WorldSkills Leipzig 2013 : la France remporte 2 médailles d'argent en cuisine et pâtisserie-confiserie

Leipzig (Allemagne) Après quatre jours intenses de compétition, c'est en terre Allemande que Rudy Langlais et Nicolas Pierot, respectivement dans leur spécialité, se sont démarqués avec brio par leur performance face à des candidats venus du monde entier. Thibaut Idenn (service en salle) ne monte pas sur le podium mais reçoit le médaillon d'excellence.

Publié le 09 juillet 2013 à 19:16

Du 2 au 7 juillet, la 42e édition de la Worldskills Compétition - plus connue sous le nom d'Olympiades des métiers en France -, qui s'est déroulée dans l'immense centre d'exposition Leipziger Messe de Leipzig (Allemagne), restera sans conteste dans les annales. Déjà par son ampleur : 4 halls d'exposition d'une superficie de 88 000 m2 ayant accueilli près de 150 000 visiteurs en quatre jours. Mais aussi par le nombre total de participants : 1 006 candidats (de moins de 23 ans) issus de 53 pays différents dans 45 métiers. Un record ! « Jamais une manifestation internationale comme celle-ci n'avait eu lieu ; avec un budget atteignant 49 millions d'euros » s'enthousiasme Michel Guisembert, président de Worldskills France. « On ne peut pas rester insensible à l'excellence de tous ces jeunes. Car, non la jeunesse n'est pas foutue ! Elle a sa place dans [notre] société. Il suffit simplement de leur apporter un projet avec des objectifs précis. Et on s'apercevra - comme durant ces 4 jours - qu'ils sont capables d'aller très très loin ». La chancelière Angela Merkel a tenu à être marraine de l'événement, mais n'a pas pu se rendre sur le site en raison d'un imprévu de dernière minute.

En France, 7 300 jeunes ont envoyé leur candidature pour les sélections régionales. 830 d'entres-eux ont poursuivi en finale nationale à Clermont-Ferrand en novembre dernier. Enfin, les 45 meilleurs - qui forment l'Equipe de France - ont fait briller le savoir-faire tricolore pour l'ultime étape : le mondial en Allemagne. Depuis 7 mois, chacun s'entraîne non-stop avec son coach et son expert respectifs ; réalise les semaines d'entrainements sportifs à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) ; en plus de leur travail à l'école ou en entreprise. « La Worldskills France a financé 4 millions d'euros pour la préparation des candidats » note Michel Guisembert. Pour le pôle alimentation, le pays a été représenté par Thibaut Iden (service en salle), Rudy Langlais (cuisine), et Nicolas Pierot (pâtisserie-confiserie).



Quatre jours de compétition, soit 16 h d'épreuves
 
Mercredi 3 juillet, les trois jeunes ont entamé la compétition avec sérénité, dans un cadre (salle de restaurant et cuisine) construit grandeur nature. Et ils ont découvert les autres compétiteurs étrangers : 26 pays en lice pour le service en salle ; 34 pour la cuisine ; et 16 en pâtisserie-confiserie. Egalement, 30 % du sujet initial a été modifié le jour J pour noter leur capacité à s'adapter aux aléas et aux imprévus. Quatre épreuves attendaient donc Thibaut : le nappage d'un buffet, la mise en place d'une table 'banquet' de 8 personnes et son service, et la reconnaissance olfactive de 10 vins étrangers (5 blancs et 5 rouges). « Il fallait que je jongle entre l'allemand et l'anglais pour parler à mes clients lors du service » dit-il. « Il ne faut pas se laisser déstabiliser par les autres candidats étrangers, ni le public qui nous regarde en nombre ». Rudy, lui, est tombé sur la Paella revisitée (épreuve surprise) et une trilogie de desserts (mousse chocolat, pâte sablée, pâte au choix) pour 4 personnes à réaliser en 4 heures. « Il faisait très chaud en cuisine à cause des rampes au-dessus de nos boxs : du coup, mes coques en chocolat ne se sont pas décollées ! J'étais obligé de les casser et faire des brisures de chocolat en guise de décor. Et, pour la paella, j'ai du m'adapter aux produits locaux et pouvant être utilisés par les autres pays : chorizo remplacé par du salami de boeuf ; moules d'eau douce (au lieu des moules de Bouchot en France) » poursuit-il. Nicolas n'a pas eu de chance non plus le premier jour : dans son box, il découvre un four à sole alors qu'il s'est toujours entrainé avec un four ventilé. L'épreuve : 8 sujets en pâte d'amandes dont 4 différents. « Ces petits détails viennent casser l'engrenage. J'ai perdu du temps et n'ai pas pu fignoler le décor comme je le souhaitais » dit-il, défaitiste.

Deuxième jour : levée à 6 heures pour un footing matinal avec le reste de l'Equipe. C'est la journée du bar pour Thibaut : réaliser 2 cocktails création sans alcool, 3 cocktails avec alcool (Dry martini, Cosmopolitan, Manhattan) suite au tirage au sort d'une liste de 15 cocktails de l'International Bartenders Association (IBA). Autre épreuve : découpe de fruits frais à dresser sur deux assiettes. « Pour le cocktail création, je me suis entrainé avec du jus de tomate et de la menthe, or, il n'y avait pas ces produits. J'ai opté pour de la pêche et de la mangue en dernier recours. La fusion a plutôt bien fonctionnée ! Sinon, on est obligé de s'adapter aux autres pays : j'ai donc utilisé le doseur pour les cocktails avec alcool ; alors que je fais sans d'habitude. J'évite d'être pénalisé » renchérit t'il. De son côté, Rudy a du réaliser une trilogie de veau (jarret, filet et ris) avec trois garnitures, et trois desserts (dont 1 chaud : crêpe soufflée à la citrouille, 2 froids : religieuse, dôme de prune et chocolat blanc) pour 4 personnes. « Rudy a eu un souci avec la friteuse qui lui a fait éclater son cromesquis de veau ; mais il a réussi à se rattraper. Niveau timing et organisation : tout est ok. Ce n'est pas aussi net qu'en entrainement, mais c'est ça aussi la pression de la compétition » poursuit Joël Migeon, l'expert cuisine. En pâtisserie, Nicolas repart confiant par rapport à la veille, en réalisant 4 desserts à l'assiette en 4 heures. « La difficulté de cette édition, contrairement à Londres il y a deux ans, est que toutes les épreuves doivent être en lien avec le thème : les 'Quatre saisons'. Aussi, pour la première fois, les jurés notent les candidats sur tablette : on ne peut donc pas modifier la notation de tel ou tel pays après l'envoi sur le poste central » précise Emmanuel Lecanu, l'expert pâtisserie-confiserie. 

Troisième jour. Toujours le footing à 6 heures du matin. Puis, Thibaut se prépare à l'épreuve qu'il apprécie particulièrement : le service 'gastronomique'. Avant, il fait la mise en place d'une table de 4 couverts et de la console ; réalise 4 assiettes de tartare de saumon au guéridon. « C'est son trip » constate Dominique Waille, l'experte service en salle. « Tout ce cérémonial autour d'un repas, c'est ce qu'il aime. Le menu lui impose de servir une soupe au guéridon, découper un chateaubriand et servir les assiettes, réaliser des crêpes Suzette, et décanter un vin rouge ». En cuisine, Rudy doit faire une caille farcie et 1 garniture en entrée, et un duo de saumon/noix de st-jacques en plat pour 4 personnes, toujours en 4 heures. Avant ou après son passage de la journée, le jeune homme regarde attentivement le travail et les gestes des camarades étrangers, encore dans leur box en compétition : « je me méfie des pays du Nord et de la Corée pour leur régularité ». Nicolas, lui, fait abstraction de tout ce qui l'entoure, et reste très silencieux et concentré. C'est la journée de la réalisation de la pièce artistique en chocolat, et des 20 bonbons en chocolat dont 4 différents. « Certains pays sont très forts au niveau artistique ; mais il faut savoir que la dégustation compte autant que le visuel ! » détaille t'il. 

Quatrième et dernier jour. Et ultime footing. Si la fatigue se laisse sentir, les trois camarades ne lâchent rien ce samedi 6 juillet. Ils sont d'ailleurs autant motivés qu'au premier jour. Thibaut termine par une journée 'brasserie' : mise en place et service. Ainsi que deux autres épreuves : 8 pliages de serviettes, et la reconnaissance de 8 eaux-de-vie étrangères (contre une liste connue de 15). « Chaque service a sa spécificité : efficacité et rapidité en brasserie, service long avec différentes techniques de salle pour le 'gastro', et servir une table en même temps pour le banquet. Chaque candidat doit se démarquer par rapport à ça » conclut Dominique Waille. Rudy termine par deux épreuves en 4h : un parfait de voie de volaille et une garniture, et travailler l'omble chevalier (épreuve surprise) avec 2 garnitures pour 4 personnes. « J'avais déjà cuisiné ce poisson. J'ai choisi de le faire sauter (plutôt que griller ou pocher). Au total, on connaissait 6 plats sur 8 ; même si on s'entraine ardemment, il y a toujours des aléas sur place. C'est ce qui fait la richesse d'une compétition » note t'il. En pâtisserie, Nicolas conclut le concours sur deux entremets dont un avec un décor en sucre d'art.

 

Deux médailles d'argent et un médaillon d'excellence

Quatre jours intenses où Thibaut, Rudy et Nicolas ont donné le meilleur d'eux-mêmes afin de faire briller l'excellence du savoir-faire français, tant convoité dans certains pays ! Dimanche soir, les résultats - attendus avec fébrilité - ont été proclamés à la Samsung Arena du Centre de Congrès et d'Exposition de Leipzig : Rudy Langlais et Nicolas Pierot décrochent la médaille d'argent ! En cuisine, il n'y avait pas eu de podium pour la France depuis 2005, avec la médaille de bronze de David Devel. Rudy est devancé par l'Autriche (Or), et suivi par la Chine, la Norvège et la Suisse (Bronze).

En pâtisserie-confiserie, Nicolas succède à Alexis Bouillet (médaille d'or en 2011) et Sébastien Roche (médaille d'argent en 2001). Il est derrière la Corée (Or) et devant la Chine (Bronze). Pour la spécialité service en restaurant, qui ne s'est jamais vu distinguée, Thibaut ne monte pas sur le podium mais remporte le médaillon d'excellence pour s'être défendu avec fraicheur et spontanéité. Verdict : la Suisse (Or), l'Allemagne, l'Australie et la Chine (Argent), et l'Autriche (Bronze).

Encore sur leur étoile, ils nous livrent leur ressenti. « Je suis à 0.75 point de la médaille d'or ! C'est infime. Cette médaille est avant tout un travail d'équipe. Je remercie Christophe Scrimali, Joël Migeon, Paul Marcon et son père Régis, Boris Chapon, et Jean-Luc Chorier pour tout ce qu'ils m'ont apporté » s'exclame Rudy Langlais, qui vient d'obtenir son Bts au lycée Sadi Carnot de Saumur, et d'être reçu en licence professionnelle à l'Esthua d'Angers. Pour Nicolas Pierot : « C'est un bel aboutissement de deux ans de travail intense avec le suivi de mon coach Philippe Boddaert et mon expert Emmanuel Lecanu. On se rend finalement compte que le moindre détail compte pour gagner. Mon contrat chez Jean-Paul Hévin se termine fin août. J'espère trouver un poste en pâtisserie-boutique ou restaurant. En espérant que cette victoire m'ouvre des portes… »

La délégation française a atterri hier soir à l'aéroport de Paris-CDG. Les jeunes et leurs experts seront reçus par François Hollande, aujourd'hui, mardi 9 juillet à 12h. Le président de la République a tenu « à les recevoir à l'Élysée afin de les féliciter pour leurs performances lors de cette grande compétition internationale ».


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Publié par Hélène BINET



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