Bruno Oger : "Ma cuisine est une diagonale entre la Méditerranée et la Bretagne"

Le Cannet (06) Le chef doublement étoilé a ouvert, dans une même bastide, La Villa Archange et le Bistrot des Anges. Formé aux côtés de Georges Blanc, il se dit "aubergiste moderne" et veille à maintenir une touche de sa Bretagne natale dans chacun de ses plats gorgés du soleil du Midi. Signe particulier : le chef rêve de transmettre ses deux restaurants à son équipe.

Publié le 09 octobre 2023 à 13:11

L’Hôtellerie Restauration : Pourquoi avez-vous choisi le métier de cuisinier ?

Bruno Oger : J’ai grandi dans un restaurant. Mes parents avaient une brasserie-crêperie à Lorient [Morbihan]. Ils vivaient juste au-dessus. À 14 ans, j’ai voulu devenir cuisinier avec un objectif : travailler dans un 3 étoiles. J’ai donc fait l’école hôtelière de Dinard [Ille-et-Vilaine] et je suis entré dans la profession par la petite porte, en débutant dans des brasseries, puis en faisant des saisons au Ski d’or, un Relais & Châteaux à Tignes [Savoie], dont les propriétaires viennent aujourd’hui manger dans mon restaurant au Cannet.

Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

J’ai eu la chance de croiser la route de Georges Blanc. J’avais 19 ans : je suis allé le voir à Vonnas [Ain], alors qu’il y avait deux ans d’attente pour travailler chez lui. Je lui ai dit : “Engagez-moi sans me payer pendant six mois”… Il a accepté. J’ai fait un prêt bancaire, j’étais déterminé et je suis passé par la meilleure des écoles. Ensuite, il m’a envoyé à Bangkok, dans un restaurant qui cherchait un chef célibataire de 30 ans, polyglotte. J’avais 23 ans, j’étais marié et je ne parlais pas un mot d’anglais, mais j’étais prêt à beaucoup pour le représenter en Thaïlande. À mon retour, quatre ans plus tard, il m’a pris dans sa brigade à Vonnas : mon vœu de gosse était exaucé. L’autre grande rencontre, c’est avec Diane Barrière en 1995. En m’engageant au Majestic à Cannes, elle m’a dit : “Je veux un restaurant étoilé !” Nous avons décroché la première étoile en un an et demi, puis la deuxième en 2005. Cette expérience m’a fait comprendre que monter en gamme, c’est garder un petit endroit destiné à la gastronomie. En 2000, au Majestic, La Villa des Lys n’avait que 11 tables et je n'en ai que 10 aujourd'hui à La Villa Archange.

>> Recette du chef : Turbot, céleri, vierge feuille, échalotes et noix

 

Pourquoi avoir choisi Le Cannet pour ouvrir votre propre restaurant, plutôt que Cannes et son bord de mer ?

Je voulais rester dans la région, car j’aime sa luminosité et le soleil même l’hiver… J’ai donc regardé le foncier à Cannes, mais c’était exorbitant. Des propositions sont alors arrivées, dont celle de la mairie du Cannet qui me proposait un domaine abandonné à 5 minutes de route de Cannes, avec un bail emphytéotique de 70 ans. J’ai dit oui. Et c’était parti pour un an de chantier – je faisais des barbecues pour les ouvriers ! – et un investissement de 3 millions d’euros en solo. Car la liberté a un prix.

 

Comment définissez-vous votre identité culinaire aujourd’hui ?

C’est une diagonale entre la Méditerranée et la Bretagne. Avec du beurre demi-sel qui vient de la ferme Nevannen dans le Morbihan, un traou mad en fin de repas et, bien sûr, des ormeaux, le produit identitaire de la carte. Ma cuisine, c’est l’iode, la mer, les salicornes marinées dans un jus de coquillages, les langoustines, du turbot… le tout associé au Sud. Deux fois par semaine, un fournisseur de fruits, légumes, herbes… gare son camion dans la cour du restaurant. Il ouvre les portes de son véhicule et je me sers. Ce n’est pas toujours calibré, ce n’est pas grave : l’important c’est le goût. Ensuite, derrière les fourneaux, on fait une cuisine technique, sans le montrer dans l’assiette. Avec mon bras droit, Jacques Di Guisto, et le chef pâtissier, on prépare, on teste, on goûte – toujours en présence de mon épouse – et quand on pense qu’un plat est abouti, on le propose à l’équipe, chacun commente, puis je tranche. La dégustation a lieu sur la table d’hôtes, comme pour des clients, avec les verres, couverts et la cloche posée sur le plat.

>> Recette du chef : Bar de ligne, acquerello à la coriandre, pignons de Sicile et chayottes

 

La Bretagne vous manque ?

J’y retourne chaque année, car toute ma famille est là-bas et mon épouse est originaire de Lorient, elle aussi… Nous avons gardé nos racines.

>> Recette du chef : Ormeaux de l'île de Groix simplement poêlés et artichauts épineux

 

Actuellement, vous êtes le seul chef étoilé le plus proche de la Croisette. Si bien que vous êtes 'le' chef du festival de Cannes. Parlez-nous de ce moment si particulier dans l’année…

Le festival de Cannes, c’est à la fois le marché du film et la montée des marches avec son côté glamour, le tout en même temps que le Grand prix de Monaco… Autrement dit : le monde des décideurs est là. Et je peux me retrouver aussi bien à organiser le déjeuner de délibération des membres du jury du festival – où l’on entend des choses, on doit rester discret et professionnel… - qu’un dîner privé de 14 personnes dans une villa pour Tom Cruise. Au restaurant, je reçois aussi bien Steven Spielberg, Juliette Binoche que Sylvester Stallone… Les stars viennent dîner après les projections, vers 22 heures, car, ici, il n’y a pas de paparazzi.

 

Côté transmission, comment voyez-vous la suite de La Villa Archange et du Bistrot des Anges ?

Mon rêve serait de transmettre à mon équipe – une cinquantaine de salariés - une maison saine, stable et de qualité. Une maison qui fait 50 000 couverts par an, ferme deux jours par semaine – été compris – et offre cinq semaines de vacances en hiver, car on a tous une vie sociale et une vie de famille. Quant à moi, je dois manquer 5 services maximum par an et je ne rate jamais un soir : car pour avoir une maison de caractère, le chef doit être présent. Mon autre approche de la transmission, c’est quand je vois des parents qui viennent fêter les 18 ans de leur fille ou de leur fils au restaurant. Enfin, la transmission, c’est aussi proposer un poste en pâtisserie à une jeune femme qui, hier, travaillait dans la mode, ou intégrer en cuisine à un ancien agent immobilier en pleine reconversion professionnelle après une formation à l’École Ducasse. Ces profils n’ont pas les codes d’un apprentissage classique, mais ils nous apportent de nouvelles choses et nous avons besoin d’évoluer. Dans ma cuisine, si quelqu’un a une idée, il est libre de la mettre sur l’assiette. Car les personnes ultra-passionnées apportent un nouveau souffle. Il faut les écouter.

#brunooger# #secretsdechef# #lecannet# #villaarchange#


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Publié par Anne EVEILLARD



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