Pizza Pino à Lyon
Sous le coup d'un dépôt de bilan, l'une des plus belles affaires de Lyon poursuit son activité. Malgré un p.-d.g. en fuite et un passif conséquent, la soixantaine de salariés s'attache à maintenir le cap avec une fréquentation qui ne se dément pas...
Tout débute par une
discrète petite annonce dans le quotidien local. Ce jour-là, Le Progrès annonce
pour le 27 mars à 10 heures une vente aux enchères "sur place, saisie 108, rue
président E. Herriot-angle place Bellecour" de mobilier et de matériel de
restauration pour pizzeria.
Elle concerne Pizza Pino et surprend. Même si bon nombre de rumeurs circulaient déjà en
ville, même si certains retards de paiements (fournisseurs, Urssaf en particulier)
étaient évoqués à mots couverts dans le 'milieu', on imaginait mal que cette affaire
florissante soit à ce point en difficulté.
En 1998, l'établissement, idéalement situé à côté de la place Bellecour, affichait
déjà un chiffre d'affaires de 30 MF. Les arrivées d'Hippopotamus et de Bistro Romain
dans le secteur firent vaciller la maison. Mais, si une perte de CA de 10 % fut
enregistrée, la marche en avant a été reprise rapidement. Pour 2000, avec un effectif
passé de 42 à 66 salariés en 2 ans, les chiffres étaient encore plus éloquents avec
un CA de 46,5 MF assorti d'un résultat net de plus de 6 MF. "Avec 200 places,
nous réalisons une moyenne de 1 400 couverts/jour à un prix moyen de 80 F (1). Et
cette année encore, nous sommes en pleine progression", explique Charles
Langella, premier maître d'hôtel, promu 'patron' de l'affaire par les circonstances.
Les circonstances ? Le départ de Gilles Sfez, p.-d.g. de la SA Ribel (Restauration
italienne Bellecour), connu le 13 mars, et depuis introuvable et injoignable (2). La vente
aux enchères donc, évoquée en préambule à la demande de nombreux créanciers. Et le
choix pour Charles Langella, suivi par les salariés, de demander un dépôt de bilan
suivi d'un redressement judiciaire prononcé le 5 avril 2001.
Désormais pour l'affaire du groupe Astorg 2 (filiale de la Banque Indosuez), franchisée
chez Pizza Pino et autorisée à poursuivre son activité jusqu'au 7 septembre, le verdict
tombera le 27 septembre prochain. Ce jour-là, il faudra choisir parmi les éventuels
repreneurs... dont Astorg 2, qui aurait les faveurs d'un personnel qui souhaite "la
continuité". On imagine déjà que, compte tenu de la situation privilégiée et
du chiffre d'affaires réalisé, l'affaire suscite quelques convoitises.
Malgré les difficultés, l'ensemble du personnel tient le cap. Et Charles Langella, en
qui il a mis sa confiance, se flatte de remarquer qu'aucun départ n'a été enregistré
malgré "des circonstances difficiles". C'est une question de fidélité
bien sûr. Mais aussi de bonnes conditions de travail proposées dans cette maison où les
salaires sont conséquents, de 7 000 F nets pour un plongeur à 23 000 F pour le chef
cuisinier, avec une moyenne s'établissant à 12 000 F.
"Nous voulons nous battre pour la survie de l'entreprise et je veux avant tout
défendre les salariés. Nous sommes favorables à une reprise par Astorg 2 qui présente
toutes les garanties que l'esprit de la maison soit préservé", professe Charles
Langella, qui brandit la pétition signée par le personnel et favorable à une solution
de continuité.
La clientèle n'a pas déserté l'établissement qui est toujours bien fréquenté. Et
plusieurs fournisseurs ont signé, le 19 juin dernier, un courrier à l'adresse du
tribunal de commerce de Lyon, évoquant "le dynamisme et la compétence de la
direction, la collaboration très soudée des salariés et la bonne volonté de vouloir
continuer à livrer à Pizza Pino les meilleurs produits aux meilleurs prix".
Tous se disent "prêts à s'investir pour que la société Ribel continue son
activité et soit reprise à sa juste valeur par un repreneur de cette branche qui pourra
sauvegarder les emplois et les intérêts de nos créances, avec une enseigne Pizza Pino
maintenue".
A l'heure du bilan, et sans tenir compte de quelques 'tracasseries' (par le passé, on a
beaucoup parlé de contrôles d'hygiène éloquents, de cotisations salariales non
versées, d'assurances impayées, de bail en suspens et de visites de l'inspection du
Travail), l'ardoise est élevée. Un lourd passif, oscillant entre 25 et 30 MF selon les
sources, dont 16 MF pour les seuls fournisseurs, est évoqué. Et le Trésor public,
l'Urssaf ou les Assedic n'entendent pas perdre tous leurs droits à recouvrer les dettes !
Voilà qui situe l'importance des choix pour l'avenir. Rangés derrière Charles Langella,
les salariés qui n'entendent pas "payer l'addition" se sont dits prêts
à "aller jusqu'au bout". Ils évoquent même la possibilité d'une
grève de la faim si le tribunal de commerce, qui doit faire le choix, n'abondait pas dans
un sens exprimé à travers une pétition. C'est en tout cas ce qu'ils ont fait savoir
tant au président de la République qu'au Premier ministre. Et au tribunal de commerce
aussi, bien sûr...
J.-F. Mesplède zzz22t
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"Nous voulons nous battre pour la survie de l'entreprise",
explique Charles Langella, l'actuel responsable du restaurant.
(1) A Lyon, Pizza Pino sert 500 000 couverts/an avec un record établi le samedi 9 décembre 2000 avec 2 440 couverts ! Il est aujourd'hui le seul franchisé d'une chaîne comptant 11 restaurants. La mise en redressement concerne également Croissant et Brioches et Halles Steak House à Paris, tandis que le Pizza Pino de Saint-Quentin a été purement liquidé.
(2) Les rumeurs font état d'un départ du p.-d.g. en Israël où il aurait changé de nom. La justice suit de très près l'affaire car, non seulement les dettes sont importantes, mais une 'ponction' dans la caisse à hauteur de 7 à 8 MF aurait été constatée.
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L'Hôtellerie n° 2732 Hebdo 23 Août 2001