L'attente du client au café
La clientèle des cafés a bien changé. Ses attentes sont différentes et elle n'est plus aussi fidèle qu'avant. Elle a également tendance à consommer moins pour consommer mieux. Les mentalités évoluent, les cafés innovent.
En un siècle, le nombre des cafés a quasiment été divisé par 10. Alors qu'on en dénombrait 300 000 en 1900, ils ne sont plus que 43 000 en 2001 d'après l'Insee. Pire, le nombre de débits de boissons a chuté de 41 % en presque 15 ans. Il est vrai que beaucoup de cafés sont devenus au fil du temps des restaurants ou des brasseries. La mutation profonde de la société et des murs explique en grande partie ce changement quasiment logique de l'offre. A la ville comme à la campagne, le café n'est plus ce qu'il était. Le client non plus n'est plus le même et parfois même le zinc, objet caractéristique, a disparu. C'est parce que leur clientèle a évolué que les cafés ont été obligés de s'adapter. Un débit de boissons à deux pas d'une usine n'est plus forcément assuré de sa pérennité. Désormais, grâce ou à cause de l'amélioration des moyens de transport, le pilier de bar n'hésite pas à faire quelques kilomètres pour trouver un lieu où il se sent bien. Cependant, le comportement est différent vis-à-vis d'un café d'ambiance que d'un café-service de type PMU-tabac, où l'atmosphère compte moins. Enfin, si 48 % des Français, viennent au café pour boire un verre, d'après l'étude réalisée en 1998 par la Sofres pour France Boissons, il n'en demeure pas moins que les tournées générales à répétition ont disparu. Il fallait réagir. "Le secteur se professionnalise et le monde des cafetiers est de plus en plus attentif aux attentes des consommateurs", explique Olivier Bertin de Conso CHD. D'une manière générale, les professionnels ont été contraints de requalifier leur offre.
Alcools forts au placard
"Le matin, le petit noir avec la petite goutte, on ne le sert plus beaucoup. Les
campagnes de communication de la sécurité routière ont eu une influence sur nos ventes
mais pas vraiment en notre faveur. A chaque baisse du taux d'alcool autorisé dans le
sang, on ressent l'effet sur la consommation de nos clients", déclare Jean
René, patron d'un bistrot à Aulnay. Les alcools dits forts, tels que les apéritifs et
les digestifs, sont a fortiori ceux qui ont été le plus touché. Certains évoquent une
régression de près de 60 % de leurs ventes sur ce registre. Concernant les bières, de
nouvelles tendances se font jour. "Le marché s'est diversifié avec, notamment,
l'arrivée des bières étrangères, précise Jean-Jacques Le Terrec, président des
cafetiers au sein de la Confédération. De plus, on a tendance à ne plus la boire à
pleine gorgée mais à la déguster." Dans certains établissements, la bouteille
est en train de prendre doucement le dessus sur la pression. Les consommateurs sont
également de plus en plus avertis et éduqués par la publicité. Ils se montrent
exigeants sur la qualité des produits. "Depuis 7 ans environ, on a remarqué une
certaine sensibilité vis-à-vis du café. Les cafetiers ont pris conscience, grâce à
leur clientèle, que c'est un produit qui doit être soigné", argumente Anne
Bellanger, directrice marketing des cafés Richard. Même le sucre a connu un relookage.
Du vrac, on est passé aux morceaux enveloppés, et désormais, ce sont les barres en
poudre qui ont la cote "pour ne pas casser la crème". Quant aux arômes,
ce sont les pures origines qui l'emportent.
Les bars à thème
"Comme les clients boivent moins, il faut les pousser à la consommation sur
d'autres produits", raconte Michel à Marseille. Il a fallu mettre en place des
produits plus élaborés ayant une valeur ajoutée permettant d'augmenter les tarifs.
Ainsi, les barmen se mettent à faire des cocktails. Sirops et autres fioritures coulent
à flots. A noter également qu'avec le développement des repas sur le pouce, il n'a pas
été difficile de proposer une petite restauration au client venu prendre un
rafraîchissement ou un 'p'tit caoua'. Les progrès des industriels ont fait le reste.
C'est notamment le sous vide qui est salutaire, permettant de faire l'économie d'un chef
en cuisine. Quant au personnel, les clients en attendent beaucoup mais pas de la même
manière qu'avant. Le patron n'est plus celui qui, accoudé au zinc, écoutait les
jérémiades de ses clients. Désormais, il se distingue par son accueil et son sens du
service. "Nous devons faire attention au personnel que nous engageons. Nous ne
sommes pas le refuge des autres professions. Nos serveurs doivent avoir une réelle
compétence", clame Jean-Jacques Le Terrec. Enfin, les bars à thème sont la
grande nouveauté du secteur, voire même la panacée. C'est l'un des moyens qui marche le
mieux actuellement pour attirer du monde parmi une nouvelle clientèle plus sélecte. Il
faut simplement trouver un sujet fédérateur. Siroter un verre dans un décor original
est désormais une volonté exprimée. Si le client consomme moins, il souhaite consommer
mieux.
L'Amérique frappe aux portes
Bien que le bistrot français ait une identité bien définie, petit à petit, les clients
modifient ce qui fut presque une institution. Et les cafés-salons à l'américaine
pourraient faire une arrivée fracassante. Starbucks n'a-t-il pas annoncé son intention
d'envahir la France dès 2002 ? La jeunesse française est familiarisée à ce type de
concept grâce à des séries comme Friends dont le QG est dans ce style de
coffee-shop. Elle est alors une proie beaucoup plus facile à séduire. Columbus Café ne
prendra pas le train en marche. Cette enseigne française d'espresso bars, créée en
1994, a déjà 25 points de vente actuellement en France et en Belgique. Le constat fait
par les deux cofondateurs, Philippe Bloch et Ralph Hababou, a mis en exergue "l'importance
de créer des lieux qui donnent envie aux gens d'aller dans des cafés. Il fallait réagir
face à un secteur où il n'y avait pas de chaînes et qui perdait des unités à chaque
instant". Ces concepteurs ont alors mis en avant la qualité du service au
comptoir, l'absence de service en salle, une déclinaison gourmande du café, et décliné
la vente à emporter à l'extrême. Une certaine catégorie de consommateurs est là. "On
n'est pas compétiteur du marché existant. C'est une nouvelle forme de
consommation", renchérit Philippe Bloch. Le tout est de savoir si les Français
sont prêts à voir disparaître ce qui est presque un emblème national, à savoir les
bistrots. Rien n'est moins sûr.
M.-L. Estienne
Columbus Café a déjà 25 points de vente en France et en Belgique.
Les consommateurs dans les cafésD'après une étude de Boxton & Co. auprès de consommateurs dans les cafés de différents pays, les Français restent de grands adeptes de ces établissements. Malgré une réduction significative du nombre d'établissements, presque 76 % des Français disent se rendre régulièrement ou occasionnellement au café. Les jeunes restent les plus adeptes : 78 % des moins de 25 ans contre seulement 29 % des plus de 50 ans s'y rendent. D'une façon générale, 26 % se déclarent habitués aux cafés, s'y rendant plusieurs fois par semaine. La clientèle demeure majoritairement masculine à 61 %, surtout parmi les habitués chez qui ils sont encore plus nombreux. Le café reste la boisson la plus demandée avec 68 % de taux de consommation, suivi de la bière (41 %), des eaux, sodas et jus de fruits (36 %). Quant aux apéritifs alcoolisés, leurs ventes sont en chute libre avec seulement 19 % de taux de consommation. Bien sûr, ces données varient selon les régions et l'âge des clients. Ces derniers apprécient l'ambiance générale, l'attitude sympathique du personnel, une terrasse conviviale et la propreté des lieux parmi les premiers critères d'appréciation d'un café. Mais l'animation et d'autres services comme la vente de confiserie et de tabac, un guichet de loto, sont des atouts supplémentaires. |
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L'HÔTELLERIE n° 2722 L'Hôtellerie Économie 14 Juin 2001