La Bretagne fait preuve d'un dynamisme certain en matière de formation.
Etat des lieux.
En Bretagne comme
partout ailleurs, c'est la pénurie de personnel. L'ambiance en vient même à se
détériorer sérieusement entre certains professionnels qui remarquent de plus en plus un
pillage et un débauchage de salariés. Ces problèmes d'emploi rejaillissent sur la
formation, souvent accusée d'être en inadéquation avec le marché. Qu'en est-il
réellement ? Les jeunes sont-ils mal formés ? Les formations sont-elles inadaptées à
la demande des professionnels ? Existe-t-il un rejet de la profession de la part des
jeunes ? Autant de questions dont les réponses divergent, que l'on tende l'oreille du
côté des professionnels ou de celui des formateurs. Alors même si tout n'est pas
parfait du côté de la formation en Bretagne, disons-le d'emblée, ce n'est pas pire
qu'ailleurs, loin de là. Ce serait même mieux.
Un spécialiste de la formation, souhaitant garder l'anonymat (appelons-le M. R.),
remarque même que "en Bretagne, il faut parfois freiner les ardeurs tellement les
acteurs de la formation - professionnels, institutionnels et politiques - sont
dynamiques". La région a déjà été la première de l'Hexagone à signer un
contrat d'objectif (Etat, Région, rectorat, professionnels) dans le domaine de
l'hôtellerie-restauration. Et M. R. de rappeler qu'aujourd'hui "c'est une
attitude naturelle que d'aller l'un vers l'autre. On a fait tomber les frontières entre
l'entreprise d'un côté et les institutions de l'autre. Et rendons à César ce qui est
à César, ce sont les politiques qui sont à l'origine de cette situation".
Signé en octobre 1995 et reconduit en 2000, le contrat d'objectif a le mérite d'être
paritaire (le seul du genre en France) et fonctionne avec une commission présidée par
Dominique Salvi. "Cette commission ne réclame d'ailleurs pas d'argent car les
professionnels ont dit d'entrée qu'ils ne souhaitaient pas de moyens supplémentaires sur
le financement des formations, mais qu'ils voulaient traiter conjointement de la meilleure
affectation possible de ces moyens." Depuis, les professionnels sont donc
consultés systématiquement sur l'ouverture d'une section CFA ou autre en Bretagne, les
jeunes sont mieux informés.
Pour autant, la Bretagne n'échappe pas aux tendances nationales qui touchent ce secteur.
Manque de main-d'uvre, émigration des jeunes formés en Bretagne, etc.
Des effectifs en forte chute
Cette pénurie s'explique déjà par un fait très simple qui est la baisse de la
démographie. "Les effectifs sont en forte chute pour la rentrée 2001",
explique Jean-Pierre Orhan, délégué académique à l'enseignement technologique. Toutes
formations confondues, les chiffres de 1999 concernant les effectifs sont en baisse de
près de 10 % par rapport à l'année précédente (pour les BEP, on note une diminution
des effectifs de 13,9 % en 1999 par rapport à 1998. Elle est en baisse de 12 % pour les
CAP et de 3,7 % pour le bac pro). En ce qui concerne l'apprentissage, le constat s'avère
moindre avec une diminution des effectifs (tous niveaux confondus) en 1999 de 1,8 % par
rapport à l'année précédente. Pour autant, il ne faut pas en conclure que le métier
intéresse moins les jeunes. "C'est toujours une profession qui attire, précise
Jean-Pierre Orhan. Nous avons plus d'un candidat pour une place. Mais le problème,
c'est qu'avant nous en avions au moins trois !" S'ajoute à cela l'exode réel
des jeunes à l'étranger ou dans d'autres régions de l'Hexagone. Certains professionnels
s'en inquiètent, mais n'ont-ils pas emprunté le même chemin lorsqu'ils étaient plus
jeunes ? Les Bretons sont toutefois plus nombreux à s'évader de leur région que les
jeunes issus de la Côte d'Azur par exemple. Selon M. R., "il faut que les gamins
partent, ce n'est pas un problème car ils reviennent tôt ou tard dans leur région. Le
plus ennuyeux, c'est de payer une formation pendant deux ans et qu'ensuite le gamin quitte
le secteur". Les acteurs de la formation agissent, notamment au sein du contrat
d'objectif, afin de mieux informer les jeunes sur le métier. Sur ce point, le travail en
Bretagne est colossal. A Quimper, Saint-Malo ou Lorient, les professionnels deviennent,
une fois formés, les relais des prescripteurs (ANPE...) et s'engagent à recevoir des
jeunes dans leur entreprise. Jean-Pierre Orhan déclare d'ailleurs être "très
ouvert à toutes les stratégies d'information. Dès le collège et au moment du
choix".
Un dispositif de formation initiale pertinent
Autre question récurrente, les jeunes sont-ils formés de façon pertinente ? Selon
Jean-Pierre Orhan, "le dispositif de formation est quantitativement satisfaisant.
Nous devons néanmoins le faire évoluer qualitativement". Géographiquement
déjà, la Bretagne est bien couverte par 12 lycées privés et publics sous statut
scolaire (lire encadré ci-contre). L'académie reconnaît également 8 CFA organisés au
sein des CCI ou chambres des métiers. Et c'est sans compter les établissements privés
comme l'Eshor ou, pour la formation continue, les Greta, Afpa, Maisons familiales et
rurales, etc. Le panel des formations offertes dans l'académie s'avère par ailleurs
très large avec 21 diplômes proposés, du niveau V au niveau III, sous statut scolaire
(effectif en 1999 de 1 312 personnes) et par l'apprentissage (effectif en 1999 de 980
personnes). Toujours en 1999, le BTS accueillait 112 personnes, le bac pro 261, le BEP 606
et le CAP 75. Par l'apprentissage, les chiffres sont en bac pro de 35 personnes, de 245 en
BEP et de 609 en CAP. "Je pense que nous répondons bien à la demande du marché,
précise Jean-Pierre Orhan, avec peut-être plus de bac pro que ne le demandent les
professionnels. Mais il faut voir à moyen terme. Le bac pro est intéressant pour les
jeunes qui veulent s'installer, c'est un bagage minimum." Outre ce diplôme,
c'est surtout le BTS qui semble ne pas correspondre à la demande des professionnels. M.
R. remarque : "Les professionnels ne veulent pas de BTS. Pourtant, on en forme 10
ou 11 % en Bretagne et l'on n'a que 3 % de cadres. Cela veut dire que ces BTS que l'on
forme en cuisine vont se retrouver sur des emplois de base. Et s'ils ne l'acceptent pas,
ils s'en iront ailleurs." Mais Jean-Pierre Orhan n'est pas du même avis : "Ce
serait une aberration que d'accuser le BTS de tous les maux. Il faut d'ailleurs savoir que
seulement 5 % des jeunes en bac pro s'orientent vers un BTS. La plupart des BTS sont issus
de filières techno et pas de BEP. Ce serait une erreur stratégique que d'opposer les
deux." Même s'il n'intéresse que moyennement l'hôtellerie familiale (excepté
peut-être au sein de groupements d'employeurs en morte-saison), ce diplôme demeure en
effet très recherché par les grands groupes hôteliers et par des entreprises présentes
sur des branches connexes à l'hôtellerie-restauration. Pour la formation initiale, "si
l'on fait le ratio entre le nombre de salariés en place dans un département et le flux
des jeunes formés dans ce même département, nous observons un équilibre : 29 % des
salariés dans le Finistère pour 27 % des jeunes formés dans ce département. Dans les
Côtes d'Armor, on est à 13 et 11 %, etc.". Si l'équilibre semble atteint en
formation initiale, cela ne semble pas le cas en formation continue, où l'Ille-et-Vilaine
absorbe près de 79 % des contrats de qualification. Ceci résulte d'un "problème
de positionnement des centres de formation. Mais on ne doit pas en conclure que
l'Ille-et-Vilaine consomme trop, mais plutôt de savoir pourquoi les autres ne consomment
pas de la même façon, souligne M. R. Il faut qu'ils travaillent sur ce champ-là.
Car la pénurie engendre les contrats, et s'il y a contrat, il y a apprentissage ou
contrat de qualification".
Des contenus parfois inadaptés
Concernant le contenu des formations, il semble y avoir, en Bretagne, encore quelques
soucis. Selon M. R., "des entreprises aujourd'hui refusent de prendre des
apprentis car les calendriers et les contenus ne sont pas adaptés. On ne tient pas compte
de l'avis des professionnels... On dispense le même contenu de formation au gamin, qu'il
aille chez un macaron ou un routier. Il existe donc un problème d'analyse préalable de
la situation. Les professionnels ne s'intéressent pas à ce que l'on fait dans le centre
de formation. Ils veulent parler de leurs spécificités, de ce qu'ils sont capables
d'apporter et de ce que le centre peut apporter derrière. Ils veulent qu'on les écoute.
Les professionnels sont capables de diffuser leur savoir, mais les centres de formation
l'oublient et ont tendance à penser qu'en centre, on apprend, et que l'on s'exerce en
entreprise. Non, c'est le contraire ! Trop peu de centres entrent dans cette logique.
Lorsque je vois un institut de formation privé qui devrait bientôt s'installer en
Bretagne en proposant des formations supérieures, je me demande s'il s'est posé la
question de savoir ce que les professionnels demandent. Non, forcément, donc les contenus
vont être stéréotypés". Des formations qui ne suivent pas le marché (ou à
retardement), à l'image du métier de limonadier qui connaît aujourd'hui un regain
grâce au développement de bars à thème dans des villes comme Rennes, Brest ou Lorient.
Pourtant, il existe encore peu de formations adaptées. A l'inverse, il semble que la
Bretagne forme trop de crêpiers alors que le taux d'insertion n'est que d'un quart (une
vingtaine reste dans l'emploi sur 80 formés). "Il faut que l'offre comprenne
davantage le marché, selon M. R. Certains centres de formation n'offrent pas de
réponses correctes. Il va falloir que l'Etat et la Région imposent leurs vues. Il faut
créer aussi, et c'est primordial, des passerelles pour que les jeunes puissent passer
d'un dispositif à l'autre. Que les formations soient à la carte comme la Recape. Car
l'objectif final est bien d'occuper un emploi, pas d'avoir un diplôme."
O. Marie zzz68v
La Bretagne n'échappe pas au manque de main-d'uvre.
Centres de formation sous contrat scolaire
|
Article précédent - Article suivant
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie n° 2736 Supplément Formation 20 Septembre 2001