L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous souhaitiez devenir cuisinier ?
Yann Maget : Je me suis rapidement dit que je voulais faire du dessin, j’adore le design, ou de la cuisine. Mes grands-parents étaient hôteliers dans l’Est. J’ai souvent été auprès d’eux, à faire les marchés. C’est surement ça qui m’a donné envie de faire de la cuisine. En 3e, j’ai fait un stage dans une petite cuisine. Puis j’ai eu un maître d’apprentissage, au Palais Brongniart, qui m’a donné l’envie d’être là. Je suis rentrée grâce à lui, par la petite porte, au Meurice. J’ai commencé au service petit déjeuner.
Qu’est-ce que vous retirez aujourd'hui de votre parcours ?
J’ai eu la chance de travailler auprès de cinq chefs qui m’ont tous apporté quelque chose. Je ne pourrais pas en citer qu’un. J’ai pris mon premier poste au Meurice, au service petit déjeuner. C’était une belle expérience. Je suis passé au petit déjeuner, au room service puis j’ai eu la chance de découvrir la restauration gastronomique en intégrant les cuisines du chef Yannick Alléno, 3 étoiles Michelin. Nous étions une brigade soudée et bienveillante malgré le stress. J’y ai gardé de bons copains. Chez Pierre Gagnaire, 3 étoiles Michelin, j’ai découvert un chef atypique, qui bouscule, qui est son propre patron. J’en garde la folie, la beauté des assiettes, le sens de la salle, les découpes… C’est là que j’ai rencontré mon épouse. J’ai ensuite appris la régularité auprès du chef Kei Kobayashi. À San Francisco j’ai découvert un management différent, des produits différents. Là encore, c’était une très belle expérience. Enfin au Bristol, auprès du chef Éric Frechon, j’ai découvert le goût du corsé, la justesse d’assaisonnement. Il m’a énormément soutenu pour préparer le MOF, il était heureux pour moi quand j’ai obtenu le titre. J’en suis là aujourd’hui grâce à la richesse de toutes ces expériences.
Pourquoi avoir choisi la Bretagne en 2023 ?
Je suis venu ici parce que je recherchais un endroit pour travailler avec mon épouse, Pauline Sebilleau Maget, la directrice de salle du restaurant L’Inattendu. Nous cherchions un projet commun sur la côte Ouest, au sein d’une maison authentique, avec une histoire. Le hasard a bien fait les choses puisque Pauline est originaire de Bretagne. Nous avons eu un premier contact avec Stéphanie et Johan Dubourdieu, les directeurs du Domaine de Locguénolé, qui s’est révélé être très positif. Le projet était intéressant, nous devions tout penser jusqu’au choix de la vaisselle. On démarrait presque de zéro, on ne prenait la suite de personne.
C’est votre premier poste en tant que chef. Comment le vivez-vous ?
Mes expériences au Bristol et au Meurice m’aident pour cette expérience. Je dirige une équipe de 25 personnes, mais j’ai déjà eu de grosses équipes dans le passé. Le défi, c’est de trouver les personnes et de les former. Je suis reparti de zéro, dans une région que je ne connaissais pas. En ce moment, nous avons une équipe folle, ils ont tous fait des sacrifices pour venir, ils ont un but, ça nous fait avancer deux fois plus vite. On sent une émulation.
Ce qui est très nouveau pour moi, c’est de me trouver une identité culinaire. Jusqu’à maintenant, je pensais ou créais des plats en pensant à un chef. Maintenant, c’est ma vision qui compte. Je découvre ce terroir breton, le sarrasin, le cochon, les produits de la mer. Je tiens à exploiter toutes les ressources de la Bretagne.
Comment voyez-vous votre cuisine ?
Je veux être cohérent avec ce qu’il y a autour, sur ce terroir. J’ai pensé la cuisine par rapport à ici. On a une cuisine classique avec de la technique. On recherche le juste assaisonnement, la bonne cuisson. On traite le produit différemment selon les saisons, selon nos envies. Par exemple, on va mettre le saint-pierre pour la troisième fois à la carte, mais jamais avec la même cuisson. J’intègre les épices assez facilement, je cherche à créer des mélanges cohérents, simples et efficaces, qui peuvent néanmoins être inattendus. On reste avec trois ou quatre éléments dans l’assiette, on ne part pas dans tous les sens. On crée de la cohérence dans la construction de plat.
Avez-vous un plat ou une technique signature ?
Pas de plat ou de technique signature, mais plutôt une association. Avec mon second, Matthieu Vion, on essaie de toujours créer un plat terre-mer. On a commencé par un ormeaux-tripes, puis un boudin aux pommes et de la seiche. En ce moment, nous proposons un plat encornets-cochon.
Quelles sont vos ambitions ?
Que les clients soient contents, qu’on soit complet, que ça redevienne une belle institution de la Bretagne.
Qu’est-ce que vous souhaitez mettre en place au restaurant l’Inattendu ?
Plein de choses sont en train de se construire. On intègre des surprises pendant le repas. On essaie de travailler de manière logique avec ce qui nous entoure. On a une serre, on crée notre miel. On doit rester cohérent, ne pas se bloquer. J’aimerais mettre en place un fumoir. On met très en avant la salle, il y a des découpes, des gestes. Nous proposons une carte et un menu qui se décline en quatre, cinq ou sept temps [85 €, 115 € ou 145 €]. La carte permet aux équipes, aussi bien en cuisine qu’en salle, de ne pas être toujours dans le même circuit. On a plus ou moins d’intensité, ça diversifie les services. Notre cuisine, c’est aussi de cuire un pigeon à la minute. On est sur le fil, on peut se louper, mais c’est ce qui fait le métier.
Que retirez-vous de l’expérience du MOF ?
C’est une expérience qui s'est très bien terminée pour moi donc c’est de la folie ! C’est très intense, on passe par de nombreuses étapes. Les équipes du Bristol étaient très fières de me voir décrocher le titre. Notre promotion est folle, pleine de jeunes. C’est une sorte de validation des acquis. Je suis passé par tous les grades, ça a validé un peu mon parcours. J’ai appris à faire, maintenant mon rôle c’est de transmettre, d’apprendre aux autres à faire.
Publié par Romy CARRERE