L'ASH à Nantes
A Sainte-Luce près de Nantes, 14 bénévoles de l'Association service hôtelier mettent en relation demandeurs d'emploi et entreprises. L'an dernier, ils ont placé quelque 500 personnes. Mais les patrons dépannés rechignent à les aider.
Le bureau, à l'image de
l'ensemble de la maison plantée à deux pas de l'église de Sainte-Luce en
Loire-Atlantique, n'a rien de très chatoyant. L'ensemble est même austère. Pour autant,
les occupants de ce local, prêté gracieusement par la municipalité, n'ont rien de
commun avec les murs qui les abritent. Les bénévoles de l'Association service hôtelier
(ASH) débordent en effet de dynamisme et effectuent leur mission avec abnégation. "A
l'ASH, nous avons trois mots d'ordre : social, placement, cur", dixit Yvon
Garnier, président d'honneur fondateur. Créée voici 15 ans, l'ASH est une
association à but non lucratif visant à rapprocher les demandeurs d'emploi des
entreprises à la recherche de personnel. "Nous participons également à des
jurys d'examen, nous initions diverses actions de communication, des concours, etc."
Et tout ça bénévolement ! Un véritable sacerdoce pour ces 14 adhérents, tous
professionnels, en activité ou pas.
"A l'origine, tout a débuté lorsque j'étais vice-président de l'Union
culinaire. Celle-ci s'occupait de mettre en relation cuisiniers et entreprises, mais il
n'y avait pas de volet service. J'ai alors décidé de créer l'ASH, regroupant tous les
métiers de l'hôtellerie-restauration", se remémore Yvon Garnier. Le projet se
monte grâce à cet homme, reconnu dans le métier puisqu'entre autres membre de
l'académie culinaire de France, professeur à la chambre des métiers et bien entendu
ancien professionnel (restaurant Le Nantais, hôtel Le Belvédère à Cholet...). Un
personnage incontournable dans le milieu qui a travaillé aux côtés de Robuchon et de
Bocuse. Aujourd'hui, Yvon Garnier se consacre largement à l'ASH et en parle, non
seulement avec passion, mais avec une très grande lucidité. Ceux qui l'entourent
profitent de son aura. En juillet 2002, il se retirera. Mais il peut d'ores et déjà
compter sur son équipe. 14 professionnels donc (6 chefs, 6 maîtres d'hôtel et 2
personnes travaillant dans le tourisme) se chargent chacun d'une spécialité -
trésorerie, écoles hôtelières, communication, concours-jury, animations... Chacun
essaye de donner le maximum de son temps à l'association. La secrétaire assure par
exemple une permanence tous les après-midi, et le président, Philippe Fournet, vient au
bureau "environ 4 heures par semaine", précise-t-il.
20 % de CDI
L'ASH peut légitimement se targuer d'avoir placé entre 1994 et 1997 quelque 7 000
personnes (500 personnes pour l'an 2000, dont 50 % en extra et 20 % en CDI). Une belle
performance réalisée malheureusement avec peu de moyens, mais grâce à un
professionnalisme hors pair. "Lorsque les gens viennent nous voir, je n'ai pas
besoin de leur faire passer un entretien de 3 heures en leur demandant tout et n'importe
quoi. Il me faut 5 minutes dans un premier temps pour cerner quelqu'un, explique Yvon
Garnier. Je vois ce qu'ils valent et c'est seulement après que je leur dis d'aller
contacter telle entreprise. Parce que je connais parfaitement les professionnels et les
entreprises de la région." Géographiquement, l'ASH travaille avec quelque 500
patrons présents sur la Loire-Atlantique, la Vendée, la Mayenne, le Morbihan et
l'Ille-et-Vilaine. Dans son carnet de demandeurs d'emploi, l'ASH compte environ 350
personnes, autant en cuisine qu'en salle. "Nous plaçons tous les métiers, du
chef au commis en passant par les plongeurs, les maîtres d'hôtel, les serveurs, bien
entendu, les limonadiers, les réceptionnistes, les femmes de chambre, etc. Pour autant,
nous ne nous occupons pas des directeurs." Généralement, les demandeurs
d'emploi s'adressant à l'ASH sont également inscrits à l'ANPE "pour leur
couverture sociale. Mais ils viennent ici car ils savent que nous sommes plus en phase
avec les professionnels. Ici, ils trouvent un climat de cur. Nous faisons du social,
pas de business". D'ailleurs, l'organisme est totalement gratuit pour les
demandeurs "et s'ils ont besoin d'une veste pour travailler, nous la fournissons
grâce aux nombreux sponsors que nous connaissons". Ces personnes en quête d'un
emploi (jeunes sortant d'un CAP, BEP ou d'écoles jusqu'à des personnes plus âgées)
sont placées à court (extras...), moyen (CDD, en remplacement d'un congé maternité, de
vacances, etc.) ou long terme (CDI de 3 ans, voire plus), et ce, que ce soit dans des
établissements gastronomiques, traditionnels, chez des traiteurs, dans des
collectivités... "Notre objectif principal est de placer des gens, pas de
dépanner l'employeur", tient à préciser Philippe Fournet.
La mauvaise volonté des patrons
Mais voilà, de nos jours, la bonne volonté n'est guère récompensée. L'ASH ne voit pas
l'avenir en rose. Ne bénéficiant pas de subventions, l'association demande aux patrons,
satisfaits de ses services, de verser une donation de 800 F par an (jusqu'à cette année,
elle était de l'ordre de 500 F). "Il y a deux ans, j'ai envoyé 400 lettres aux
entreprises pour leur demander une donation. Nous avons reçu 80 réponses. Cette année,
nous avons récolté 35 enveloppes, se désole légitimement Yvon Garnier. Tout ce
qui intéresse les patrons, c'est d'être dépannés. Ensuite, ils s'en foutent et la
plupart ne savent même pas que leur employé vient de chez nous ! Pour les patrons, cela
devient un service normal et ils ne payent plus." Une aberration qui ne changera
que "lorsque les hôteliers-restaurateurs changeront de mentalité". Pour
survivre, car il s'agit bien de ça, l'ASH organise des manifestations (courses de
garçons de café, lotos...) et compte sur la bonne volonté de la municipalité qui
fournit non seulement le local, mais également l'électricité et le chauffage.
L'association ne dispose, par exemple, que d'un ordinateur et d'un e-mail :
hotellerierestauration.ash@wanadoo.fr réalisé en partenariat avec l'école de commerce.
Si elle avait les moyens de ses ambitions, cette association pourrait proposer des
services beaucoup plus performants, toujours au profit des professionnels. "Tout
ce que l'on demande, c'est que l'on reconnaisse au moins l'utilité du service rendu,
c'est la moindre des choses." Et 800 F par an, ce n'est quand même pas la mer à
boire pour des professionnels qui, si jamais l'ASH n'existait plus, n'auront qu'à s'en
prendre à eux-mêmes. Ces bonnes volontés méritent assurément un coup de pouce... le
coup de chapeau est naturel.
O. Marie
Yvon Garnier, le fondateur de l'association, avec Gwenaëlle Senard, trésorière
et Philippe Fournet, président.
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L'HÔTELLERIE n° 2719 Hebdo 24 Mai 2001