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Quelles seront les conséquences de la crise financière sur l’emploi et les salaires dans les CHR ?

Emploi - mercredi 10 décembre 2008 14:42
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Alors que le secteur fait partie de ceux qui recrutent le plus en France, les cabinets de recrutement se préparent à un ralentissement des embauches en 2009 et à une redéfinition de fonctions comme moyen de faire face à la crise économique. Côté salaires, l’heure semble à la stagnation. Le point de vue de 5 cabinets de recrutement spécialisés.



L'Hôtellerie Restauration : Avez-vous déjà ressenti un ralentissement des embauches depuis septembre 2008 ?
Mireille Boucher directrice-fondatrice de MB Consultant :
Pour notre part le ralentissement est très léger et serait plutôt qualifié de prudence avec un certain recul par rapport aux informations, en repoussant une partie des investissements sur 2009.

Thibault Cléry, Directeur de la division Hôtellerie & Tourisme de Michael Page International :
Malgré la diminution du nombre d’ouvertures ainsi qu’une fréquentation en baisse, nous n’avons pas, pour le moment, un ralentissement significatif du nombre de recrutement.

Julien Dubos, directeur général d’Eureka Search & Selection Paris : Oui, particulièrement depuis début novembre 2008 où de nombreux recrutements ont été annulés, gelés ou retardés.  L’hôtellerie a ressenti une baisse des taux d’occupation par rapport à l’année précédente, à partir de novembre, et voit une chute importante des réservations sur le premier trimestre 2009.  La restauration quant à elle, a déjà ressenti une baisse d’activité de 10 à 15 pour cent par rapport à l’année dernière, tant à Paris qu’à Londres.

Patrick Laborieux-Delorme, Directeur Général d’ITC Development : D’une façon générale, non. Les profils de recrutement changent : les fonctions transversales sont plus recherchées (technique, RH, finance, commercial, yield) au détriment de fonctions opérationnelles classiques (restauration, hébergement).  Les effets de la crise se ressentent différemment selon les zones géographiques et selon la catégorie d’établissement : l’Europe de l’Est ainsi que des destinations comme l’Ile Maurice semblent accuser le coup et à un second niveau, les palaces semblent mieux résister à la crise. De surcroît, les groupes ou palaces appartenant à des grandes dynasties industrielles ou monarchiques semblent mieux résister que ceux relevant de l’économie classique.  « L’exigence raisonnable de profit » qui est souvent le propre des grandes familles - et dont l’activité « Hôtellerie » n’est pas le cœur de leur empire, loin s’en faut - a permis à la plupart de ces établissements d’anticiper leurs programmes de rénovation et de constituer une trésorerie conséquente. La limite étant que cette crise financière ne s’éternise pas…

Marie-Laure Lecanu consultante en recrutement chez JB Profils Recrutements* : Nous avons peu ressenti l’impact de la crise pour le moment. Cependant, les petits groupes du secteur des résidences hôtelières et de restauration pour lesquels nous travaillons, s’y préparent. Ils ne créent pas de nouveaux postes (sauf dans le cadre de développement prévus). Ils continuent cependant à remplacer les collaborateurs qui partent.

De quel ordre ?
Mireille Boucher : Nous constatons essentiellement une limitation des budgets et une prudence sur les frais, venant des investisseurs, mais non restrictive à ce jour, et qui ne concernent à priori, que très peu les recrutements, à présent.


Thibault Cléry : Les entreprises manquent clairement de visibilité dans un contexte difficile ou la fréquentation à tendance à baisser. La frilosité des entreprises les pousse à être prudents dans une période ou l’on finalise les budgets pour 2009

Julien Dubos : Sur les marchés français et britannique (notre maison mère est à Londres), la baisse des embauches est de l’ordre de trente pour cent.  Par contre les marchés du Moyen Orient et de l’Asie sont toujours en hausse.

Patrick Laborieux-Delorme : Les grands bouleversements risquent d’être observés au niveau des sièges, des postes « Corporate ». Au niveau des process de travail, la recherche de la moindre économie va être au cœur des « Department Head Meetings » des établissements. Réduction des horaires d’ouverture des points de vente, fermeture d’étages en hébergement, renégociation des contrats fournisseurs, remise en cause des affiliations auprès de certains opérateurs ou marques, allongement des délais de paiement, développement des formules « Snacking » en restauration, seront dans beaucoup d’établissements au centre des discussions. Mais, a contrario, les hôteliers vont miser sur des équipes commerciales et marketing, imaginatives et percutantes ! Et dans ce domaine, les conseils (société d’audit et de consulting) et les petites structures de représentation ont de grandes chances d’être les grandes gagnantes de cette période : l’externalisation ou le renforcement des structures existantes par des conseils extérieurs risquent de devenir une nécessité pour les petits groupes ou unités indépendantes.

Quelles seront selon vous les fonctions les plus touchées ?
Mireille Boucher : Les fonctions risquent d’être redistribuées, avec une exigence de résultats et d’efficacité, misant sur un niveau de compétences accrues.

Thibault Cléry :Les groupes commenceront à faire l’économie de managers intermédiaires si la situation se tend.

Julien Dubos : Les postes les plus touchés sont les cadres, cadres supérieurs et administratifs (hormis finance et commercial).  L’événementiel haut de gamme souffre énormément à travers l’Europe, et dans cela nous incluons le secteur ‘corporate’ événementiel hôtelier.

Patrick Laborieux-Delorme : Les postes opérationnels tels que ceux d’executive assistant manager, resident Manager, F&B… risquent d’être, à terme, les plus touchés. Certains suspendront les recrutements en redéployant les affectations des salariés sous contrat de façon à couvrir des champs d’intervention plus larges (ex : un resident manager ou un executive assistant manager supervisera directement la restauration ou l’hébergement). D’autres opteront pour des profils plus opérationnels.

Marie-Laure Lecanu : Toutes les fonctions dès lors qu’elles étaient assumées par l’intérim sont déjà touchées. Dans les CHR ce sont les services supports (compta, RH….) qui risquent d’être particulièrement concernés.

Cette tendance va-t-elle à votre avis s’accentuer en 2009 ?
Mireille Boucher : Pas dans notre région, Côte d’Azur, qui est privilégiée, notamment en raison d’une clientèle aisée internationale. Dans certaines autres régions et dans des établissements indépendants de moyenne gamme, une psychose pourrait entraîner une baisse d’activité, et donc diminuer les recrutements. A l’étranger nos clients ne manifestent pas de répercussions pour l’instant, et ils restent optimistes. Les employeurs ayant de toute façon besoin d’hommes et de compétences pour faire vivre leur entreprise, et la vendre à leurs clients, ce ne serait pas le bon choix. Il devrait plutôt se manifester une remise en question du produit et du positionnement sur le marché, qui ne serait que bénéfique.

Thibault Cléry : Vu le contexte économique mondial actuel, c’est une tendance qui perdurera en 2009. Le secteur est pour l’instant épargné mais pour combien de temps encore ?

Julien Dubos : Malheureusement nous nous attendons à un assainissement sur 2009 et un nombre important de licenciement sur le premier trimestre 2009.  Les clients de Eureka planifient une reprise en 2010.

Patrick Laborieux-Delorme : Indubitablement, cette tendance va non pas s’accentuer mais apparaître d’une façon conséquente en 2009. A ce propos,  il serait opportun que les grands opérateurs énergétiques répercutent rapidement la baisse de leur coût de production afin que le poste « Energie » de nos hôtels (très important dans nos établissements) diminue : mais pour le moment, rien ne semble bouger dans ce domaine…

Marie-Laure Lecanu : Nous nous préparons à une diminution du nombre d’embauches en 2009.

La crise va-t-elle selon vous impacter les salaires et comment ?
Mireille Boucher : Nous pensons qu’à court terme, les salaires ne baisserons pas (ou très peu) compte tenu du rapport déjà très tendu entre le coût de la vie élevé et les salaires plutôt bas dans le secteur. Nous considérons qu’il y a un rapport précis à respecter entre le travail fourni, les compétences et la valeur de l’individu, avec sa rémunération. Cela fait d’ailleurs partie de notre métier de ne pas sous-évaluer, ni surévaluer les compétences, de façon à ce que l’employeur s’en trouve gagnant. Cependant, il est possible que les cadres et dirigeants voient diminuer leurs avantages liés aux salaires : primes, participation, avantages en nature ... afin de diminuer les frais de l’entreprise.

Thibault Cléry : Les salaires, dans ce secteur, sont déjà bas. Ils ne seront pas touchés.

Julien Dubos : De manière générale, les employeurs vont revoir les salaires à la baisse pour les nouveaux recrutements.  Cependant, pour les postes clés les salaires devront continuer à être les meilleurs de manière à attirer les meilleurs.  En effet, dans un contexte difficile, il est bon de s’entourer de cadres performants, qui sont plus réticent à bouger!

Patrick Laborieux-Delorme : Bien évidemment, au niveau des négociations annuelles obligatoires, il ne faut pas s’attendre à des augmentations de salaire dans la plupart des groupes. Les décideurs vont privilégier une régulation quantitative de la masse salariale (i.e. au niveau des effectifs – réduction du volume des extras..) plus que qualitative (i.e. au niveau des salaires individuels).

Marie-Laure Lecanu : Nous pensons que les niveaux de salaire  stagneront, les candidats ne pourront plus faire monter les enchères comme cela se faisait depuis plusieurs années.

Quelles seront les fonctions qui tireront le mieux leur épingle du jeu ?
Mireille Boucher : Les opérationnels, qui sont incontournables et indispensables à l’entreprise et qui pourraient être revalorisés. Mais également, et de manière plus générale, les personnes feront preuve de plus de persévérance et d’efficacité, en s’impliquant d’avantage afin de valoriser l’entreprise. Cela peut entraîner une sélection plus stricte au niveau des compétences. Ce qui ne peut qu’optimiser la qualité du service, en France, et qui ainsi pourrait relever le niveau de ce métier –passion de création, et très enrichissant, et par là- même revaloriser et remotiver les hommes.

Thibault Cléry : Les fonctions commerciales sont celles qui souffriront le moins dans un contexte difficile. L’acquisition de parts de marché sera l’objectif clé.

Julien Dubos : Les postes opérationnels bien sur restent indispensables, ainsi que les postes de cadre et cadre supérieurs dans les départements financiers et commerciaux.

Marie-Laure Lecanu : Les fonctions liées aux services et les bons commerciaux polyvalents. Il est clair pour nous que les entreprises demanderont à leurs collaborateurs plus de souplesse et de polyvalence.

 

*JB Profils Recrutements recrute essentiellement des cadres et opérationnels en restauration, hôtellerie et tourisme.

Propos recueillis par Tiphaine Beausseron

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