Confirmation des craintes
Alors que l'on avait imaginé que les restaurateurs et les hôteliers profiteraient du temps libéré de leurs clients salariés bénéficiant de la RTT, il semble que l'effet contraire se produit. Les 35 heures font, pour l'instant, la joie d'autres secteurs d'activité dans les loisirs.
On en est à présent sûr, les conséquences de la mise en place de la réduction du temps du travail (RTT) se font déjà ressentir sensiblement chez les restaurateurs et les hôteliers, comme le révèle la dernière enquête réalisée par Coach Omnium auprès de 519 professionnels. Pourtant, moins d'un quart des actifs français sont pour l'instant concernés par la RTT. La profession a perçu dans ses exploitations, le cas échéant, de grands mouvements de fréquentation concentrés sur seulement certains jours de la semaine (lire tableau ci-contre). Phénomène symptomatique s'il en est, car si d'aucuns pronostiquaient que le temps libéré allait voir les gens se ruer dans les restaurants au titre d'une relance dans les achats de loisirs, cet aboutissement a plutôt pris une teinte grisâtre pour les restaurateurs. Si environ un tiers des professionnels peuvent déjà dire que le changement des conditions de travail d'une partie de leurs clients a eu un effet sur leurs recettes, ils sont pratiquement 8 sur 10 à trouver que l'issue leur est défavorable. Il en va de même pour les hôteliers interrogés.
Pessimisme face à la généralisation de la RTT
La situation est claire : les restaurateurs observent un repli dans leur activité durant
les déjeuners des lundis, des mercredis et surtout des vendredis. Chez les hôteliers,
les nuits des lundis, jeudis et vendredis sont affectées par un repli de fréquentation.
Autrement dit, le client d'affaires qui quittait l'hôtel le vendredi matin a tendance à
présent à partir dès le jeudi matin, RTT oblige. Car, tant chez les restaurateurs que
chez les hôteliers, c'est bien sûr surtout la clientèle des entreprises (séjours et
repas professionnels ou d'affaires) qui est à l'origine des baisses d'activité.
Malheureusement, ce nouveau temps libéré des salariés n'a pas compensé une érosion de
fréquentation par l'apport d'une clientèle de loisirs, sauf modestement dans les sites
de loisirs. Aujourd'hui, si seulement 17 % des hôteliers sont parvenus à estimer que la
baisse de leur chiffre d'affaires due à la mise en place de la RTT se situe à une
moyenne de 7 %, les restaurateurs sont nettement plus nombreux - près de 30 % - à
évaluer des chutes de recettes qui dépassent parfois les 20 % pour certains. Du coup,
environ 1 hôtelier sur 5 et un tiers des restaurateurs s'avouent pessimistes et craignent
des baisses de la demande, tandis qu'une petite minorité est optimiste devant la
prochaine généralisation de la RTT à l'ensemble de leur clientèle. Evidemment, la
majorité restante préfère opter pour le wait and see, qui paraît assez
raisonnable.
Méthodologie de l'enquête : Coach Omnium a interrogé par téléphone 519 hôteliers et restaurateurs en avril 2001, représentatifs du parc français, indépendants et affiliés à des chaînes, sous forme d'étude quali-quantitative. |
Les cadres restent sursitaires
Pour l'instant, les cadres, professions libérales et chefs d'entreprise, qui sont le
cur de cible d'une grande partie des restaurateurs et des hôteliers, sont à la
traîne en matière de réduction du temps travaillé et cela devrait durer encore quelque
temps. Ce n'est pas encore chez eux que l'on va assister massivement à de l'absentéisme
dans les restaurants et dans les hôtels. Dans tous les cas, les effets en termes de
retombées favorables sur la consommation, le cas échéant, devraient se faire attendre
pendant quelques années, selon la plupart des analystes. Par ailleurs, le tourisme
d'affaires représentant pour l'hôtellerie près de 2/3 de son activité, il est probable
que la RTT aura une répercussion en matière de baisse du volume des séjours
professionnels, les voyageurs d'affaires ayant alors à résoudre le problème de mener de
front leur travail habituel en moins de déplacements.
Les 35 heures stressent les salariés
Parallèlement, malgré le bon moral des ménages, l'envie de consommer et l'effet bas de
laine qui s'ouvre avec l'arrivée de l'euro, où les Français consomment davantage, la
RTT, pour sa part, s'est quasiment accompagnée d'une stagnation des salaires dans les
entreprises, alors que le taux d'inflation remonte sensiblement. Quoi qu'il en soit, on
peut espérer que les restaurateurs et les hôteliers réussiront à redonner du baume au
cur à leurs clients. Selon plusieurs sondages parus récemment, si les 35 heures
profitent à la vie personnelle de leurs bénéficiaires qui sont globalement favorables
à leur instauration, ils sont également un tiers à constater que cela augmente
furieusement leur stress au travail. Les salariés doivent le plus souvent faire le même
travail qu'avant les 35 heures mais en moins de temps. On imagine ces mêmes conséquences
quand la RTT sera appliquée dans la profession hôtelière. Mais n'anticipons pas.
M. Watkins
Hôteliers | Restaurateurs | |
Influence ressentie | 35 % | 42,6 % |
---|---|---|
- dont incidence plutôt favorable | 17 % | 10,9 % |
- dont incidence plutôt défavorable | 75 % | 83,2 % |
Source : Coach Omnium |
Restaurants | Hôtels | ||
---|---|---|---|
Lundi midi | 28 % | Lundi soir | 42 % |
Mercredi midi | 19 % | Jeudi soir | 54 % |
Vendredi midi | 72 % | Vendredi soir | 29 % |
Source : Coach Omnium |
Hôteliers | Restaurateurs | |
Professionnels plutôt pessimistes | 21 % | 31,3 % |
---|---|---|
Professionnels plutôt optimistes | 13 % | 9,8 % |
Professionnels n'envisageant aucun changement | 42 % | 31,3 % |
Sans opinion | 24 % | 27,6 % |
Source : Coach Omnium |
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L'HÔTELLERIE n° 2722 L'Hôtellerie Économie 14 Juin 2001