aux travailleurs polonais dont le pays vient d’adhérer à la communauté européenne. Ils seront estimés en 2006 à plus de 200 000 par le ministre de l’intégration Brian Lenihan, certaines sources polonaises évoquant même une fourchette de 300 à 500 000 polonais présents sur ce territoire de 4.3 millions d’habitants. Depuis le début de la crise financière, des milliers de travailleurs polonais seraient déjà rentrés chez eux selon la presse locale. « Les tensions que nous avons connues pour le recrutement ne sont pas corrélatives à leur arrivée. Les Polonais ont débarqué quelques mois  plus tard et s’ils ont beaucoup investi les secteurs de la petite restauration, des pubs et des hôtels, ils n’ont jamais été présents dans nos établissements de gastronomie française  », analyse avec lucidité le restaurateur français.

En 2009, le retour en grâce des professionnels de l’hôtellerie

Le soir d’Halloween, si la pluie est bien là, la clientèle peine à remplir les pubs comme à l’habitude. La crise financière a durement touché l’île, l’immobilier aurait chuté de 35 % et la prudence semble être le mot d’ordre à la veille des fêtes de fin d’année. Assis à l’une de ses tables au pli central impeccable, Jean-Jacques Caillabet n’exprime pas d’inquiétude alors que ses collaborateurs se mettent en place pour le service du déjeuner : « Noël est fêté d’une manière très exubérante en Irlande. Les réservations sont équivalentes à l’année dernière. Par contre les clients nous font comprendre que le principe de la table ouverte ou du repas sans limites de frais ne seront pas possible cette année. C’est plus une question de prudence que de budget car l’argent est toujours bien là. Nous anticipons un changement des comportements mais pas une baisse de la fréquentation. La crise, c’est le topic (Ndlr : le sujet) du moment mais mes clients restent positifs et n’envisagent pas de demeurer cloîtrés chez eux en attendant que l’orage passe. Côté recrutement, il ne se passe pas une semaine sans que des candidats français se présentent spontanément. Nous recevons plus de cv. En réalité cette crise a des effets positifs sur nos métiers puisque nous notons un retour aux fondamentaux. Les mirages de la croissance laissent place au professionnalisme. Les candidatures sont redevenues pertinentes. L’idée que l’on pouvait travailler dans les restaurants français d’Irlande sans expériences ni compétences n’a désormais plus cours ». Comme pour la France, la restauration haut de gamme est moins touchée par la crise, les grands restaurants français devraient toujours offrir des opportunités pour les jeunes hôteliers qualifiés de France en 2009 même si Jean-Jacques Caillabet met en garde contre l’improvisation : «Les jeunes qui veulent avoir une expérience dans nos établissements doivent absolument comprendre deux choses. Il n’est pas possible de réussir ici sans avoir des bases en anglais et surtout ils ne doivent plus débarquer à l’aventure. Leur séjour doit être préparé à partir de la France. »

François Pont

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